Lexbase Afrique-OHADA n°30 du 13 février 2020 Voir tous les numéros

 
La revue juridique OHADA
lexbase Afrique-OHADA n°30
13 février 2020

[Communiqué] Le Secrétaire Permanent de l’OHADA appelle à la création d’une zone OHADA/ZLECAf

Ainsi, rappelons que :

L’OHADA est le vecteur d’un droit des affaires harmonisé en Afrique

Par son œuvre d’unification du droit, l’OHADA constitue un pare-feu à l’éclatement du droit des affaires et à l’isolement de ses 17 Etats membres. A ce titre, il est crucial que cette organisation soit partie prenante des programmes d’harmonisation régionale en œuvre en Afrique. Les Chefs d'Etat de l’OHADA, ont d’ailleurs rappelé cette nécessité en préconisant «une promotion intense de l’organisation auprès de l’UA, à l’effet d’en faire un outil privilégié de production et de promotion du Droit des affaires» [1]. La participation de l’OHADA est en effet le moyen d’éviter tous conflits de loi émanant d’organisations communautaires d’intégration. C’est également le vecteur qui permettra d’éviter tous conflits entre leurs juridictions communes.

Le projet de code européen des affaires est un exemple édifiant quant au succès mondialement reconnu de l’OHADA. Les Etats du continent africain ont ainsi réussi là où l’Europe pèche encore : confrontés à une diversité de systèmes juridiques qui affaiblissent leur capacité à générer de la croissance, ils sont parvenus à une codification du droit des affaires plus sûre, plus accessible.

L’OHADA est la voix de tous les Etats du continent

Nous devons repenser le point de départ d’une nouvelle politique d’harmonisation des droits en vigueur au sein de la zone OHADA avec ceux des autres pays composant la ZLECAf (Afrique du Sud, Nigéria, Ghana, Rwanda, Kenya, Ethiopie, Tanzanie, etc.) : il est indispensable de prendre en compte la vocation panafricaine du législateur communautaire. Les pays puissants économiquement défendront en groupe leur position au sein de la ZLECAf et seule l’OHADA sera en mesure de porter la voix de tous les Etats. Rappelons que cette organisation est à même de prendre en considération les attentes des poids lourds économiques du continent, ayant déjà en son sein des Etats non francophones où qui n’appartiennent pas à la tradition juridique du droit continental.

Enfin, la compétence de la Cour Commune de Justice et d'arbitrage est d’autant plus justifiée qu’elle connaît de tous litiges touchant le droit OHADA, qu’ils surviennent entre ses pays membres ou non. Sans oublier l’arbitrage et la médiation instaurés par cette organisation qui n’ont pas de limite géographique. Il en va de la pérennité des modes alternatifs de règlement des litiges : les voix de l’ensemble des justiciables y ayant recours sur le continent doivent être autant entendues que celles portées par les centres d’arbitrage des géants de l’économie africaine.

Avec dix actes uniformes directement applicables au sein de ses Etats membres, qualifions le droit OHADA de droit brutal. Et la CCJA est actuellement la seule juridiction régionale, avec plus de 300 jugements par an, capable de faire plier les freins au développement du continent, Etats y compris.

Alors que l’Afrique est le continent où la corruption est la plus forte, l’OHADA possède la juridiction royale en matière de sécurisation des investissements, axe essentiel de toute politique de développement. Enfin, la CCJA permettra, par son expérience réussie d’interprétation en contexte régional, de faire face aux différentes règles juridiques des Etats de la ZLECAf.

 

Face à l’urgence, le Secrétaire Permanent de l’OHADA, Professeur Emmanuel Sibidi Darankoum, demande :

► que l’Union africaine intègre l’OHADA aux travaux en cours sur la constitution de la ZLECAf ;

► que l’OHADA bénéficie d’un poste de commissaire au sein du siège de la ZLECAf

Un colloque sera organisé par l’organisation au sujet de cette nécessité au printemps prochain.

 


[1] Conférence des Chefs d’Etats de Ouagadougou, 17 octobre 2013.

 

[Brèves] De la relativité de la convention d’arbitrage
par Aziber Didot - Seïd Algadi
Réf:CCJA, 28 novembre 2019, n° 277/2019 (N° Lexbase : A48573A7)

► Toute convention d’arbitrage n’engage que ceux qui l’ont signée ;

► ainsi, dans la mesure où la partie a été attraite tant devant le tribunal que la cour d’appel et la CCJA ; que cette partie n’étant liée au demandeur par aucune clause compromissoire et rien au dossier n’indiquant qu’elle a adhéré à celle souscrite par ce dernier, la voie de l’arbitrage invoquée ne peut lui être opposée ; sa présence au procès rend donc inapplicable la clause compromissoire sous-tendant l’exception soulevée.

Telle est la substance d’un arrêt de la CCJA, rendu le 28 novembre 2019 (CCJA, 28 novembre 2019, n° 277/2019 N° Lexbase : A48573A7).

Dans cette affaire, le 17 août 2018, M. G. a assigné M. D. devant le tribunal de première instance de Lomé à l’effet de constater que ce dernier lui avait librement transféré son droit de propriété sur l’immeuble objet de divers titres fonciers acquis auprès d’une société et de confirmer ce transfert de propriété.

Par jugement du 22 octobre 2018, le tribunal précité a rejeté l’exception d’incompétence des juridictions étatiques soulevée par M. D. et sursi à statuer sur le fond. Saisie par M. D., la cour d’appel de Lomé, retenant le caractère interlocutoire du jugement entrepris, a rendu un arrêt contre lequel un pourvoi a été formé.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté l’exception d’incompétence aux motifs que la clause compromissoire invoquée procède d’un protocole notarié devenu caduc, que l’engagement du 10 juin 2016 est un acte sous seing privé autonome et non l’annexe ou l’avenant du protocole notarié dont se prévaut le requérant alors, d’une part, qu’une convention d’arbitrage visant à soumettre à l’arbitrage tout litige pouvant naître d’un contrat, la caducité du protocole du 13 février 2015 ne peut avoir éteint la clause compromissoire excipée et que, d’autre part, lorsque les parties ont convenu de la voie de l’arbitrage pour le règlement de leurs litiges, le juge étatique doit se déclarer incompétent. Ainsi, a soutenu le demandeur, en statuant de la sorte, la cour d’appel aurait violé les articles 4 et 13 de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage (N° Lexbase : L1333LGH) et, par voie de conséquence, exposé sa décision à la cassation.

L’argumentation n’est pas retenue par la CCJA qui juge, par les motifs de pur droit sus rappelés, relevés d’office et substitués à ceux retenus par la cour d’appel, qu’il échet de rejeter le pourvoi comme non fondé (sur le sujet cf. M. K. Akakpo, La protection de la partie faible dans l'arbitrage OHADA, L'Harmattan, 2018 N° Lexbase : N2733BXI)

[En librairie] L'efficacité de l’arbitrage OHADA

Considéré comme une révolution juridique en Afrique francophone, l’espace de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) est, selon l’auteur, depuis sa création, un terrain propice à la collaboration entre le juge étatique et l’arbitre. Cependant, si dans l’arbitrage spécifique de la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) il revient au juge communautaire la charge d’administrer la procédure et d’assurer le service après-vente durant la phase post-arbitrale, la détermination du juge national dans l’arbitrage de droit commun est une opération complexe. En effet, le flou lexical entourant l’expression générique désignant le juge étatique, entraîne un morcellement de son champ de compétence. Selon que l’on se trouve dans la phase préparatoire à l’arbitrage ou durant la phase arbitrale et post-arbitrale, le juge national n’est pas toujours le même. Suivant l’organisation judiciaire propre à chacun des Etats parties, il pourra s’agir des juridictions d’instances dans le cadre d’une compétence exclusive ou des juridictions d’appels dans le cadre d’une compétence partagée avec les juridictions d’instances avant tout pourvoi en cassation devant la CCJA. Cela dit, qu’il s’agisse de l’arbitrage spécifique de la CCJA ou de l’arbitrage de droit commun, le juge étatique joue d’abord un rôle d’assistance en cas de difficultés. Pour ce faire, il aide les parties et les arbitres lors de la constitution du tribunal arbitral, l’administration des pièces et la prorogation du délai de l’arbitrage. De même, si les parties en expriment le besoin, le juge étatique en cas d’urgence reconnue et motivée ordonne des mesures provisoires ou conservatoires. Enfin, lorsque l’arbitre prononce la sentence, il reviendra encore au juge étatique le soin de veiller à son exequatur effectif après l’épuisement des voies de recours devant son office.

[Brèves] Souscription d’une police d’assurance obligatoire sans consentement préalable de l’assuré : exit la demande en recouvrement des frais y relatifs !
par Aziber Didot - Seïd Algadi
Réf:CCJA, 28 novembre 2019, n° 281/2019 (N° Lexbase : A48533AY)

► Si, pour faire face à une obligation légale, la partie poursuivante a souscrit une police assurance couvrant le transit des marchandises importées par la société poursuivie, ce qui serait constitutif d’une stipulation pour autrui, il reste que cette initiative n’a jamais été préalablement approuvée par la société poursuivie censée en être la bénéficiaire ;

► la procédure d’injonction de payer poursuivant le recouvrement des créances ayant pour fondement une manifestation de volonté, en déclarant la société poursuivante recevable en sa demande de recouvrement, en l’absence de la preuve d’un tel critère, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.

Telle est la solution retenue par un arrêt de la CCJA, rendu le 28 novembre 2019 (CCJA, 28 novembre 2019, n° 281/2019 N° Lexbase : A48533AY ; sur l’exigence d’une créance certaine, cf. CCJA, 28 novembre 2019, n° 276/2019 N° Lexbase : A48583A8).

Dans cette affaire, pour contester une décision d’injonction de payer rendue contre elle à la requête de la société poursuivante, la société poursuivie a formé opposition devant le tribunal de première instance qui a déclaré la société poursuivante irrecevable en sa demande en recouvrement. Saisie, la cour d’appel a rendu un arrêt infirmatif que la société poursuivie a attaqué devant la Cour suprême, laquelle a renvoyé l’affaire devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, en application des dispositions de l’article 15 du Traité de l’OHADA (N° Lexbase : L3251LGI). 

La demanderesse fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir admis la demande en recouvrement de la défenderesse, en se fondant essentiellement sur le fait que cette dernière avait souscrit une police d’assurance, alors que celle-ci n’avait jamais fait l’objet d’un accord préalable des parties de nature à légitimer une créance susceptible d’être recouvrée au moyen d’une injonction de payer ; ce faisant, la cour a violé les dispositions de l’article 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (N° Lexbase : L0546LGC) et exposé conséquemment son arrêt à la cassation.

A juste titre. Sous l’énoncé du principe susvisé, la CCJA casse l’arrêt ainsi rendu et évoquant l’affaire,  déboute la société poursuivante de sa demande de recouvrement.

[Brèves] Portée du droit de rétention du vendeur non payé
par Aziber Didot - Seïd Algadi
Réf:CCJA, 28 novembre 2019, n° 272/2019 (N° Lexbase : A48623AC)

► En cas de non-paiement du prix lorsque celui-ci est prévu au jour de la livraison, le vendeur, ayant encore en sa possession ou sous son contrôle les marchandises, est fondé à les retenir jusqu’à leur complet paiement ;

► ce droit de rétention n’offre pas au vendeur un droit direct de reprise des marchandises.

Telle est l’une des précisions faites par un arrêt de la CCJA, rendu le 28 novembre 2019 (CCJA, 28 novembre 2019, n° 272/2019 N° Lexbase : A48623AC ; il est utile de préciser que le vendeur est obligé de conserver les marchandises dans des conditions appropriées sous peine de dommages-intérêts).

Dans cette affaire, un commerçant a acheté 30 conteneurs d’huile végétale auprès d’une société. La livraison n’ayant pas été faite, la société a pris des engagements demeurés infructueux et émis des chèques de remboursement revenus impayés faute de provision. Elle a établi finalement une facture de vente des conteneurs en promettant la livraison des conteneurs entreposés au Port autonome de Lomé. Ayant vérifié l’existence effective des marchandises au Port Autonome de Lomé, le commerçant a pratiqué des saisies conservatoires sur celles-ci par actes des 31 juillet et 1er août 2018, dénoncées le 7 août 2018. Revendiquant la propriété des marchandises, une autre société a introduit une action en distraction devant la juridiction des urgences du tribunal de première classe de Lomé. Par ordonnance du 31 août 2018, ladite juridiction a accédé à cette demande. Saisie par le commerçant, la cour d’appel de Lomé a rendu un arrêt contre lequel un pourvoi a été formé.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir notamment infirmé l’ordonnance du premier juge au motif qu’aucune disposition légale en matière de vente n’autorise le vendeur initial à reprendre automatiquement les biens revendus en cas de non-paiement du prix par son acquéreur, en dehors de toute action judiciaire, l’inexécution d’une obligation contractuelle n’entrainant point la résolution du contrat de vente de plein droit et un retour des marchandises vendues et revendues à un sous-acquéreur dans le patrimoine du vendeur alors, selon la requérante, que l'article 271 de l'Acte uniforme portant sur le droit commercial général (N° Lexbase : L3037LGL) prévoit le droit direct du vendeur de reprise des marchandises vendues pour non-paiement du prix.

La Cour ne retient pas cette argumentation et juge, eu égard au principe susvisé que la violation alléguée de la loi n’étant pas avérée, il y a lieu de rejeter ce moyen comme non fondé (sur le sujet, lire notamment V. C. Ngono, Les suites de l’inexécution du contrat de vente de marchandises en droit OHADA (Réflexion à la lumière de la réforme française du droit des contrats), Lexbase Afrique-OHADA, n° 17, 2018 N° Lexbase : N6879BX3).

 

[Brèves] Modalités de renouvellement du contrat de bail à durée déterminée : exit la clause de tacite reconduction insérée dans le contrat !
par Aziber Didot - Seïd Algadi
Réf:CCJA, 29 novembre 2019, n° 275/2019 (N° Lexbase : A48593A9)

► Dans le cadre du bail à durée déterminée, le preneur qui a droit au renouvellement de son bail peut demander le renouvellement de celui-ci, par signification d’huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d’établir la réception effective par le destinataire, au plus tard trois mois avant la date d’expiration du bail. Le preneur qui n’a pas formulé sa demande de renouvellement dans ce délai est déchu du droit au renouvellement du bail. Le bailleur qui n’a pas fait connaître sa réponse à la demande de renouvellement au plus tard un mois avant l’expiration de bail est réputé avoir accepté le principe du renouvellement de ce bail ;

► ces dispositions étant d’ordre public, la clause de tacite reconduction insérée dans le contrat de bail est sans effet, l’acceptation du bailleur des paiements au titre de loyer étant, quant à elle, inopérante relativement au renouvellement du bail ; 

Telles sont les précisions faites par un arrêt de la CCJA, rendu le 29 novembre 2019 (CCJA, 29 novembre 2019, n° 275/2019 N° Lexbase : A48593A9).

Selon les faits de l’espèce, par jugement du 27 octobre 2017, le tribunal de commerce d’Abidjan, après l’avoir déclaré déchue de son droit au renouvellement du bail, a ordonné l’expulsion d’une société de la villa qu’elle occupait, la condamnant à verser une indemnité d’occupation au bailleur et rejetant sa demande d’indemnité d’éviction. Sur appel de la société, la cour d’appel d’Abidjan a rendu un arrêt, objet d’un pourvoi en cassation devant la CCJA.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir considéré que le bail, ayant lié la société aux anciens bailleurs depuis le 1er janvier 2006, s’étant renouvelé plusieurs fois sans aucune durée de renouvellement ne soit prévue, s’était mué en un contrat à durée indéterminé, avant même que la villa louée ne soit vendue. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les dispositions des articles 123 et 124 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général (N° Lexbase : L3037LGL).

A juste titre. La CCJA, après avoir énoncé le principe susvisé, casse l’arrêt ainsi rendu. Evoquant l’affaire, elle confirme le jugement en ce qu’il a déchu la société de son droit au renouvellement du bail (sur le sujet, lire, notamment, S. Nandjip MoneyangL'importance de l'office du juge dans la sanction de la perte du droit au renouvellement du bail commercial, Lexbase Afirque-OHADA, 2017, n° 5 N° Lexbase : N1209BX3).

[Doctrine] La Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance : regard croisé
par Ameth Ndiaye, Docteur en Droit public, Assistant - Faculté des Sciences juridiques et Politiques, Université Cheikh Anta Diop de Dakar

«[…]La galaxie juridique contemporaine est constituée de planètes qui évoluent les unes par rapport aux autres et dont la course se croise à de multiples reprises. Ce ballet devrait être réglé par les lois de la mécanique céleste, mais le Grand Architecte ne semble guère s’en être soucié. Aussi, dans ce cadre, l’étude des règles de fond propres à chaque système est moins importante que celle des interactions qui se produisent dans le mouvement de ces planètes […]» [1]. Si pour le Professeur Jean-Paul Jacqué ces planètes renvoient, entre autres, à l’Organisation des Nations Unies [2], à la Convention Européenne des Droits de l’Homme [3] et à l’Union européenne [4], il s’agira pour nous d’envisager ces planètes à travers la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples [5] et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance [6].

Prétextant le 10ème anniversaire de l’adoption de la CADEG et le 5e de son entrée en vigueur, il nous est apparu utile de saisir ce moment de célébrations et de festivités pour réfléchir sur les acquis et les déficits démocratiques en Afrique au cours de la décennie écoulée. Cette étape-bilan doit, à notre sens, être reliée à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples,  encore appelée, Charte de Banjul. En effet, La CADEG «n’est pas née des choux», pour reprendre l’heureuse formule de Monsieur Guillou [7].  Elle n’est pas, non plus, un phénomène désincarné et tire son existence et tout son sens de la Charte de Banjul qui peut, ici, à l’instar de la Constitution en droit interne, prétendre à la qualité de norme-mère. Immanquablement, la CADEG devait combler un vide. En effet, l’Organisation de l’unité africaine [8] et l’Union africaine [9], malgré une «fièvre conventionnelle» [10], avait fini d’étaler leurs insuffisances relativement à la prise en charge des droits de l’homme et de la démocratie. Aussi, cette nouvelle création se justifiait par la nécessité d’un ferme rappel à l’ordre autour de la philosophie des droits de l’homme et de la démocratie. Ainsi, moins que l’étude des règles de fond propres à chacune des deux Chartes africaines, ici à l’honneur, l’accent sera plutôt mis sur les interactions qui se nouent entre elles. Il s’agira à l’évidence d’essayer de démêler l’écheveau des imbrications entre la Charte de 1981, encore appelée Charte de Banjul [11] et celle portée sur les fonts baptismaux en janvier 2007 à Addis-Abeba, dans la capitale Ethiopienne. En effet, comme le soulignent les professeurs Ismaïla Madior Fall et Alioune Sall «au-delà de leur diversité apparente et de la variété des contextes dans lesquels ils ont été adoptés, ces textes [12] demeurent reliés par une certaine cohérence et une certaine rationalité» [13]. S’il y a un fil rouge qui parcourt notre analyse, c’est très certainement, cette quête de cohérence et de rationalité. Et, elle permettra, dans la foulée, de déceler la part des incohérences et des irrationalités relativement à la «course» de ces deux planètes.

Cette diversité apparente se manifeste au niveau de l’approche définitoire. Au plan étymologique, charte vient du latin charta qui signifie écrit, comme le rappelle le professeur Moustapha Ngaïdé [14]. Le terme «charte», à l’honneur dans notre étude, peut être envisagé comme un accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le droit international. Les Etats qui ratifient une charte ou y adhérent sont tenus de la respecter. A la vérité, l’usage manque d’homogénéité. La pratique internationale permet de rapprocher la charte du traité, de l’accord, du pacte, du protocole, de la convention…La liste n’est pas exhaustive ! La même pratique internationale autorise d’exclure de notre champ d’étude la Charte envisagée, dans le cadre du droit interne, comme un acte constitutionnel non élaboré par une assemblée constituante [15]. Elle permet également d’écarter de nos préoccupations l’accord intervenant entre entités qui ne sont pas reconnues comme des Etats sur le plan international (Etats membres d’un Etat fédéral, provinces, départements). Cet accord ne constitue pas une convention internationale. Les contrats entre particuliers ou entre Etats et particuliers subissent, aux aussi, le même sort.

A cette diversité apparente, l’homogénéité de l’aire géographie, objet de la réflexion, apparaît comme une bouffée d’oxygène. En effet, nos deux chartes sont bien localisées sur les terres africaines. On ne peut plus nier que la récente démocratisation en cours dans un nombre croissant de pays africains se nourrit de la revendication des droits de l’homme. La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance se propose comme l’instrumentum [16] de cette prise de conscience.

Un intérêt particulier s’attache à une telle entreprise. En effet, il n’existe pas à notre connaissance, d’étude systématique ambitionnant de présenter la relation entre la Charte de Banjul et la Charte adoptée à Addis-Abeba. Au caractère particulier de l’intérêt de l’étude s’ajoute un constat : le temps semble s’être «drapé» d’une maturité suffisante favorable à  une telle analyse. En effet, une compulsation de la littérature existante portant sur nos deux planètes témoigne de deux réalités. La première réalité renseigne sur la foultitude d’écrits consacrés à l’une [17] ou l’autre [18] de ces deux Chartes africaines. Cette œuvre est titanesque [19]. Par voie de corollaire, la deuxième réalité confirme le caractère monographique de ces écrits. A la vérité aucun des textes consacrés à ces deux planètes n’ambitionne une analyse de l’une et l’autre, de l’une vers l’autre, concomitamment. Or, les évolutions récentes et les tendances qui se dessinent semblent conforter notre démarche combinatoire. En effet, le temps nous paraît mur pour tenter une telle approche [20].

L’on perçoit alors mieux les intérêts qui s’attachent à démarche consistant à poser un regard croisé «sur la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et  la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance». Tel qu’il est formulé le sujet part d’un constat- l’adoption de la CADEG se présente comme l’un des faits saillants de la décade écoulée dans le processus de démocratisation de l’espace africain. Elle doit être reliée à la CADHP de par sa généalogie, de par ses objectifs et de par sa philosophie. Mieux encore, ce lien est renforcé par l’ambition de la CADEG de combler le vide constaté au niveau de l’OUA et de l’UA dans la prise en charge des droits de l’homme et de la démocratie. Enfin, Quel qu’ait été le souci constant des auteurs de la CADHP et de la CADEG d’éviter les contradictions entre les deux chartes dans la prise en charge des droits de l’homme et de la démocratie, une autre volonté s’est exprimée avec force : celle de l’autonomie de la CADEG -et l’assortit d’une interrogation centrale : dans la prise en charge des droits de l’homme et de la démocratie en Afrique par la CADHP et la CADEG, quelle est la part d’identité et d’autonomie ?

Dès lors, une esquisse de bilan incompressible à l’analyse structurelle de ces deux Chartes devient possible. Cette nécessité est fortement relayée par Adama Kpodar [21]. Au total ; notre étude propose d’examiner, par une lecture croisée et comparative de ces deux Chartes africaines, le mouvement de conjonction des deux planètes (I), dans un premier temps, et, dans un second temps celui de leur élongation (II).

 

I - Une conjonction [22] existentielle des deux planètes

 

Les contours de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et ceux de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance permettent de saisir les aspects communs aux deux types d’instruments. En effet, un survol complet des deux chartes donne la possibilité d’affirmer qu’il y a effectivement des points de convergence entre la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs il s’avère important d’abord de passer en revue le mode d’adoption de ces deux textes (A) avant de parcourir leur processus de mise en œuvre (B), tâche qui nous permettra par conséquent de mettre en exergue leur similarité existentielle.

 

A - Une similarité dans le mode d’adoption

 

La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance ont été élaborées sous les couleurs et les initiatives d’une même entité qui est l’Organisation de l’Unité Africain remplacée par l’actuelle Union africaine. Cette évocation est fortement intéressant en ce sens qu’elle permet de souligner que les deux instruments se ressemblent du point de vue de leur élaboration, par le fait qu’ils ont la même origine (1) et que leurs contextes d’apparition sont parfaitement identiques (2).

 

1 - Une commune origine institutionnelle

 

Le rappel des organes ou des institutions étant à l’origine de l’élaboration des chartes en question constitue essentiellement le moyen par lequel il est nécessaire de passer dans la perspective d’établir des caractéristiques semblables et existants entre la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. En effet, alors que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples est apparue sous l’égide de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), au moment de la rencontre des Chefs d’Etats et de gouvernement au Kenya en juin 1981 [23] suivie de son entrée en vigueur en octobre 1986, la Chatre africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance quant à elle, est née en 2007 [24] grâce à la dynamique efficiente de l’Union Africaine. Cette comparaison du point de vue du caractère institutionnellement identique est d’autant plus nécessaire voire capitale dans la mesure où l’Organisation de l’Unité Africaine, créée le 25 mai 1963 par le traité d’Addis-Abeba [25] au lendemain de l’accession de plusieurs Etats africains à la souveraineté internationale, a été substituée par l’Union Africaine au début des années 2000. L’UA est née de l’Acte constitutif adopté lors de la rencontre tenue à Lomé le 11 juillet 2000. L’Acte constitutif créant l’Union Africaine entra en vigueur le 25 mai 2001 mais l’Organisation prendra véritablement forme sur le plan fonctionnel lors du Sommet de Durban tenu en Afrique du sud le 9 juillet 2002. Il convient de souligner qu’en droit des organisations internationales, il est prévu le mécanisme de succession d’organisations. Autrement dit c’est le fait qu’une organisation puisse être remplacée en cas de nécessité manifeste par une autre organisation. Ainsi «il y a succession lorsqu’une organisation internationale appelée organisation successive se substitue à une organisation ancienne ou précédente dans l’exercice de certaines compétences et dans la possession et la jouissance à un patrimoine» [26]. La succession de l’UA à l’OUA constitue une substitution-transformation dans la mesure où l’Union Africaine est venue remplacée substantiellement l’Organisation de l’Unité Africaine. Par conséquent, dans la transformation toutes les fonctions surtout celles de nature normative sont transférées à la nouvelle organisation. C’est pourquoi au moment de la naissance de l’UA, tous les traités de la défunte organisation continentale ont été transférés à celle-ci. Au demeurant, force est de mentionner que la prérogative que détenait l’Organisation de l’Unité Africaine, en vertu du traité constitutif, de pouvoir adopter des instruments normatifs, est reconnue à l’Union Africaine au moment de la succession. Il s’agira alors d’une continuité dans l’exercice des compétences fonctionnelles et normatives entre les deux organisations et dont le but d’une telle continuité est de nature à assurer «l’accélération et l’approfondissement du processus d’intégration régional sur un plan socio-économique. Elle vise notamment à encourager la coopération internationale en tenant compte de la Charte des Nations unies et de la Déclaration universelle des droits de l’homme ; de promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité du continent ; de promouvoir et protéger les droits des populations en accord avec la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et de promouvoir la coopération dans tous les domaines d’activité humaine pour élever le niveau de vie des peuples africains» [27].

L’illustration de taille qui fait état d’une similarité d’origine institutionnelle entre la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et la Charte africaine de la démocratie des élections et de la gouvernance, réside dans le fait que déjà dans les années 1990, à travers l’adoption d’un texte d’orientation politique [28], l’OUA alors qu’elle était dans son plein exercice, s’était nourrie d’une ambition manifeste allant dans le sens de s’intéresser sur la situation politique et constitutionnelle des pays africains [29] dont la finalité serait l’élaboration d’un document sur les modalités de gouvernance et d’instauration de démocratie en Afrique. Une responsabilité qu’incarnera plus tard l’Union Africaine qui l’amena ainsi à initier des travaux en faveur de la naissance d’une charte sur le modèle politique continental c’est-à-dire la démocratie, les élections et la bonne gouvernance. Mieux, ambitionnant de mettre sur pied la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance l’UA s’inspirera de textes juridiques déjà établis par l’OUA. Dans le préambule même de la Charte sur la démocratie, les élections et la gouvernance, il a été repris certaines déclarations dont l’OUA a en été l’auteure.  Exceptée la Déclaration de 1990 sur la situation politique et socio-économique en Afrique et les changements fondamentaux qui se produisent dans le monde, l’UA pour créer la Charte prend pour référence d’autres documents comme le Programme d’action du Caire de 1995 pour la relance économique et le développement social en Afrique, la Déclaration d’Alger de 1999 sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement en Afrique, la Déclaration de Lomé de 2000 sur le cadre pour une réaction de l’OUA face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement et la Déclaration de l’OUA/UA sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique, adoptée en 2002 [30]. Ces différents éléments relatifs aux travaux des deux organisations successives montrent en quoi la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance revêtent les mêmes origines institutionnelles ou organiques.

L’analyse des deux chartes africaines a permis d’établir de fortes ressemblances liées à leur système d’apparition institutionnelle. Elle permet également de relever de fécondes similarités rattachables à leur contexte d’élaboration.

 

2 - Un contexte d’adoption similaire

 

Une convention internationale est élaborée dès lors qu’il existe la réunion de plusieurs facteurs qui font d’elle un document pouvant entrer en vigueur et revêtant ainsi une force obligatoire, c’est-à-dire destiné à créer des effets de droit [31]. La convention peut être adoptée à l’initiative d’un Etat ou de plusieurs Etats ou à l’initiative d’une Organisation internationale comme en l’espèce des chartes auxquelles l’étude en question est destinée.

Ainsi en Afrique au lendemain des indépendances, il est noté la naissance et la prolifération de certains accords continentaux, régionaux ou sous régionaux grâce au dynamisme de certains organismes dans le continent, qui après leur création, décident de mettre sur pied certains instruments servant de boucliers ou de miradors dans certains domaines spécifiques relatifs à la vie des africains. C’est le cas de l’adoption de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples par l’OUA et de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance adoptée par l’UA.

Par ailleurs, leur naissance n’est pas fortuite car elle obéit à des facteurs circonstanciels bien déterminés et déterminants. Pour ce qui est de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, déjà au sortir du phénomène de la décolonisation dans les années 1960, le continent africain était confronté à un réel problème de redressement économique qu’il a hérité de la présence de l’occident pendant plusieurs décennies. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, «les jeunes États, et leurs dirigeants, furent amenés à devoir répondre aux immenses aspirations de peuples longtemps opprimés par la domination coloniale tout en gérant l’héritage qui en découle, qu’il s’agisse des frontières ou des économies». Ces chefs d’Etats se pencheront très vite à trouver des solutions respectives dans leur propre pays [32]. Face à ces impératifs, combinés cependant aux multiples soifs de certains dirigeants [33] de s’éterniser au pouvoir en usant de tous les moyens qu’ils estiment nécessaires, serait-il possible de concilier le respect des droits de l’individu et du groupe avec ce que certains appellent l’émancipation politico-économique du continent noir ? La réponse à une telle interrogation semble bien être très difficile en ce que certains dirigeants autoritaires et sanguinaires africains [34] se lancent en une nouvelle sorte de marchandage qu’ils proposent aux populations, consistant à promettre la sécurité et une embellie économique en échange de l’abandon de droits participatifs et de libertés publiques. Plusieurs pays en Afrique n’ont pas été épargnée par la répression sévère exercée contre les citoyens, parfois ouvertement et dans la violence, et de façon subtile et sous un voile de respectabilité. La volonté de réduire au silence les voix critiques, par l’instauration d’un système de parti unique, s’est intensifiée et a pris de l’ampleur dans certains pays Africains [35]. Les assassinats de chefs d’Etats légitimement élus [36] et des acharnements sur des citoyens connaissent des avancées inconcevables et font sombrer les droits de l’homme dans certains pays de l’Afrique. Ces situations amenèrent incontestablement certains africains à se préoccuper de la situation des droits de l’homme dans le continent. Déjà, avant même 1960, le Docteur Nnambi Azikiwe [37] dans son mémorandum sur «La Charte de l’Atlantique et de l’Afrique occidentale britannique» en 1943 manifestait ses inquiétudes. Il renchérira dans un discours du 12 août 1961 à Londres relatif au Panafricanisme et dont le contenu se résumait en un appel au Conseil d’Etats africains à «promulguer une convention africaine des droits de l’homme comme gage de leur foi dans le gouvernement du droit, de la démocratie comme mode de vie, de la liberté individuelle et du respect de la dignité humaine» [38]. Ainsi, en 1961 lors d’une résolution, appelée «Loi de Lagos [39]», les congressistes projetaient sur une convention africaine portant sur les droits de l’homme. A la conférence des juristes francophones africains de Dakar en 1967, les travaux de Lagos ont été ravivés en faveur d’une protection régionale des droits en Afrique. Toutes ces étapes ponctuées à vrai dire par des échecs tenants à la réticence des Chefs d’Etats, ont eu des conséquences sur l’apparition de la charte des droits de l’homme et des peuples [40]. C’est dans cette atmosphère que le président de la Gambie avait joué un rôle historique en convoquant à Banjul deux rencontres ministérielles qui vont donner naissance au projet de Charte appelé «Charte de Banjul» qui sera soumis à l’Assemblée générale de l’OUA pour une adoption définitive le 28 juin 1981.  

Ainsi les circonstances qui caractérisent l’élaboration de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples vont avoir des effets sur le modèle de gestion politique des Etats africains par leurs chefs d’Etats. Autrement dit, de tels effets dont le fondement s’identifie à une inobservation totale et profonde des droits reconnus à l’individu et au groupe par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, fourniront ultérieurement des impacts dans la façon de gouverner et de gérer les affaires publiques dans le continent. En effet, entre la naissance de la Charte sur les droits de l’homme et les peuples et celle sur la démocratie, les élections et la gouvernance, les populations africaines ont éprouvé de plus en plus des difficultés exercées et exacerbées par certains gouvernants despotes animés d’un égo politique avec le refus profond de s’ouvrir au dialogue, au consensus et à la démocratie. L’idée de créer un système de gouvernance axé sur la démocratie, l’Etat de droit et la lutte contre corruption et les malversations ne sera pas la bienvenue chez certains chefs d’Etats. Les coups d’Etats [41], les massacres et les exactions pour se maintenir au pouvoir n’ont pas s’estompé au grand prix d’une population vulnérable. C’est pourquoi et après de multiples batailles livrées par des intellectuels et des experts, les chefs d’Etats africains finiront par s’accorder sur l’impératif de mettre sur pied un véritable outil juridique servant de miroir et de référence dans le système de gouvernance du continent. Il s’agit pour ces élites de réfléchir sur une «constitution africaine» pour civiliser le comportement politique des chefs d’Etats africains.

Par ailleurs, il convient, dans ce contexte ayant favorisé l’élaboration de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, l’impact de la déclaration issue de la Conférence de Baule tenue en France au début des années 1990 qui mettait aux prises le président français François Mitterrand et certains Chefs d’Etats africains en vue de débattre sur les modalités d’instauration d’une démocratie véritable en Afrique. Le déroulement de cette rencontre franco-africaine renseigne sur l’exigence d’une démocratie, avec l’acceptation pour les gouvernants africains de s’ouvrir au multipartisme, comme gage dans la possibilité d’une aide ou coopération internationale [42].

C’est pourquoi, l’adoption de la Charte africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance a connu une accélération quelques années après la naissance de l’Union Africaine et au regard des multiples changements anticonstitutionnels [43] survenus sur le continent. Les dispositions de l’Acte Constitutif portant création de l’Union ne font que condamner et rejeter ces changements sans apporter des qualifications précises aux possibles cas de changements anticonstitutionnels [44]. A ce propos Saïd Djinnit, représentant spécial des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest affirmait qu’«aujourd’hui l’obligation de respecter la constitution est de rigueur», avant d’ajouter plus tard que «l’Afrique s’est engagée véritablement sur la voie de la démocratie» [45]. C’est en effet, dans ces conditions politiquement émaillées de troubles et d’incertitudes  qu’a été entérinée le 30 janvier 2007 au sommet de l’UA une Charte africaine relative à la démocratie, à la tenue normale des élections et à la bonne gouvernance dénommée la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance qui permettra à l’Afrique de se doter d’une ligne de conduite dans l’exercice politique des gouvernants et d’avancer sur le chemin des «valeurs universelles et principes de la démocratie, de la primauté de la constitution et de l’état de droit et le respect des droits de l’homme» [46].

Au total, il est possible de concevoir que la charte africaine des droits de l’homme et des peuples et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance connaissent le même contexte d’élaboration en ce qu’elles sont la résultante d’une série de violations massives des droits de l’homme par des tenants de régimes autoritaires et dictatoriaux. Autrement dit, elles ont été adoptées dans un moment où l’Afrique baignait imparablement dans un tumulte politico-démocratique sans précédent.

C’est ce qui fait d’ailleurs que ces deux Chartes ne manqueront pas à avoir un mode semblable dans leur mise en application.

 

B - Un processus de mise en œuvre identique  

 

Après leur mode de création typiquement identique, la Charte africaine des droits et des peuples et la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance entretiennent sous un autre registre des relations similaires qui facilitent la comparaison analytique entre ces deux instruments. Il s’agit de la compréhension du processus de la mise en œuvre des deux Chartes africaines. Celui-ci se décompose en deux volets qui consistent d’abord à mettre en lumière le rôle des institutions nationales, régionales et continentales dans cette mise en œuvre (1) et l’action, dans ce même exercice, des organes de contrôle pour l’application des deux Chartes (2).

 

1 - Un rôle indifférencié des différents acteurs

 

L’accord international régulièrement signé et ratifié «lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi» [47]. C’est pourquoi même, aucune «partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité» [48]. Ainsi au lendemain de l’entrée en vigueur de ces deux instruments juridiques, plusieurs structures se chargeront dans les conditions fixées par les dispositions des deux Chartes, de véhiculer et d’assurer une dissémination plus large de ces chartes dans l’espace continental. Dans l’article 44 sous-section2 [49] de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, et dans l’article 30 [50] de la Charte africaine des élections et des peuples, il est mentionné clairement le rôle qui revient aux deux commissions c’est à dire la commission africaine des droits de l’homme et des peuples et la commission de l’UA, de participer au développement général des instruments juridiques. Ces deux commissions africaines exercent une mission de promotion des chartes instituées en vue de sensibiliser [51] les populations et les autorités publiques et de faire connaitre leur existence. Ainsi par exemple pour la commission africaine des droits de l’homme et des peuples, l’article paragraphe 1 la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, dont le contenu est le suivant : «Promouvoir les droits de l’homme et des peuples et notamment : (a) Rassembler de la documentation, faire des études et des recherches sur les problèmes africains dans le domaine des droits de l’homme et des peuples, organiser des séminaires, des colloques et des conférences, diffuser des informations, encourager les organismes nationaux et locaux s’occupant des droits de l’homme et des peuples et, le cas échéant, donner des avis ou faire des recommandations aux gouvernements ; (b) Formuler et élaborer, en vue de servir de base à l’adoption de textes législatifs par les gouvernements africains, des principes et règles qui permettent de résoudre les problèmes juridiques relatifs à la jouissance des droits de l’homme et des peuples et des libertés fondamentales ; (c) Coopérer avec les autres institutions africaines ou internationales qui s’intéressent à la promotion et à la protection des droits de l’homme et  des peuples», porte sur l’activité de promotion confiée à celle-ci. Quant à la mise en œuvre de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, elle est du ressort de la commission de l’Union africaine aux termes de l’article 44, paragraphe 2 [52] de la Charte. En menant cette mission, les deux commissions peuvent être en collaboration avec des structures indépendantes en l’occurrence les ONG ou la société civile locale qui s’activent en matière des droits de l’homme. Ainsi pour mesurer le niveau de similarité dans le processus de mise en œuvre des deux chartes dévolu aux deux commissions, il convient de souligner particulièrement l’objectif que s’est fixé la commission africaine des droits et des peuples allant dans le sens d’inscrire la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance dans l’ordre du jour de ses prochaines sessions [53]. En d’autres termes, il est possible de relever la complémentarité fonctionnelle qui existe entre les deux commissions dans leur mission de sauvegarde des droits de l’homme en Afrique.

A l’instar des commissions, les deux Chartes prévoient également l’intervention des Etats parties dans la mise en œuvre des instruments juridiques. En effet, dans les deux chartes il y est prévu spécifiquement des dispositions qui portent sur la responsabilité qu’exercent les Etats dans la propagation des normes contenues dans les instruments. Il s’agit de l’action entreprise par les Etats au niveau national pour rendre possible l’effectivité de l’application des chartes. Ainsi selon l’article 44 paragraphe 1 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, «Les Etats parties s’engagent à réaliser les objectifs, à appliquer les principes et à respecter les engagements énoncés dans la présente Charte de la manière suivante: a. Les Etats parties initient les actions appropriées, y compris les actions d’ordre législatif, exécutif et administratif afin de rendre leurs lois et les règlements nationaux conformes à la présente Charte. B. Les Etats parties prennent toutes les mesures nécessaires conformément aux dispositions et procédures constitutionnelles pour assurer une dissémination plus large de la présente Charte et de toute législation pertinente indispensable à l’application des principes fondamentaux y contenus. C. Les Etats parties encouragent la volonté politique comme une condition nécessaire pour la réalisation des objectifs énumérés dans la présente Charte. D. Les Etats parties intègrent les engagements et principes énoncés dans la présente Charte dans leurs politiques et stratégies nationales» [54]. Dans le cadre de cette charte portant sur la démocratie, les élections et la gouvernance, il est reconnu aux Etats d’adopter des stratégies nationales d’insertion des principes dégagés par elle à travers la voie législative ou réglementaire. Les Etats peuvent également conduire à bien la mise en œuvre de la charte par la création, par voie constitutionnelle d’institutions nationales [55] qui œuvrent en faveur des droits humains. Ces institutions nationales sont en quelque sorte des organes chargés d’élargir les principes contenus dans la charte et «agiront toujours en qualité d’autorités nationales» [56], même si ces entités nationales «n’agiront jamais que sur délégation de l’Etat et pour son compte, ce qui revient à exclure toute idée de compétence d’exécution autonome ou indépendante au profit d’entités non-étatiques» [57]. Pour la charte des droits de l’homme et des peuples, le rôle des Etats dans la mise en œuvre apparait à l’article 62 de la Charte selon lequel «Chaque Etat partie s'engage à présenter tous les deux ans, à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente Charte, un rapport sur les mesures d'ordre législatif ou autre, prises en vue de donner effet aux droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte». C’est la soumission de rapports périodiques à la commission des droits de l’homme et des peuples pour rendre compte de la situation des droits humains au niveau national. Par ailleurs, avant la rédaction de ces rapports, selon certaines dispositions de la Charte en l’occurrence l’article 1 [58], l’article 25 [59] et l’article 26 [60], les Etats sont les principaux vecteurs dans la diffusion et la promotion des principes de la Charte et sur ce fait ils se lancent dans une logique d’adaptation des mesures de la charte aux lois et règlements internes pour que le respect des droits de l’homme et des peuples soit une véritable réalité.

La similarité dans la mise en œuvre des Chartes s’opère dans le cadre du contrôle de leur application.  

 

2 - Un suivi pluri-acteurs de l’application

 

L’adoption des traités internationaux et le suivi de leur mise en œuvre nécessitent l’intervention de plusieurs acteurs. Cette exigence de suivi relative à l’application des accords internationaux régulièrement adoptés ressort d’une prescription contenue dans les accords eux-mêmes [61]. En effet, dans la rédaction des textes il est prévu des dispositions portant sur le contrôle de leur application. En l’espèce, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance et la charte africaine des droits de l’homme et des peuples contiennent des articles qui renseignent sur le système de contrôle de leur application. Dans cette dynamique ces deux chartes sont des textes qui se rejoignent effectivement dans le mode de contrôle dans la mesure où ils prévoient des organes spécifiquement habiletés à assurer la mission de contrôle de leur application par les Etats parties aux Chartes. Pour la charte sur la démocratie, les élections et la gouvernance ce sont la conférence et le conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine qui portent cette responsabilité de veiller au respect de la bonne application en vertu de l’article 46 de la charte selon lequel : «En vertu des dispositions pertinentes de l’Acte constitutif et du Protocole portant création du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine, la Conférence et le Conseil de Paix et de Sécurité déterminent les mesures appropriées à appliquer contre tout Etat partie qui viole la présente Charte» [62]. En plus de l’article 46, le rôle de la commission de l’Union Africaine est également mentionné dans le système de contrôle l’application à l’article 49 alinéa 1 [63] de la charte à travers les rapports que les Etats sont tenus de lui soumettre tous les deux ans et que la commission transfère à la conférence pour une vérification du respect des engagements des Etats parties à l’égard de la Charte [64]. Conformément à la charte sur la démocratie, les élections et la gouvernance, pour la charte sur les droits de l’homme et des peuples c’est l’article 45, paragraphe 2 qui liste les organes habiletés à intervenir pour contrôler l’application de la Charte. Selon cette disposition, «La commission a pour mission de : 2. Assurer la protection des droits de l'homme et des peuples dans les conditions fixées par la présente Charte» [65]. A côté de la commission africaine des droits de l’homme et des peuples qui est l’organe central chargé de vérifier les actes des Etats parties vis-à-vis de la Charte, il y a la possibilité pour la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples d’intervenir dans le contrôle de l’application. En effet, cela se manifeste par le travail mutuel ou réciproque qui existe entre la commission et la cour. Autrement dit, la commission peut saisir la cour en guise de consultation [66] ou bien elle peut la saisir pour qu’elle tranche des litiges portant sur les droits de l’homme. A cet égard, «La Cour complétera et renforcera le travail de la Commission africaine. Elle examinera les cas de violation des droits humains que lui soumettront la Commission, les États et, le cas échéant, les victimes elles-mêmes ou leurs représentants (notamment les ONG)» [67]. Pour la charte africaine de la démocratie, des élections et la gouvernance comme pour celle portant sur les droits de l’homme et des peuples, la vocation des différents organes dans l’exercice du contrôle de l’application des normes énoncées dans les deux Chartes, se traduit à l’idée d’amener les Etats à veiller aux exigences relatives aux standards internationaux en matière des droits de l’homme au niveau international, régional et continental. C’est la raison pour laquelle, les deux Chartes partagent le même objectif en adoptant un système similaire de création de leurs organes qui se chargeront de la bonne application des textes.

Cependant certaines contrariétés constatées au niveau fonctionnel viennent perturber l’ambition de commune identité portée par les deux Chartes.

 

II - Une élongation [68] fonctionnelle des deux planètes

 

La ressemblance des deux Chartes sur certains points ne cache pas le fait que chacune d’elle garde une spécificité qui lui est nettement propre. Ainsi la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples se distingue de la Charte de la démocratie, des élections et de la gouvernance d’une part par rapport à leur champ d’application (A) et d’autre part en ce qui concerne le mode de sanctions qu’elles prévoient en cas de violation (B).

 

A - Un champ d’application distinct

 

En droit, le champ d’application d’une règle renvoie aux principales destinataires d’un corps de règles spécialement conçues pour ceux-ci. Ces destinataires sont incontestablement le réceptacle de ces règles dont le respect est exigé pour ceux qu’elles concernent. Ainsi cette spécificité de destinataires a fait que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ne se compare pas de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance car la première vise les individus et les peuples (1) alors que la deuxième cible les autorités publiques des Etats africains (2). 

 

1 - Les individus et les peuples dans le régime de la CADHP

 

Une lecture très attentive de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples montre clairement qu’il ne fait pas de doute que cette charte se démarque totalement de celle relative à la démocratie, aux élections et à la gouvernance par rapport à leur contenu en ce sens que la première est conçue pour s’occuper intégralement de l’individu et du groupe en tout ce qui pourrait avoir une relation avec leurs droits et leurs devoirs dans la société africaine en général.

Autrement dit dans la charte des droits humains, les principaux concernés à savoir l’individu et le collectif sont très bien pris en charge par l’instrument dans plusieurs de ses dispositions. En effet, les droits qui font allusion à ces deux catégories de destination sont contenus dans la première partie du document plus précisément au premier et au second chapitre. D’emblée, il importe de mentionner ici que le propos ne se prête nullement à faire une énumération linéaire des différents droits et libertés consacrés par la charte au profit des individus et des peuples même s’il s’avère très nécessaire de connaitre telles normes. Mais plus tôt il sera question de s’atteler à une analyse approfondie de la quintessence de ces droits et libertés vis-à-vis des principaux bénéficiaires qui sont très différents des destinataires des règles prévues par la charte sur la démocratie, les élections et la gouvernance. Plus précisément ce sont les articles 3 à 18 de la charte qui garantissent les droits individuels tandis que ceux des peuples sont contenus aux articles 19 à 24. Quant aux devoirs que les individus doivent exercer envers la société ils font l’objet de consécration au deuxième chapitre de la première partie de l’instrument.

L’analyse commande au départ de souligner minutieusement que la spécificité de la Charte des droits humains par rapport à celle qui concerne la démocratie, les élections et la gouvernance réside dans la manière dont elle énonce les droits individuels et ceux des peuples contenus notamment dans le premier chapitre et qui se décomposent en des droits civils et politiques [69] et en des droits économiques, sociaux et culturels [70]. En effet, contrairement au système de protection des Nations Unies qui énonce de façon séparée les droits civils, politiques individus et les droits économiques, sociaux et culturels [71], le système africain, à travers les prescriptions de cette Charte a opté de les regrouper dans cet unique instrument sans distinction aucune [72]. Ainsi les droits des individus et des peuples dans le régime de cette Charte jouissent d’une protection et d’une promotion remarquablement spéciale du fait de la qualité des personnes dont ces droits sont destinés. Au moment de la conception de cette charte, les droits et les libertés de la personne humaine et des peuples autochtones étaient dans un état cauchemardesque du fait exactement de l’intention des gouvernants de l’époque de marginaliser systématiquement les citoyens pris dans leur ensemble. Dans ces circonstances de mauvaise conduite politique africaine de la part des dirigeants, les peuples frappés par une extrême pauvreté et complètement abandonnés, se trouvent impuissants pour jouir pleinement de leurs droits et de participer au jeu politique de leur pays «comme l’exercice de leur droit de vote, l’obtention de cartes d’identité ou la participation à des organismes nationaux de prise de décision» [73]. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, les droits et les libertés textuellement consacrés en faveur des individus et des peuples [74] et considérés comme étant des standards minimums, bénéficient d’une large attention par rapport au contrôle de leur application. Dans ce cadre notamment, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, à travers une communication d’un rapport en date du début des années 2000 affirmait que «les droits collectifs, environnementaux, économiques et sociaux sont des éléments essentiels des droits de l’homme en Afrique. La commission africaine appliquera n’importe lequel des droits contenus dans la charte africaine. La commission saisit cette occasion pour clarifier qu’il n’y a pas de droit dans la Charte africaine que l’on ne puisse mettre en œuvre» [75]. De plus, le régime de la charte africaine des droits de l’homme qui se manifeste à l’égard des individus et des peuples touche également les principaux devoirs [76] que ces dits individus doivent observer envers les autres en guise d’une harmonisation et d’un bon équilibre de la vie en société. En effet, l’individu après avoir prétendu être titulaire de droits et de libertés qui nécessitent protection et promotion, il est en retour amené à s’acquitter de certaines obligations envers sa communauté. Cela est particulièrement lié à l’organisation traditionnelle de la société africaine axée notamment sur l’importance et la primauté du groupe au détriment des particularismes. Ainsi le point de départ relativement à la volonté de consécration des devoirs de l’individu fut marqué par l’œuvre magistrale du président Léopold S. Senghor dans sa proposition en marge de la rencontre de Dakar concernant l’adoption de l’avant-projet de la Charte africaine des droits de l’homme [77]. A cet effet, le rapport de présentation notait que «la conception d’un individu à la fois totalement libre et totalement irresponsable et en même temps opposé à la société, n’est pas conforme à la philosophie africaine» [78].

 C’est pourquoi même à la lecture du préambule de la Charte précisément en son paragraphe 6, il est permis de déceler l’attachement étroit que les rédacteurs de la charte expriment envers les devoirs de l’individu. Cependant, dans ce volet d’analyse, il convient de relever que la doctrine se trouve parfois très controversée par rapport à la réception de la dialectique droit et devoir [79] de l’individu pourvu que nombreux de ces doctrinaires affirment l’idée d’une incompatibilité entre les droits et les libertés qui doivent être assurés aux citoyens d’un pays par les autorités publiques et l’existence de devoirs supposés établis par l’Etat. Selon leur conception, vouloir exiger des devoirs aux individus provoquerait sans doute une atteinte à leurs droits et libertés. Et l’autre frange de la doctrine qui exprime l’exigence de la cohabitation entre droits et devoirs pour les individus qui nécessite une abstention de certains droits au profit des autres. C’est l’idée de la limitation et de l’encadrement des droits et libertés accordés aux individus et au peuple.

Ces considérations offrent la possibilité de jeter un regard tout à fait différent sur la Charte à la démocratie, aux élections et à la gouvernance.

 

2 - Les autorités publiques dans le régime de la CADEG

 

Cette Charte se différencie de la Charte sur les droits humains et des peuples par rapport à la qualité et au rang des destinataires de ses normes. Si la charte sur les droits humains prend en compte la personne physique en son statut de citoyen de l’Etat c’est-à-dire un sujet entièrement soumis au pouvoir de l’autorité publique, l’instrument relatif à la démocratie, aux élections et à la gouvernance se dirige quant à elle vers les dirigeants des pays auxquels ces dits citoyens en sont effectivement ressortissants. A la lecture de toutes les dispositions de la Charte de la démocratie, des élections et de la gouvernance, il peut paraitre nécessaire de noter que cette charte, nonobstant son esprit et son contenu purement normatifs, peut être considérée comme un instrument à connotation politique [80] car les destinataires auxquels elle s’adresse portent des missions politiques et qu’en ce sens ce sont ces gouvernants même qui sont les seuls susceptibles de commettre des manquements dans l’exercice de leur gouvernance en matière de démocratie et surtout d’élections. C’est pourquoi le constat est quasi unanimement fait de soutenir que la Charte «pose les conditions politico-juridiques de possibilité d'une société libre, juste et démocratique en vue de la paix, de la sécurité et du développement durables en Afrique». Mais aussi et surtout le fait que le contrôle de l’application de la charte soit l’œuvre des organes politiques de l’Union Africaine en l’occurrence la commission africaine, la conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement et le Conseil de paix et de sécurité, en indique amplement sur le caractère politico-normatif de cet instrument africain.

Ainsi, rédigé en onze chapitres, mis à l’écart son préambule, l’instrument se veut clairement être le gendarme principal du continent africain en tout ce qui concerne la mauvaise conduite dans les affaires publiques et politiques des chefs d’Etats. Autrement dit la Charte apparait pour être selon une expression du professeur Babacar Gueye, «le porte-étendard de la démocratie participative en Afrique [81]». C’est pourquoi, il a été jugé très essentiel que les Etats africains soient amenés à signer et à ratifier les principaux instruments créés en faveur de la bonne gouvernance, du constitutionnalisme, du respect de l’Etat de droit et des droits de l’homme pour participer à la défense des normes africaines de gouvernance qui sont des valeurs et des principes universels [82].

La naissance de cet instrument pour valoir de bouclier contre les dérives et les abus des chefs d’Etats africains a été enregistrée compte tenu de plusieurs raisons. Il en ainsi premièrement de l’accaparement et du contrôle intégral de tous les pouvoirs par l’autorité en place se traduisant à une méconnaissance d’un principe cardinal en matière de démocratie qui est celui de la séparation des pouvoirs. En effet, le mode de gouvernance à cette époque a été marqué par une hypertrophie de pouvoirs regroupés dans les mains du chef dont la logique et triste conséquence se trouve être une manipulation de ces pouvoirs qui sont censés être indépendants entre eux. C’est pourquoi la charte n’est pas restée silencieuse car elle pose en son article 3 (5) «le principe de la séparation des pouvoirs» [83]. Les incessantes révisions ou modification des constitutions nationales faites par les dirigeants africains pour se maintenir au pouvoir font également partie des fondements qui ont forgé l’adoption de cette charte. Ce fait constitue inéluctablement une atteinte aux principes de la démocratie car il débouche dans la plupart des cas sur ce que certains appellent «la personnalisation et la patrimonialisation du pouvoir» [84]. L’exemple du Sénégal peut être donné au passage. Dans ce pays ; il a été enregistré entre 2001 et 2008 plus d’une douzaine de révisions constitutionnelles [85]. En fait la fréquence des révisions constitutionnelles rend fragile voire impossible l’exercice d’une bonne justice surtout lorsqu’il s’agira pour les juges constitutionnels de rendre des décisions qui peuvent paraitre défavorables aux tenants du pouvoir. A cet égard la charte prescrit aux Etats de prendre toutes les mesures pour rendre effective l’indépendance de la justice. C’est en son article 2 alinéa 5 qu’elle prévoit notamment que les Etats doivent s’engager à «promouvoir et protégé l’indépendance de la justice» [86]. Comme raisons ayant occasionné l’élaboration de cette charte à l’endroit des autorités étatiques africaines, il en est par ailleurs de la renaissance des coups d’Etats et des conflits armés dans le continent pendant le début des années 1990 dont le but n’a été rien d’autre qu’un changement anticonstitutionnel de gouvernement.

Pourtant à l’aurore de cette décennie, l’Afrique s’était alignée aux aspirations de démocratisation  influencées  par  les tendances internationales en la matière. Mais l’espoir du continent dans ce domaine s’effrite au fur et à mesure que de nombreux dirigeants continuent à porter gravement atteinte aux droits et libertés reconnus au peuple. De telles atteintes uniquement basées sur des considérations claniques, tribalistes et ethniques se terminent le plus souvent par des guerres civiles [87]. Dans cette même veine, la charte s’est exprimée pour apporter des orientations aux gouvernants dans leur politique publique. Elle l’a faite en son article 2, paragraphe 4 en des termes suivants «Interdire, rejeter et condamner tout changement anticonstitutionnel de gouvernement dans tout Etat membre comme étant une menace grave à la stabilité, à la paix, à la sécurité et au développement.» et en son article 3, paragraphe 10 qui dispose ceci : «Le rejet et la condamnation des changements anticonstitutionnels de gouvernement». La raison qui justifierait finalement l’adoption de la charte est relative aux nombreuses confiscations des élections en Afrique. Pendant ces périodes précédant la naissance de cet outil juridique, le continent africain a été marqué par une frappante irrégularité des élections dans plusieurs pays. Le respect de la vérité des urnes constitue une lancinante équation en Afrique. Les élections ne sont organisées qu’en faveur et pour le compte de la personne au pouvoir sans aucune trace de transparence et de sincérité du scrutin. En fait, les dirigeants africains en organisant les élections ne s’attèlent qu’à une sorte de simulacre populaire dans la mesure où ces derniers n’ont jamais voué pour un bon déroulement du scrutin.

La divergence entre ces deux Chartes ne se limite pas seulement sous l’angle de leurs cibles, cette contrariété s’opère également dans le mode de sanction qu’elles ont mis en place.

 

B - Un mode de sanction tranché

 

Si la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples prévoit un mode sanction judiciaire et non obligatoire en cas de violation de ses normes (1), la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance préfère au contraire un régime de sanction contraignant pour les atteintes à ses règles (2).

 

1 - Un régime non-contraignant dans la CADHP

 

Malgré la ratification de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples par tous les Etats africains dont l’objectif demeure l’adhésion aux principes de protection des droits de l’homme universellement consacrés [88], certains Etats africains ne parviennent pas à s’acquitter de leurs obligations vis-à-vis de cette Charte. Tenant compte d’ailleurs de ces situations éventuelles de non acquittement aux obligations souscrites, les rédacteurs de cet instrument juridique n’ont pas omis l’idée d’intégrer en son sein des dispositions prévoyant des organes chargés de sanctionner tout comportement d’un Etat partie qui serait contraire à ses prescriptions. En fait, c’est dans un souci d’harmoniser et de rendre effectif le système de protection des droits de l’homme et des peuples que la Charte africaine a pensé de l’existence d’un organe de contrôle à la dimension de la Commission africaine [89] pour atteindre cet objectif. Autrement dit cette commission africaine sera principalement l’organe habileté à surveiller l’application et le respect de la Charte. Ainsi, c’est à son article 50 que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples a décliné les compétences de la commission africaine en matière de violation des droits de l’homme par un Etat partie. Selon cette disposition, «La Commission ne peut connaitre d'une affaire qui lui est soumise qu'après s'être assurée que tous les recours internes, s'ils existent, ont été épuisés, à moins qu'il ne soit manifeste pour la Commission que la procédure de ces recours se prolonge d'une façon anormale». Par ailleurs, il convient de retenir ici qu’un ensemble d’éléments concourent à rendre de manière quasi effective les compétences de la commission africaine dans le domaine des droits de l’homme, aux fins de sanctionner les manquements des Etats parties à la Charte. Parmi ces éléments, il en est du traitement des communications que la Commission africaine reçoit des Etats partie à la Charte [90] et des organisations non gouvernementales (ONG) [91]. A la lecture de l’article 49 de la Charte africaine sur les droits de l’homme et des peuples, il parait essentiel dire que la contribution de la commission africaine au contrôle de l’application de la Charte se présente principalement au traitement de ces communications. Ainsi, avant d’aboutir à une prise de décision de sanction à l’encontre d’un Etat donné qui est le résultat du traitement des communications étatiques, plusieurs étapes doivent être passées. D’abord dès la réception d’une communication qui relate une violation grave des droits de l’homme, la commission africaine des droits de l’homme et des peuples, aux termes de l’article 52 de la Charte [92] procédera à la recherche d’une solution amiable entre la victime d’une telle violation et son Etat qui en est l’auteur. Le règlement à l’amiable des violations des droits de l’homme entamé par la commission, prouvant au passage l’absence de sanctions juridictionnelles dans l’œuvre de la commission, démontre le rôle de médiation politique et sociale de cette dernière [93]. La deuxième phase qui intervient dans le processus de prise de décision de la commission africaine des droits de l’homme pour sanctionner les violations de la charte est relative à «l’étude approfondie» qu’elle doit effectuer sur injonction de la Conférence des chefs d’Etats et de Gouvernement aux termes de l’article 58, alinéa 2 et 3 de la Charte [94]. En effet, le but de cette étude est d’établir l’ensemble des violations commises par un Etat partie à la charte, auxquelles elle tentera d’apporter des solutions.

Cependant, les missions de la commission africaine dans la sanction des violations aux droits de l’homme, au sens de la Charte, demeurent fondamentalement entravées par le fait que la commission ne peut, en cas de constatation de violations graves, se procéder qu’à de simples recommandations [95] aux Etats auteurs d’une telle violation auxquelles ces derniers peuvent ou non ne pas respecter [96]. L’autre difficulté que rencontre la commission toujours selon la charte, est liée au fait que la publication sous forme de rapports [97], des décisions qu’elle a prises reste tributaire de la volonté de la Conférence des chefs d’Etats et de Gouvernements. Ainsi ne disposant pas par ailleurs de véritables moyens de pression sur les Etats, la commission sera secondée, dans cette mission de sanctions des violations de droits de l’homme et des peuples, par un autre organe de l’Union Africaine : la cour africaine des droits de l’homme et des peuples créée par un Protocole [98] à la Charte et entré en vigueur en janvier 2004 qui vient pour compléter le travail de la commission en matière de prise de décision juridictionnelle, donc ayant force exécutoire. En effet, il ne fait pas l’ombre de doute que le propre d’un Protocole apparenté ou affilié au texte initial, est d’avoir nécessairement un régime qui va dans le sens indiqué par la convention à laquelle il se rapporte. En l’espèce, ce Protocole qui prévoit la création de la cour dans l’objectif d’apporter une reconnaissance et une protection juridictionnelle à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, reconnait une pleine compétence [99] à la cour pour traiter de la situation des droits de l’homme et des peuples en Afrique. Etant sur la même longueur d’onde avec la commission et renforçant son œuvre avec des pouvoirs plus élargis que ceux reconnus à cette dernière, la cour africaine s’illustre notamment par l’ampleur de ses décisions qui ont un caractère juridictionnel.

    En effet, et subséquemment, l’œuvre de la cour africaine des droits de l’homme et des peuples dans le renforcement des initiatives et des actions de la commission africaine [100] est façonnée par des décisions qu’elle a rendues notamment en matière des droits de l’homme [101] Une des missions de cette haute juridiction supranationale est de «connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la charte, […], et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etats concernés» [102]. Ainsi, pour être fidèle à sa mission principale de protéger et de promouvoir les droits de l’homme, la cour a rendu sa première décision en la matière dans l’affaire Michelot Yogogombaye c. République du Sénégal, décision sur le fond rendue le 15 décembre 2009. Dans cette affaire, le Sieur Yogogombaye de nationalité tchadienne vivant à Bienne en Suisse, a ouvert une instance contre la République et l’Etat du Sénégal «en vue du retrait de la procédure actuellement diligentée par la République et l’Etat du Sénégal en vue d’inculper, juger et condamner le sieur Hissène Habré, ex chef d’Etat tchadien actuellement refugié à Dakar au Sénégal» [103] Mais au regard des déclarations faites par les parties, de leurs réponses fournies et en vertu du Protocole à charte, notamment en son article 34 (6), la cour s’est déclaré incompétente et a rendu son arrêt de font en décembre 2009.

    Comme il est visible, l’activité de la juridiction africaine a commencé avec cette affaire et depuis lors elle ne cesse d’être saisie par des individus ou des groupes, tous arguant pour une reconnaissance et une meilleure protection des droits fondamentaux. En 2012, la Cour africaine s’est prononcée dans une affaire opposant la société, dont la requête fut introduite en 2012 et que l’arrêt sur le fond rendu le 30 mars 2012 [104]. Dans la foulée, la cour a fait application de la charte à plusieurs situations mettant en relief les droits de l’homme et elle s’est illustrée essentiellement avec la prise de décisions [105] très encourageante parfois sanctionnatrices à l’encontre des Etats fautifs mais aussi pour ramener les individus ou tout autre requérant à de meilleurs sentiments.

   Cependant, force est de noter que contrairement aux juridictions nationales des Etats membres qui disposent des moyens coercitifs, la Cour africaine se contente de déclaration suivante : «Les Etats partis au présent protocole s'engagent à se conformer aux décisions rendues par la Cour dans tout litige où ils sont en cause et à assurer l'exécution dans le délai fixé par la Cour» [106].

La marque de fabrique de la commission et la cour africaine des droits de l’homme et des peuples en ce qui concerne la protection des droits de l’homme et des peuples dans le sens de la charte, caractérisées par une certaine froideur et une souplesse avérée dans les décisions, démontre effectivement la divergence qui peut être décelée entre cette Charte et celle relative à la démocratie, aux élections et à la gouvernance pourvu  que dans cette dernière il existe un mode de sanction différent de celui qui est connu dans la première.

 

2 - Un régime coercitif dans la CADEG

 

Une analyse approfondie des dispositions de la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance surtout dans certains de ses chapitres notamment celui qui a trait aux changements anticonstitutionnels de gouvernements [107] laisse apparaitre une réelle remarque qui va dans le sens de dire que cette Charte ne se mesure pas à celle portant sur les droits humains et des peuples dans le cadre de leur mode de sanction aux atteintes à leurs dispositions. En effet, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples prévoit un système de sanction de ses normes axé essentiellement sur la non-contrainte et des simples recommandations faites aux auteurs de violation. La CADEG quant à elle se présente comme le gendarme «politico-juridique» du continent africain intégrant en son sein un mode de sanction plus lourd et plus large. Il s’agit de la mise en œuvre d’un ensemble de mesures contre un Etat qui violerait les dispositions de la charte notamment dans certains domaines phares sensiblement protégés. En effet, c’est le cas des changements de régimes à une manière non reconnue par les textes en vigueur dans l’Etat ou l’espace régional concerné. C’est pourquoi dans la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, il est mentionné que «Si le Conseil de Paix et de Sécurité constate qu’il y a eu changement anticonstitutionnel de gouvernement dans un Etat partie, et que les initiatives diplomatiques ont échoué, il prend la décision de suspendre les droits de participation de l’Etat partie concerné aux activités de l’Union en vertu des dispositions des articles 30 de l’Acte Constitutif et 7 (g) du Protocole. La suspension prend immédiatement effet». Cette disposition pose des préalables selon lesquels le facteur déclenchant du changement anticonstitutionnel de gouvernement qui entrevoie des sanctions doit être constaté par le Conseil de paix et de sécurité et nécessairement certaines médiations doivent être effectuées sans issues heureuses. La matière du changement anticonstitutionnel de gouvernement est clairement notifiée dans l’article 23 de la Charte qui considère que «Tout putsch ou coup d’Etat contre un gouvernement démocratiquement élu, toute intervention de mercenaires pour renverser un gouvernement démocratiquement élu, toute intervention de groupes dissidents armés ou de mouvements rebelles pour renverser un gouvernement démocratiquement élu, tout refus par un gouvernement en place de remettre le pouvoir au parti ou au candidat vainqueur à l’issue d’élections libres, justes et régulières, tout amendement ou toute révision des Constitutions ou des instruments juridiques qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique» relèvent du phénomène de changement anticonstitutionnel de gouvernements. Par ailleurs, l’analyse oblige de souligner les circonstances qui provoquent ou favorisent la survenance de ces changements de régimes exercés de façon antidémocratique en Afrique. L’Afrique des indépendances est une Afrique dans laquelle la violence et le désordre social causés par ses nouveaux dirigeants pour perpétuer les pouvoirs nouvellement acquis, continuent à prendre des galops aux conséquences multiples et multiformes. Il s’agit pour certains hommes africains [108] d’emprunter tous les voies et moyens pour arriver au pouvoir ou conserver celui-ci. Cette situation a perduré jusqu’au début du 21ème siècle dans lequel le continent africain continue à sombrer dans les ténèbres d’une politisation axée sur des intimidations et des violations atroces aux droits fondamentaux. Ainsi faut-il dire que «la conquête du pouvoir en Afrique se révèle souvent conflictuelle dans de nombreux Etats entrainant des violences armées, récurrentes et dramatiques. En dépit de l’existence d’un environnement juridique favorable à la démocratie, les coups d’Etats et d’autres changements anticonstitutionnels de gouvernements se sont imposés comme des modes non démocratiques d’accession au pouvoir en Afrique, contrairement aux élections disputées» [109]. Ces situations, très spécifiques au continent font que, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance  «est non seulement  importante mais aussi opportune, permettant ainsi à l’Union africaine de poursuivre avec plus de rigueur son projet de démocratie, de développement participatif et de paix pour le continent» [110]. En effet, l’ampleur et la notoriété de cet instrument juridique se traduisent en sa faculté, contrairement à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, d’envisager des sanctions diverses et purement contraignantes à l’égard de tout Etat ayant violé ses normes. C’est à partir de là que l’action de la conférence et du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine doit être constatée en vue d’un rétablissement de la démocratie et de l’état de droit dans l’Etat agissant de façon non reconnue par la Charte. Cette action pouvant être engagée par ces deux organes pour sanctionner juridiquement tout Etat déclaré coupable d’acte qui viole les règles et principes contenus dans la charte fait l’objet d’une entière consécration à l’article 46 de la Charte qui dispose ceci : «En vertu des dispositions pertinentes de l’Acte constitutif et du Protocole portant création du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine, la Conférence et le Conseil de Paix et de Sécurité déterminent les mesures appropriées à appliquer contre tout Etat partie qui viole la présente Charte». En effet, les mesures appropriées dont fait référence cette disposition peuvent être des sanctions judiciaires devant la juridiction de l’Union [111] ou des sanctions économiques [112] prévues par la Conférence des chefs d’Etats et de Gouvernements à l’encontre de l’Etat fautif.

 

 

Conclusion

 

L’adoption d’un nouveau texte sur la démocratie, les élections et la bonne gouvernance est un événement heureux. Même si ce texte aurait pu être encore meilleur, encore plus riche et protecteur, il répond à une louable intention et, si tout se déroule normalement, il offre une belle occasion d’améliorer les relations entre l’Union africaine et celles ou ceux qui vivent sur son sol.

Près de six décennies après leur accession à la souveraineté internationale, la quasi-totalité des Etats africains demeurent assujettis à des problématiques majeures. Celles-ci peuvent être articulées autour de la bonne gouvernance démocratique, de l’Etat de droit et du processus électoral. A la vérité des efforts conséquents ont été consentis pour endiguer les multiples facteurs d’instabilité. La variété des instruments dans lesquels l’Union africaine a souscrit en témoigne. Cependant, l’adoption de la CADEG constituait une étape importante dans l’Histoire trouble du continent africain. Une bonne partie de la doctrine l’a salué comme marquant une avancée décisive dans le processus de renforcement et de consolidation de la démocratie. En effet, comme le rappelle le professeur Alioune Badara Fall, «cette charte constitue ainsi un des rares instruments juridiques internationaux contraignants qui traite de manière directe et objective de la démocratie en Afrique». L’auteur renchérit en déclarant qu’«elle bouscule ainsi le principe de souveraineté derrière lequel se sont souvent réfugiés les gouvernants».

Mais, on ne peut éprouver cette satisfaction sans qu’elle soit teintée d’inquiétude. Tout d’abord, il ne faut pas oublier que les textes sont utiles, mais ne suffisent pas. Si on parle de l’Union Africaine, et avant elle de l’Organisation de l’Unité Africaine, ce n’est pas aujourd’hui qu’elles ont manifesté l’importance des droits de l’homme dans leurs actions. Pour autant, on ne peut pas dire qu’elles aient une politique cohérente en la matière et l’adoption de la CADEG aidera à constituer cette politique mais ne suffira pas. En effet, des défis majeurs doivent être relevés pour nous permettre d’afficher un enthousiasme justifié. Il serait judicieux d’élargir les cibles des sanctions judiciaires. Le schéma actuel peut laisser perplexe. Cette perplexité se nourrit du fait que la Charte ne vise que les individus responsables de changements anticonstitutionnels. Cela restreint drastiquement le champ des sanctions.

 «Il n’y a pas de chemin il faut marcher, c’est en marchant que le chemin se fait». Cette affirmation de saint Jean de la Croix [113] entrée dans la postérité témoigne du chemin qui sépare les civilisations, nations, peuples de cette station faite de stabilité, de paix et de développement. La route est longue, sinueuse et parsemée d’embûches [114]. Le continent africain n’échappe pas à cette règle [115]. Force est de constater que les textes ont besoin d’être portés, soutenus par un véritable mouvement démocratique et populaire. En vérité, le respect des droits de l’homme ne relève exclusivement ni du droit, ni des textes. C’est pourquoi qu’il s’agisse de la CADHP ou de la CADEG, quelles que soient les qualités ou les insuffisances de ces textes, ils existeront concrètement dans la mesure où la société toute entière les fera vivre. Sinon, ils serviront d’alibi et une bonne conscience, à des gens indifférents au sort réel des droits de l’Homme et de la démocratie en Afrique.

 

[1] J.-P. Jacqué, Droit constitutionnel national, Droit communautaire, CEDH, Charte des Nations Unies : l’instabilité des rapports de système entre ordres juridiques, RFDC, PUF, janvier, 2007/1 (n° 69), pp. 3-37.

[2] ONU.

[3] CEDH.

[4] UE.

[5] CADHP. La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples fut adoptée par l’Assemblée de l’OUA le 28 juin 1981, à Nairobi, au Kenya. Suite aux ratifications par 25 Etats membres de l’OUA, la Charte entra en vigueur le 21 octobre 1986. En 1999, la Charte avait été ratifiée par tous les Etats membres de l’OUA.

[6] CADEG. La Charte africaine de la Démocratie, des élections et la gouvernance (CADEG) a été adoptée le 30 janvier 2007 à Addis-Abeba en Ethiopie lors de la 8ème Session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine (UA). Le 16 janvier 2012, le Cameroun devenait le 15ème pays membre de l’UA à déposer son instrument de ratification auprès du Président de la Commission de l’UA (CUA). Conformément à son art. 48, la CADEG était entrée en vigueur le 15 février 2012. La CADEG comprend 11 chapitres (53 articles) qui traitent respectivement des Définitions (I), Objectifs (II), Principes (II), Démocratie, Etat de droit et Droits de l’Homme (IV), Culture démocratique et Paix (V), Institutions démocratiques (VI), Elections démocratiques (VII), Sanctions en cas de changement inconstitutionnel de gouvernement (VIII), Gouvernance politique, économique et sociale (IX), Mécanismes de mise en application (X), et Dispositions finales (XI).

[7] R. Y. Guillou, Aux origines du contrôle de constitutionnalité des lois aux Etats-Unis d’Amérique, Thèse, Université Paris II, 1998, p. 9.

[8] OUA.

[9] UA.

[10] Pour reprendre la formule magistrale du Professeur M. A. Glele à propos de la montée en puissance du constitutionnalisme africain.

[11] En raison de l’hostilité de certains gouvernements africains à la protection régionale des droits de l’homme en Afrique, une conférence de plénipotentiaires, prévue à Addis-Abeba, ne put se tenir. Cette période fut la plus tragique dans l’histoire de la Charte. Le projet de Charte était manifestement menacé. Dans cette atmosphère tendue et à l’invitation du Secrétaire Général de l’OUA, le Président de la Gambie convoqua deux conférences ministérielles à Banjul, en Gambie, où le projet de Charte fut adopté et soumis par la suite à l’Assemblée de l’OUA. C’est en raison de ce rôle historique de la Gambier que la Charte africaine fut baptisée ‘’Charte de Banjul’’. La Charte de Banjul fut finalement adoptée par l’Assemblée de l’OUA le 28 juin 1981, à Nairobi, au Kenya. Suite aux ratifications par l’écrasante majorité des Etats membres de l’OUA ; la Charte entrera en vigueur le 21 octobre 1986. En 1999, la Charte avait été ratifiée par tous les Etats membres de l’OUA. 

[12] Ces divers textes sont : le Traité de la CEDEAO lui-même plus précisément en son art. 58, qui est relatif au «maintien de la paix» au sens large ; la Déclaration de l’OUA sur la sécurité, la stabilité, le développement et la coopération en Afrique (Abuja, 8 et 9 mai 2000) ; la Décision prise dans le cadre de l’OUA, en juillet 1999, relative à la réaction de l’OUA face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement ; la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 ; la Déclaration d’Harare adoptée par les Etats du Commonwealth le 20 octobre 1991 ; la Déclaration de Cotonou adoptée le 6 décembre 2000 à l’issue de la IVème Conférence internationale sur les démocraties nouvelles ou rétablies. A cette liste établie par les professeurs Fall et Sall, on peut rajouter la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance adoptée le 3 janvier 2007 à Addis-Abeba en Ethiopie.

[13] I.-M. Fall et A. Sall, Une constitution régionale pour l’espace CEDEAO : le protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO, cf. www.académia.edu/1636461/protocole-CEDEAO.

[14] M. Ngaïdé, La contribution de l’Afrique à la gestion des ressources en eau transfrontalières ; l’exemple de la charte de l’eau du bassin du Niger, Annales Africaines, Nouvelle série, Numéro spécial, CREDILA, 2014, pp. 208-248.

[15] Pour exemple, la Grande Charte des libertés d’Angleterre, promulguée par le roi Jean sans Terre en 1215, ou en France la Charte octroyée lors de la Restauration par Louis XVIII le 4 juin 1814 et la Charte constitutionnelle du 14 août 1830 de la monarchie de juillet.

[16] Dans le vocabulaire juridique, «Instrumentum» est un vocable d’origine latine désignant un document écrit pouvant constituer la preuve d’une situation ou d’une qualité.

[17] Etudes consacrées à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 : P.-F., Gonidec Gonidec, un espoir pour l’homme et les peuples africains ? La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Le Mois en Afrique, juin-juillet, 1983, p. 23 ; M. G. Ahanhanzo, Théorie et des droits de l’homme dans l’Afrique contemporaine, Annales africaines, Dakar, Université de Dakar, 1986-198-1988, p. 132, M. G. Ahanhanzo, Introduction à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Mélanges C. A. Colliard, Pédone, 1984 ; I. Fall, Des structures à l’échelon régional africain pour la promotion des droits de l’Homme, Revue sénégalaise de droit, septembre 1978  ; P. -G. Pougoué, Lecture de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, in P.-G. Pougoué (dir.), Droits de l’Homme en Afrique centrale, Karthala, 1996, p. 37 ; F. Ouguerguouz, , La Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, une approche juridique des droits de  l’homme entre tradition et modernité PUF, Paris, 1993, (Préface de K. Mbaye) ; A. D. Olinga, l’Afrique face à la globalisation des techniques de protection des droits fondamentaux», Revue juridique et politique, n° 1, janvier-avril 1999, pp. 67-84, M. Kamara, La promotion et la protection des droits fondamentaux dans le cadre de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et du protocole facultatif additionnel de juin 1998, RTDH, n° 63, 2005, p. 709 ; A. B. Fall, La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ; entre universalisme et régionalisme, Pouvoirs, 2009/2, n° 129, pp. 77-100 ; O. Umozurike, The African Charter of Human and People’s Right, Nijhoffpublishers, La Haye, 1997, p. 108 ; M. Kamto, Charte africaine, instruments internationaux de protection des droits de l’homme, constitutions nationales : articulations respectives, in : J. F. Flauss, E. L.-Abdelgawad (dir), L’application nationale de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Bruxelles : Bruylant/Némésis, 2004, 266 p., coll. Droit et justice ; M. Kamto (dir.), La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le protocole y relatif portant  création de la Cour africaine des droits de l’homme : commentaire article par article, Bruxelles : Bruylant, 1628 p., collection de Droit international, n° 67 ; M. B. A. Nour, La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, élaboration et inspiration, Mémoire, Droit international public, Lyon, Université Jean Moulin, 2009, 111 p. ; B. E. Zakri, L’application de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Mémoire, (online), Université catholique de l’Afrique de l’Ouest-Unité Universitaire d’Abidjan (UCAO-UUA), Master 2 Recherche Droit public fondamental, 2014 ; S. D.-Bille, La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Annuaire international des droits de l’Homme (Athènes/Bruxelles), 2006, vol. I, 139-158 ; Amnesty International, «Introduction à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples», IOR, 2006, p. 10.

[18] B. Tchikaya, Etudes dédiées à la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance de 2007, in La Charte africaine de la démocratie, des élections et la gouvernance, Annuaire français de Droit international, L IV- 2008, CNRS éditions, Paris, p. 515- 528. ;  N. F. Ngarhodjim, Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance : une analyse critique, Open Society Institue, Africa Governance monitoring & Advocacy Project (AfriMAP), Mai 2007, 7 p. ; E. R. McMahon, La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance : un premier pas positif sur une longue route, Africa Governance Monitoring & Advocacy Project (AfriMAP), Mai 2007 ; R. Libiki, La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance : Analyse et commentaires, éd. Publibook/Société Ecrivains, 2012, K. L. Modou, La CADEG, une grille en faveur de l’effectivité de la représentation politique en Afrique, www.regardcritique.ca, octobre 2012 ; J. T.-L. Assoko, UA : les limites du rejet des changements anticonstitutionnels de gouvernement ; Térangaweb, L’Afrique des idées, 2001 ; SAIIA, Unconstitutionnal Changes of governement : the Democrat’s Dilemma in Africa, Kathryn Sturman, South African Institute for International Affairs (SAIIA), March 2011 ; S. Ebobrah, La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance : une nouvelle ère qui consacre une gouvernance légitime en Afrique ?, Open Society, Africa Governance Monitoring & Advocacy Project, Afrimap, mai 2007, 11 pages ; J. K. Mpiana, L’Union africaine face à la gestion des changements anticonstitutionnels de gouvernement, Revue Québécoise de droit international, 2012, Hein online.

[19] A. Kpodar, Bilan sur un demi-siècle de constitutionnalisme en Afrique noire francophone, Afrilex, 2012, p. 5. L’auteur y rend compte de l’abondance de la doctrine consacrée au constitutionnalisme africain. Nous parvenons au même constat relativement à la doctrine consacrée aux deux Chartes africaines, à l’honneur dans cette étude.

[20] A. Sall, Le juge international et la politique : réflexions sur l’incidence du facteur politique dans la juridiction de la cour de justice de la Haye, Nouvelles Annales Africaines, 2012, pp. 163-219.

[21] A. Kpodar, Bilan sur un demi-siècle de constitutionnalisme en Afrique noire francophone, Afrilex, 2012, p. 5. L’auteur y rend compte de l’abondance de la doctrine consacrée au constitutionnalisme africain. Nous parvenons au même constat relativement à la doctrine consacrée aux deux Chartes africaines, à l’honneur dans cette étude.

[22] Une conjonction de deux objets célestes, en astronomie et en astrologie, signifie que ces deux objets, vus depuis un troisième (généralement la Terre), apparaissent très proches l’un de l’autre dans le ciel.

[23] A. B. Fall, La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme, Pouvoirs 2009/2 (n° 129), p. 77.

[24] Adoptée par la 8ème session ordinaire de la Conférence de l'Union africaine le 30 janvier 2007, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance vient préciser les objectifs et principes énoncés dans l'Acte constitutif de l'UA de 2000 en ce qui concerne le respect des principes démocratiques, des droits de l'homme, de l'Etat de droit et de la bonne gouvernance.

[25] Il est important de noter à ce niveau que le traité qui prévoyait l’Organisation de l’Unité Africaine a été signé à Addis-Abeba par tous les Etats africains indépendants de l’époque, à l’exception du Maroc et du Togo.

[26] Cf.  S. N. Tall, Cours de droit des organisations internationales, Licence 3, Droit public, UCAD, 2014.

[27] https://www.humanrights.ch/fr/droits-humains-internationaux/regionaux/afrique/.

[28] Il s’agit notamment de la déclaration sur la situation politique et socio-économique en Afrique et les changements fondamentaux qui se produisent dans le monde, AHG/Déc. l1 (XXVI), 1990, adoptée lors du 26ème sommet de l’OUA, Addis-Abeba, 9 au 11 juillet 1990.

[29] B. Tchikaya, La charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance in : Annuaire français de droit international, volume 54, 2008. p. 516.

[30] Forum permanent de dialogue arabo-africain sur la démocratie et les droits humains, «La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance : le rôle des institutions nationales des droits de l’Homme (INDH)» UNESCO, Le Caire, 2010, pp. 6-7.

[31] Amnesty International, Introduction à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, IOR, 2006, p. 10.

[32] K. Vasak, Les droits de l’homme et l’Afrique vers les institutions africaines pour la protection internationale des droits de l’Homme ?, In Revue Belge de Droit International, 1967, p. 1.

[33] Cf. J. K. Dagnini, Dictatures et protestantisme en Afrique noire depuis la décolonisation : le résultat d’une politique françafricaine et d’une influence américaine certaine, in HAOL, n° 17, 2008, p.113. «E. G. Eyadema, président du Togo durant 38 ans, de 1967, à la suite d’un coup d’Etat, à sa mort en 2005. J. B. Bokassa fut président, puis s’autoproclamé empereur sous le nom de Bokassa 1er, de la République centrafricaine de 1966, à la suite d’un coup d’Etat, à 1979. D. S.-Nguesso fut président du Congo de 1979 à 1992, puis revint au pouvoir en 1997 suite à un coup d’Etat, El Hadj O. Bongo président de la République gabonaise de 1967 à 2009 remplacé par son fils. I. Déby est le président du Tchad depuis 1990 suite à un coup d’Etat sur l’ex-président H. Habré. P. Biya est le président du Cameroun depuis 1982 et B. Compaoré, président du Burkina Faso (anciennement Haute-Volta) de 1987, suite à un coup d’Etat, à 2014».

[34] Ce sont des dirigeants qui exercent leurs régimes sur des considérations d’ethnicité, de tribalisme dénoués de tout genre de culture ou capacité politique et démocratique pour gérer leur pays.

[35] A noter que presque tous les pays africains pendant cette période exerçaient le monopartisme à l’exception du Sénégal du fait de l’ouverture de son Président L. S. Senghor qui s’est efforcé à accepter le multipartisme et lui accorder une certaine attention dans son étude intitulée «Nation et voie africaine du socialisme» en prenant l’exemple de la Fédération du Mali à travers une suggestion de son Secrétaire général en ces termes : «La fédération du Mali sera, comme les Etats fédérés, une démocratie. La loi électorale continuera d’y être une loi impartiale, ce qui la propre de la loi, non une loi de circonstance, taillée à la mesure du Gouvernement ou du parti majoritaire. Les libertés d’opinion, de parole, de presse, de réunion, d’association sont garantie par la Constitution du Mali et celle des Etats fédérés».

[36] Au Togo en 1963, S. Olympio a été écarté mortellement du pouvoir alors qu’il était le président de ce pays. En 1974, le président nigérien D. Humani est assassiné. En avril 1975, le président F. G. Tombalbaye est tué avec toute sa famille dans son palais..

[37] B. N. Azikiwé, né le 16 novembre 1904 et mort le 11 mai 1996. C’est un homme d’Etat nigérian. Il est le premier président du Nigéria.

[38] A. B. Fall, La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme, op.cit., p. 79.

[39] En 1961, la Commission internationale de juristes, organisation non gouvernementale basée à Genève (Suisse) a organisé un congrès africain portant sur la primauté du droit. Dans la déclaration finale intitulée «Loi de Lagos», les cent-quatre-vingt-quatorze congressistes, provenant de vingt-trois Etats d’Afrique et de neuf Etats d’autres continents, avaient proposé l’adoption d’une «Convention africaine des droits de l’homme prévoyant notamment la création d’un tribunal approprié et de voies de recours ouvertes à toutes les personnes relevant de la juridiction des Etats signataires».

[40] D’ailleurs, l’Assemblée Générale de l’OUA réunie en 1979 avait tenu compte de ces considérations et surtout après une proposition qui lui a été faite par le président sénégalais L. S. Senghor. En voici un extrait de la décision de l’Assemblée Générale intitulé comme suite : AHG/Déc. 115 (XVI) Rev. 1 1979. «L’Assemblée réaffirme le besoin d’une meilleure coopération internationale, du respect des droits fondamentaux de l’homme et des droits des peuples et en particulier le droit au développement… L’Assemblée demande au Secrétaire Général : d’organiser dès que possible, dans une capitale africaine, une réunion restreinte d’experts de haut niveau afin de préparer un projet préliminaire d’une «Charte africaine des droits de l’homme et des peuples» prévoyant entre autres l’établissement d’institutions pour promouvoir et protéger les droits de l’homme et des peuples».

[41] Le coup d’Etat perpétré en Gambie par Y. Diamé en juillet 1994 pour renverser le Président D. K. Jawara ; en Centreafrique le président, A.-F. Patassé élu depuis 1993 sera renversé par le général F. Bozizé le 15 mars 2003 ; en Guinée Bissau, K. Yala est chassé violemment le 14 septembre 2003, par une junte dirigée par V. C. Seabra ; le 3 août 2005, une junte renverse le régime de M. O. Taya en Mauritanie. Trois ans plus tard c’est-à-dire en 2008, toujours en Mauritanie, le président élu, S. O. C. Abdallahi, est renversé par une junte dirigée par M. O. A. Aziz…

[42] Cf. B. Tchikaya, «Lors de la conférence de presse de clôture du sommet de la Baule du 20 juin 1990, le président F. Mitterrand formulait que l’aide de la France serait ‘plus tiède face aux régimes qui se comporteront de façon autoritaire’ et ‘enthousiaste envers ceux qui franchiront avec courage ce pas’ vers la démocratisation», dans La charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, op. cit. p. 516.

[43] On peut en déceler ceux qui s’étaient produits au Burkina Faso en 1987 avec l’arrivée au pouvoir de B. Compaoré en reversant T. Sankara, en Gambie en 1994 avec le coup d’Etat de Y. Diameh.

[44] Par contre, il convient de noter que dans la Déclaration de Lomé de 2000 sur le cadre pour une réaction de l'Organisation de l'Unité Africaine face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement. La Déclaration considère les situations suivantes comme anti constitutionnelles : i) un coup d'Etat militaire contre un gouvernement issu d'élections démocratiques ; ii) une intervention de mercenaires pour renverser un gouvernement issu d'élections démocratiques ; iii) une intervention de groupes dissidents armés et de mouvements rebelles pour renverser un gouvernement issu d'élections démocratiques ; iv) le refus par un gouvernement en place de remettre le pouvoir au parti vainqueur à l'issue d'élections.

[45] S. Djinnit, La stabilité repose sur la démocratie, Afrique Renouveau, Vol. 24 n° 1, Avril 2010, pp. 13-15.

[46] Architecture de la gouvernance africaine (AGA) «Dividendes et déficits démocratiques en Afrique», In Newsletter Gouvernance africaine, volume 4, 2017, p.15.

[47] Cf. art. 26 de la convention de Vienne, 23 mai 1969.

[48] Cf. art. 27 de la Convention de Vienne, 23 mai 1969.

[49] Cf. art. 44, sous-section 2 de la CADEG : «A. Sur le plan continental A. La Commission définit les critères de mise en œuvre des engagements et principes énoncés dans la présente Charte et veille à ce que les Etats parties répondent à ces critères. B. La Commission encourage la création des conditions favorables à la gouvernance démocratique sur le continent africain, en particulier en facilitant l’harmonisation des politiques et lois des Etats parties. C. La Commission prend les mesures nécessaires en vue de s’assurer que l’Unité d’appui à la démocratie et d’assistance électorale et le Fonds d’appui à la démocratie et d’assistance électorale fournissent aux Etats parties l’assistance et les ressources dont ils ont besoin pour leur processus électoral. D. La Commission veille à la mise en œuvre des décisions de l’Union sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement sur le Continent».

[50] Cf. CADHP, art. 30 : «Il est créé auprès de l'Organisation de l'Unité Africaine une Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ci-dessous dénommée "la Commission", chargée de promouvoir les droits de l'homme et des peuples et d'assurer leur protection en Afrique».

[51] L. Mulvagh, T. Braun, Le système africain des droits humains : Un guide pour les peuples autochtones, Yaoundé, Octobre 2008, p. 24.

[52] Selon la disposition : «a. La Commission définit les critères de mise en œuvre des engagements et principes énoncés dans la présente Charte et veille à ce que les Etats parties répondent à ces critères. b. La Commission encourage la création des conditions favorables à la gouvernance démocratique sur le continent africain, en particulier en facilitant l’harmonisation des politiques et lois des Etats parties. c. La Commission prend les mesures nécessaires en vue de s’assurer que l’Unité d’appui à la démocratie et d’assistance électorale et le Fonds d’appui à la démocratie et d’assistance électorale fournissent aux Etats parties l’assistance et les ressources dont ils ont besoin pour leur processus électoral. d. La Commission veille à la mise en œuvre des décisions de l’Union sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement sur le Continent».

[53] Cf. rapport du Forum permanent de dialogue arabo-africain sur la démocratie et les droits humains, «La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance : le rôle des institutions nationales des droits de l’Homme (INDH)» UNESCO, Le Caire, 2010, p. 8.

[54] Cf. art. 44 paragraphe 1, Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.

[55] Il s’agit des institutions nationales des droits humains qui doivent être reconnues par les constitutions des Etats telles que prescrites à l’art. 15 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Ainsi une institution nationale des droits humains est définie par l’ONU comme «un organe gouvernemental créé en vertu d’un texte constitutionnel ou législatif, ayant spécifiquement pour mission de promouvoir et de protéger les droits humains. L’ONU classe généralement les INDH en trois catégories : les commissions des droits de l’Homme, les médiateurs ainsi que les institutions nationales spécialisées ayant vocation à protéger les droits de groupes vulnérables particuliers tels que les minorités ethniques, les populations autochtones, les réfugiés, les femmes ou les enfants».

[56] E. Zoller, La conclusion et la mise en œuvre des traités dans les Etats fédérés et unitaires, in Revue internationale de droit comparé, Vol. 42 n° 2, 1990. Etudes de droit contemporain, pp. 737-750.

[57] Ibid..

[58] Cf. au contenu de l’article : «Les Etats membres de l'Organisation de l'Unité Africaine, parties à la présente Charte, reconnaissent les droits, devoirs et libertés énoncés dans cette Charte et s'engagent à adopter des mesures législatives ou autres pour les appliquer».

[59] Cf. art. 25, «Les Etats parties à la présente Charte ont le devoir de promouvoir et d'assurer, par l'enseignement, l'éducation et la diffusion, le respect des droits et des libertés contenus dans la présente Charte, et de prendre des mesures en vue de veiller à ce que ces libertés et droits soient compris de même que les obligations et devoirs correspondants».

[60] Cf. art. 26 : «Les Etats parties à la présente Charte ont le devoir de garantir l'indépendance des Tribunaux et de permettre l'établissement et le perfectionnement d'institutions nationales appropriées chargées de la promotion et de la protection des droits et libertés garantis par la présente Charte».

[61] A titre d’exemple, on peut évoquer le CHAPITRE X de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Celui-ci dédié aux «mécanismes de mise en application» de ladite Charte prévoit des organes au niveau étatique, régional et continental. Voir art. 44 et 45.

[62] Cf. Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, art. 46

[63] Cf. Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, art. 49, alinéa 1 : «Les Etats parties soumettent à la Commission tous les deux ans, à compter de la date de l’entrée en vigueur de la présente Charte, un rapport sur les mesures d’ordre législatif ou autre mesure appropriée prises en vue de rendre effectifs les principes et engagements énoncés dans la présente Charte».

[64] B. Tchikaya, La charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, op. cit., p. 525.

[65] Cf. Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, art. 45, § 2.

[66] A.-K. Diop, La Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples ou le miroir stendhalien du système africain de protection des droits de l’homme, Les Cahiers de droit, 2014, p. 539.

[67] Amnesty International, Introduction à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, op. cit., p. 50.

[68] Le terme élongation utilisé en astronomie correspond à l’angle apparent qui sépare deux objets sur la sphère céleste, vus à partir d’un troisième objet. Il est le plus souvent employé pour décrire la séparation entre une planète du système solaire et le soleil, vus depuis la terre.

[69]Parmi les exemples de droits civils et politiques des individus visés aux articles 3-18 de la Charte, on compte le droit à l’égalité devant la loi et l’égale protection de la loi (art. 3) ; le droit à la vie, la liberté et l’interdiction de toutes formes de torture, de traitements cruels, inhumains et dégradants, d’esclavage et d’autres formes d’exploitation (art. 5) ; le droit à un jugement équitable (art. 7) ; le droit à la liberté de conscience et à la libre pratique de sa religion (art. 8) ; le droit à la liberté de se réunir librement et de constituer librement une association (art. 10 et 11) ; le droit de circuler librement et de choisir sa résidence (art. 12) ; le droit de participer au gouvernement (art. 13) ; le droit à l’élimination de toute discrimination contre les femmes (art. 18 (3)).

[70] Parmi les exemples de droits économiques, sociaux et culturels s’appuyant sur les dispositions de droits des individus de la Charte, on compte le droit de travailler dans des conditions équitables et satisfaisante (art. 15) ; le droit de protection de la santé et d’obtention de soins médicaux (art. 16) ; le droit à l’éducation (art. 17(1)) ; le droit de participer à la vie culturelle (art. 17(2)).

[71] Cf. notamment au Pacte international relatif aux droits civils et politiques conclu à New York le 16 décembre 1966 et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adopté en 1966 et entrée en vigueur le 3 janvier 1976.

[72] L. Mulvagh, T. Braun, Le système africain des droits humains : un guide pour les peuples autochtones, op. cit.. p. 4.

[73] Ibidem.

[74] Les droits des peuples ou droits collectifs prévus aux art. 19 à 24 de la Charte incluent : le droit à l’égalité et à ne pas être dominés par d’autres peuples (art. 19) ; le droit à l’existence et à l’autodétermination (art. 20) ; le droit à la libre disposition de leurs richesses naturelles (art. 21) ; le droit au développement économique, social et culturel (art. 22) ; le droit à un environnement satisfaisant, propice à leur développement (art. 24).

[75] Cf. Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Communication 155/96, 15ème Rapport annuel d’activités (2001-02), § 68.

[76] Cf. art. 27 paragraphe 1 «Chaque individu a des devoirs envers la famille et la société, envers l'Etat et les autres collectivités légalement reconnues et envers la Communauté Internationale».

[77] A. B. Fall, La Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme, Pouvoirs 2009/2 (n° 129), op. cit., p. 82.

[78] Réunion des Experts pour l’élaboration d’un avant-projet de Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, Dakar, 28 novembre/8 décembre 1979, Doc. O.U.A., CAB/LEG/ 67/ 3/Rev. 1, p. 2. Cité par F. Ouguergouz, La charte africaine des droits de l’homme et des peuples, une approche juridique des droits de l’homme entre tradition et modernité, Institut de hautes études internationales, Genève, 2018, pp. 233-254.

[79] F. Ouguergouz, La charte africaine des droits de l’homme et des peuples, une approche juridique des droits de l’homme entre tradition et modernité, Institut de hautes études internationales, Genève, 2018, pp. 233-254.

[80] B. Tchikaya, op. cit., p. 517.

[81] B. Gueye, La démocratie en Afrique : succès et résistances, in Pouvoirs 2009/2 (n° 129), p. 9.

[82] Par valeurs universelles, il convient dans le sens de la charte de retenir les droits de l’homme, la lutte contre la corruption et l’impunité, le pluralisme politique, la culture et la pratique démocratique, la sécurité et la paix. Quant aux principes universels, allusion est faite à la primauté de la constitution, à l’état de droit, à la tenue régulière d’élections transparentes libres et équitables, à la condamnation des changements anticonstitutionnels de gouvernements, au respect des droits de l’homme et des principes démocratiques , à l’accès au pouvoir et son exercice, conformément à la Constitution de l’Etat partie et au principe de l’Etat de droit et de la promotion d’un système de gouvernement représentatif, à la séparation des pouvoirs, à la promotion de l’équilibre entre les hommes et les femmes dans les institutions publiques et privées ainsi qu’à la participation effective des citoyens aux processus démocratiques et de développement et à la gestion des affaires publiques.

[83] Cf. art. 3, alinéa 5 de la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.

[84] B. Gueye, La démocratie en Afrique : succès et résistances, op. cit., p. 18.

[85] I.-M. Fall, Les révisions constitutionnelles au Sénégal : révisions consolidantes et révisions déconsolidantes, CREDILA, 2011, 218 p..

[86] Cf. article 2, alinéa 5, de la charte.

[87] B. Gueye, op. cit., p. 24.

[88] Nous pensons aux nombreux textes internationaux adoptés en faveur de la protection et de la promotion des droits de l’homme comme la Déclaration Universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 et les deux Pactes internationaux, l’un relatif aux droits civils et politiques et l’autre aux droits sociaux, économiques et culturels de 1966, pour ne citer que ceux-ci.

[89] A noter ici que l’allusion est faite à la commission africaine des droits de l’homme et des peuples à laquelle l’art. 30 de la charte a établi sa création puis adoptée officiellement le 2 novembre 1987 à Addis-Abeba. Cette commission est différente de la commission africaine chargée de la mise en œuvre de la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.

[90] Cf. art. 49 de la charte qui dispose ce qui suit : «Nonobstant les dispositions de l'art. 47, si un Etat partie à la présente Charte estime qu'un autre Etat également partie à cette Charte a violé les dispositions de celle-ci, il peut saisir directement la Commission par une communication adressée à son Président, au Secrétaire Général de l'OUA et à l'Etat intéressé». 

[91] Pour les communications fournies à la commission africaine par certaines ONG en Afrique, on peut en donner quelques-unes et citées par N. E. Nguema, La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et sa mission de protection des droits de l’homme, in La Revue des droits de l’homme [En ligne], 2017, p.4.Communications 22/88, International Pen c. Burkina Faso ; 55/91, International Pen c. Tchad ; 93/93, International Pen c. Ghana, (CADHP 1994) ; 138/94, International Pen (pour le compte de Senn et Sangare) c. Côte d'Ivoire, (CADHP 1995) ; 137/94, 139/94, 154/96 et 161/97, International Pen, Constitutional Rights, Interights au nom de K. Saro, Wiwa Jr. et Civil Liberties Organisation c. Nigeria, (CADHP 1998). Communications 69/92, Amnesty International c. Tunisie, (CADHP 1994) ; 64/92, 68/92 et 78/92, K. Achuthan (pour le compte de A. Banda), Amnesty International (pour le compte de Orton et V. Chirwa) c. Malawi, (CADHP 1995) ; 212/98, Amnesty International c. Zambie, (CADHP 1999) ; 48/90, 50/91, 52/91, 89/93, Amnesty International, Comité L. Bachelard, Lawyers Committee for Human Rights, Association des membres de la Conférence épiscopale de l’Afrique de l’Est c. Soudan, (CADHP 1999) ; Communication 60/91, Constitutional Rights Project (pour le compte de Akamu et Autres) c. Nigeria ; 87/93, Constitutional Rights Project (pour le compte de Z. Lekwot et six Autres) c. Nigeria, (CADHP 1995) ; 102/93, Constitutional Rights Project et Civil Liberties Organisation c. Nigeria ; 140/94, 141/94 et 145/95, Constitutional Rights Project et Civil Liberties Organisation c. Nigeria ; 143/95 et 150/96, Constitutional Rights Project et Civil Liberties Organisation c. Nigeria ; 148/96, Constitutional Rights Project c. Nigeria ; 153/96, Constitutional Rights Project c. Nigeria, (CADHP 1999). Communications 45/90, Civil Liberties Organisation c. Nigeria ; 67/92, Civil Liberties Organisation c. Nigeria, (CADHP 1994) ; 67/92, Civil Liberties Organisation (pour le compte de l’Association du Barreau Nigérian) c. Nigeria ; 129/94, Civil Liberties Organisation c. Nigeria, (CADHP 1995) ; 102/93, Constitutional Rights Project et Civil Liberties Organisation c. Nigeria ; 151/96, Civil Liberties Organisation c. Nigeria, (CADHP 1999) ; 218/98, Civil Liberties Organisation, Legal Défence Centre, Legal Défence and Assistance Project c. Nigeria, (CADHP 2001).

[92] L’article dispose que : «Après avoir obtenu, tant des Etats parties intéressés que d'autres sources, toutes les informations qu'elle estime nécessaires et après avoir essayé par tous les moyens appropriés de parvenir à une solution amiable fondée sur le respect des droits de l'homme et des peuples, la Commission établit, dans un délai raisonnable à partir de la notification visée à l'article 48, un rapport relatant les faits et les conclusions auxquelles elle a abouti. Ce rapport est envoyé aux Etats concernés et communiqué à la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement».

[93] N. E. Nguema, La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et sa mission de protection des droits de l’homme, op. cit., p. 10.

[94] Selon cette disposition, «2. La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement peut alors demander à la Commission de procéder sur ces situations, à une étude approfondie, et de lui rendre compte dans un rapport circonstancié, accompagné de ses conclusions et recommandations. 3. En cas d'urgence dûment constatée par la Commission, celle-ci saisit le Président de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement qui pourra demander une étude approfondie».

[95] L. Mulvagh, T. Braun, Le système africain des droits humains : Un guide pour les peuples autochtones, op.cit. p. 29.

[96] A.-K. Diop, La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ou le miroir stendhalien du système africain de protection des droits de l’homme, in Les Cahiers de droit, 2014, p. 534.

[97] A cet égard, cf. art. 59, alinéas 2 et 3 «2. Toutefois, le rapport est publié par le Président de la Commission sur décision de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement. 3. Le rapport d'activités de la Commission est publié par son Président après son examen par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement».

[98] Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, 9 juin 1998, Doc. OAU/LEG/EXP/AFCHPR/PROT (III), [En ligne], [www.refworld.org/pdfi/493fd4142.pdf] consulté le 03/10/2018.

[99] La compétence de la cour est doublement consacrée par le protocole qui porte sa création. Il s’agit d’une part d’une compétence contentieuse, art. 3, alinéa 1 du protocole : «La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etats concernés.», et d’autre part d’une compétence consultative, art. 4, alinéa 1 : «A la demande d'un Etat membre de l'OUA, de l'OUA, de tout organe de l'OUA ou d'une organisation africaine reconnue par l'OUA, la Cour peut donner un avis sur toute question juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme, à condition que l'objet de l'avis consultatif ne se rapporte pas à une requête pendante devant la Commission».

[100] A. D. Moussa, Chronique de la Cour africaine des Droits de l'Homme et des Peuples à la Cour de Justice de l'Union africaine : Histoire d'une coexistence pacifique en attendant la fusion, in Revue internationale de droit pénal 2005/1 (Vol. 76), p. 135.

[101] La Cour africaine juge tous les actes qui constituent des atteintes aux droits de l'homme prévues par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, ainsi que ceux prévus par les conventions internationales auxquelles les Etats africains font parties, selon la formule : «et autres instruments pertinents relatifs aux droits humains». Ainsi, sont concernés : la convention de New York relative aux Droits des enfants, les Pactes de 1966 sur les droits civils et politiques, la convention sur les femmes, etc.

[102] Article 3 du Protocole d’Ouagadougou.

[103] Affaire M. Yogogombaye c. République du Sénégal, requête n° 001/2008, arrêt du 15 décembre 2009.

[104] Recueil des arrêts, avis consultatifs et autres décisions de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples. Recueil de jurisprudence de la Cour africaine Volume 1 (2006-2016), p. VII.

[105] D. Amare et M. Amare c. Mozambique et Mozambique Airlines, requête 005/2011 Décision (compétence), 16 juin 2011, RJCA ; Association Juristes d’Afrique pour la Bonne Gouvernance c. Côte d’Ivoire, requête 006/2011 Décision (compétence), 16 juin 2011, RJCA ; Y. Ababou c. Maroc, requête 007/2011 Décision (compétence), 2 septembre 2011, RJCA ; Tanganyika Law Society, the Legal and Human Rights Centre et Reverend C. R. Mtikila c. Tanzanie, requête 009/2011, Décision (jonction), 22 septembre 2011, RJCA, Arrêt (fond), 14 juin 2013, RJCA. Arrêt (réparations), 13 juin 2014, RJCA ; E. M. Alexandre c. Cameroun et Nigeria, requête 008/ 2011 Décision (compétence), 23 septembre 2011, RJCA ; E. M. Samuel c. Parlement panafricain, requête 010/ 2011 Décision (compétence), 30 septembre 2011, RJCA ; Convention Nationale des Syndicats du Secteur Education (CONASYSED) c. Gabon, requête 012/2011 Décision (compétence), 11 décembre 2011 (201 Le Collectif des anciens travailleurs du laboratoire Australian Laboratory Services, ALS - Bamako (Morila) c. Mali, requête 002/2015 Décision (radiation), 5 septembre 2016, RJCA ; Actions pour la protection des droits de l’homme c. Côte d’Ivoire, requête 001/2014 Arrêt (fond), 18 novembre, RJCA.

[106] Cf. article 30 du Protocole portant création de la cour.

[107] C’est notamment le chapitre VII de la charte qui traite des changements anticonstitutionnels de gouvernements. Ce chapitre énonce toutes les péripéties des changements anticonstitutionnels de gouvernements entre l’art. 23 et l’article 26.

[108] Notons que ceux- ci peuvent être des hommes politiques ou des hommes militaires qui, tous les deux, pour conquérir le pouvoir s’emploient à des coups de forces et de violence pour éjecter le dirigeant en place contre toutes les lois et règlements en vigueur. C’est le cas par exemple des coups d’Etats enregistrés dans les deux décennies des années 1960 dont les plus marquants sont celui perpétré contre S. Olympio, président de la république du Togo en 1963, et celui exercé contre F.-N. Tombalbaye, président de la république du Tchad en 1975. 

[109] V. Edwige Soma/Kabore, Le droit d’intervention de l’union africaine, in Revue CAMES/SJP, n°001/2017, pp. 131-154.

[110] Cf. Réunion ministérielle de l’Union africaine (6-7 avril 2006). http://www.africa-union.org/root/ au/conférences/past/2006/april/pa/apr7/meeting_fr.htm. [Consulté le 06 octobre 2018].

[111] Cf. art. 25, alinéa 5 de la charte.

[112] Ibid. alinéa 7.

[113] St J. de la Croix (1542-1591), docteur de l’Eglise, est considéré comme l’un des plus importants poètes lyriques de la littérature espagnole.

[114] Décolonisation, indépendances, régimes totalitaires, vent de la transition démocratique, conférences nationales, démocratisation, flux et reflux démocratique, droits de l’homme, Etat de droit…

 

 

[Brèves] Point de départ du délai pour se pourvoir en cassation : la simple connaissance par le demandeur de la décision attaquée ne saurait faire courir le délai
par Aziber Didot - Seïd Algadi
Réf:CCJA, 19 décembre 2019, n° 344/2019 (N° Lexbase : A48873AA)

► Lorsque la Cour est saisie par l'une des parties à l'instance par la voie du recours en cassation, prévu au troisième ou quatrième alinéa de l'article 14 du Traité (N° Lexbase : L3251LGI), le recours est présenté au greffe dans les deux mois de la signification ou de la notification de la décision attaquée ;

► le délai de deux mois pour se pourvoir en cassation court à compter de la date de la signification faite en bonne et due forme ;

► en effet, de jurisprudence constante, lorsqu'aucun acte de signification formelle d'une décision entreprise n'a été produit aux débats, la simple connaissance que la demanderesse au pourvoi a pu avoir de la décision attaquée ne saurait suppléer à cette carence et faire courir le délai du recours.

Tel est l’un des apports d’un arrêt de la CCJA, rendu le 19 décembre 2019 (CCJA, 19 décembre 2019, n° 344/2019 N° Lexbase : A48873AA).  

En l’espèce, une compagnie d’assurance est titulaire d'un compte ouvert dans les livres d’une banque. Par exploit d'huissier du 10 mai 2005, une créancière a fait pratiquer dans diverses banques de la place, dont la banque susvisée, une saisie conservatoire au préjudice de la compagnie d’assurance pour le recouvrement de sommes d'argent. En réaction, la compagnie d’assurance a saisi le juge du contentieux de l'exécution du tribunal de première instance aux fins de mainlevée de la saisie querellée. Le 9 juin 2005, ce juge a vidé sa saisine et ordonné la nullité et la mainlevée des saisies pratiquées.

Le mois suivant, la compagnie d’assurance a signifié cette ordonnance à la banque avec commandement de procéder à la mainlevée des saisies querellées. La banque s'y est refusée, arguant  de l’inopposabilité du commandement car l’ordonnance ne la visait pas. La compagnie d’assurance a alors attrait la banque devant le juge du contentieux de l'exécution du tribunal de première instance aux fins d'interprétation de l'ordonnance rendue le 9 juin 2005. Ce juge a rendu une ordonnance contre laquelle les deux parties ont interjeté appel. Le juge du contentieux de la cour d’appel a ensuite rendu une ordonnance contre laquelle un pourvoi est formé.

La compagnie d’assurance a notamment demandé à la Cour de déclarer irrecevable le pourvoi formé par la banque pour forclusion, prétendant que ledit pourvoi n'a été formalisé par requête qu'à la date du 11 février 2019, alors que la décision attaquée a été portée à la connaissance de la défenderesse depuis le 8 mars 2017, à l'occasion d'une procédure aux fins de liquidation d'astreintes qui les opposait devant le tribunal de grande instance. C’est donc à tort que la banque soutient que l'ordonnance querellée ne lui a pas encore été signifiée.

Son argumentation n’a pas été retenue par la CCJA, qui, après le rappel du principe susvisé, déclare l’exception irrecevable (sur le sujet lire K. I. Nayo, Le pourvoi en cassation de la Cour commune de justice et d’arbitrage, ENA, Togo, 2019).  

 

[Brèves] Affirmation de la compétence de la CCJA dans le cadre d’une affaire relative à la liquidation des biens : c’est la nature de l’affaire qui détermine la compétence !
par Aziber Didot - Seïd Algadi
Réf:CCJA, 28 novembre 2019, n° 282/2019 (N° Lexbase : A48523AX)

► La compétence de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage repose non pas sur la nature des moyens invoqués par les plaideurs mais celle de l'affaire qui doit, entre autres, relever d'un Acte uniforme ;

► ainsi, la procédure de liquidation des biens dans le cadre de laquelle sont intervenues les décisions attaquées étant  régie par l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif (N° Lexbase : L0547LGD), il en résulte que la Cour suprême nationale est incompétente pour en connaître.

Telle est la solution retenue par un arrêt de la CCJA, rendu le 28 novembre 2019 (CCJA, 28 novembre 2019, n°  282/2019 N° Lexbase : A48523AX ; dans un arrêt du même jour, concernant, cette fois, la saisie immobilière, la CCJA a réaffirmé que c’est la nature de l’affaire qui détermine la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA, en ce qu’elle doit soulever des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des Règlements prévus au Traité de l’OHADA. Cf. CCJA, 28 novembre 2019, n° 279/2019 N° Lexbase : A48553A3).

Dans cette affaire, une banque a saisi le tribunal de commerce aux fins de liquidation des biens de sa débitrice, une société. Cette mesure ayant été prononcée suivant jugement du 22 décembre 2015, la société a saisi le même tribunal en annulation du jugement précité pour violation des dispositions de l’article 32 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif précité.

Par jugement du 8 juin 2016, le tribunal a déclaré cette action mal fondée.

Saisie par la société, la cour d'appel de Bamako a infirmé le jugement entrepris et, statuant de nouveau, déclaré la société irrecevable en son assignation en nullité du jugement de liquidation des biens. Cette dernière s’est alors pourvue en cassation. La chambre commerciale de la Cour suprême du Mali, nonobstant l'exception d'incompétence soulevée par la société requérante, a rendu un arrêt  contre lequel un pourvoi a été formé.

Il est demandé à la CCJA l’annulation de l’arrêt de la cour suprême du Mali.

A juste titre. Après avoir rappelé le principe sus énoncé, la CCJA déclare l’arrêt rendu par la juridiction suprême nationale nul et non avenu.

 

par Kouenguen Nguetnkam Yannick, Enseignant-chercheur (chargé de cours) à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université de Douala

[Doctrine] Les figures de la peur des protagonistes dans les relations de travail en Afrique : une analyse à l’aune du droit du travail camerounais
par Kouenguen Nguetnkam Yannick, Enseignant-chercheur (chargé de cours) à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université de Douala

Le droit met en place un ensemble de règles visant l’organisation de la vie en société tout en conférant des prérogatives aux individus qui y vivent [1]. Ce qui le pousse à prendre la plupart du temps en considération les faits sociaux pour sa mutation [2]. Cette adaptation voulue et recherchée du droit aux faits [3] n’est souvent que la conséquence d’une situation non juridique [4]. Un auteur relevait à propos que, «tout juriste cherche dès lors à caractériser une situation, de façon à la faire entrer dans une catégorie juridique» [5]. Au rang des catégories juridiques, nous avons les personnes, les choses et les biens [6]. L’être humain est un être raisonnable et émotionnel. C’est son côté rationnel que la science du droit a pendant très longtemps considéré comme prioritaire [7]. Son côté émotionnel a souvent été peu considéré. Pourtant, cette dimension permet l’épanouissement de l’Homme. C’est dans ce sens que des sentiments tels que l’amour, la haine, le ressentiment ou encore la peur peuvent côtoyer le droit.

Vouloir étudier la peur dans les rapports de travail implique comme préalable la clarification conceptuelle.

Relativement au droit du travail, il faut dire qu’il est le droit applicable aux relations entre les employeurs et les salariés [8]. Sa finalité première et classique est de protéger les salariés [9] contre la position de choix ou privilégiée de l’employeur du fait que le contrat de travail est par essence un contrat d’adhésion. Secondairement, le droit du travail serait un outil de gestion de l’entreprise au service de l'employeur [10]. Bien que n’étant pas les seuls acteurs intervenant en droit du travail [11], salariés et employeurs y occupent une place de choix, ce qui explique la part importante qui leur sera consacrée dans cette analyse [12]. La relation de travail peut être individuelle [13] ou collective [14]. L’accent dans le cadre de cette analyse sera réservé à ces deux composantes des rapports de travail.

Pour ce qui est de la peur [15], elle s’entend d’après le Grand Robert [16], comme un «phénomène psychologique à caractère affectif marqué, qui accompagne la prise de conscience justifiée ou non d'un danger, d'une menace pour la vie ou la sensibilité du sujet, et qui peut prendre la forme soit d'une émotion-choc [affolement, alarme, alerte, effroi, épouvante, frayeur, terreur], soit d'un sentiment pénible d'insécurité, de désarroi à l'égard d'événements actuels ou prévus [angoisse, appréhension, crainte, inquiétude]». Cette définition littérale est réductrice. Pour la compléter, il faut préciser que la peur est une émotion ressentie généralement en présence ou dans la perspective d'un danger ou d'une menace. En d'autres termes, la peur est une conséquence de l'analyse du danger et permet au sujet de le fuir ou de le combattre, également connue sous le terme «réponse combat-fuite» [17].

Malgré des synonymes [18] assez abondants, la peur, en termes d’impact, affecte le propre de l’homme, le réduit à sa plus simple expression, simple être raisonnable. Ainsi, on peut avoir peur de tomber, de ne pas réussir à un examen ou un concours ; de perdre son travail suite à une faute jugée lourde ou grave ou de se faire agresser lorsqu’on se déplace notamment à une heure tardive ou pas ; de ne point trouver du travail ; de ne point se marier ; de ne point avoir d’enfant ; de mourir après une opération chirurgicale etc.

Ainsi, la peur [19] semble être présente en droit, autour du droit et dans la vie du droit. S’il faut parfois s’inquiéter des sentiments qui font agir les sujets de droit [20], il faut relever que le droit a une part de responsabilité dans l’angoisse qui peut menacer la vie actuelle.

Appliquer à la relation de travail, l’idée de peur peut paraître étonnante. D’où le problème de savoir : quels sont les figures de la peur des protagonistes dans les relations de travail au sens du droit du travail ? Vu sous cet angle, la question soulève un intérêt juridique celui de savoir pourquoi identifier les figures de la peur. De même, il permet d’apprécier l’incidence de la peur des acteurs sur les relations de travail et sur eux même. A côté, nous avons l’intérêt sociologique qui réside dans l’aspect psychique dans lequel se trouveraient les acteurs face à un environnement de travail ou règne la crainte. L’intérêt économique n’est pas en reste car, une telle étude permet de voir comment cette émotion peut impacter sur l’avenir de l’entreprise et sur les sujets.

Cette préoccupation étant soulevée, il convient tout de même de faire quelques précisions. Tout d’abord, la peur n’est pas une notion juridique bien que, certains auteurs ont pu parler de la part du droit dans l’angoisse contemporaine [21], la peur des travailleurs et le droit du travail [22] et la peur du déclassement [23]. Elle peut paraitre comme la matérialisation d’un risque. C’est un fait social qui correspond beaucoup plus à un état d’esprit influençant ainsi le comportement des concernés [24]. C’est une émotion qui anime une personne confrontée à une situation ou un évènement. Ensuite, la peur a des implications manifestes dans la relation de travail : elle paralyse le potentiel, détruit l’imagination, mine l’enthousiasme, détruit l’esprit de productivité, d’inventivité et efface de l’environnement social, une entreprise où la gestion est sujette à des paniques récurrentes et de toutes formes. Ces conséquences assez importantes sont difficiles pour la société. Enfin, la peur semble embraser le droit du travail et par là, la relation de travail de toutes ses tentacules et embranchements. Tous les acteurs et surtout ceux majeurs n’en sont pas à l’abri. En s’appuyant sur cette vérité et réalité propre au droit du travail, en relation avec l’analyse de la peur dans les rapports de travail, il apparait que, cette émotion est inhérente au droit du travail, bref existe dans les rapports individuels et collectifs de travail.

L’émotion de peur se vit et se repend dans les relations ou situations de travail de plusieurs manières. Ainsi, les figurent de la peur des protagonistes se retrouvent non seulement dans les relations individuelles (I) mais aussi collectives (II) du travail.

 

 I - Les figures de la peur des protagonistes dans les relations individuelles de travail

 

Les relations individuelles [25] mettent principalement en face l’employeur et le salarié à travers un contrat de travail [26]. Il serait alors intéressant, dans ce type de relation, de rechercher les figures de la peur aussi bien chez les salariés (A) que chez les employeurs (B).

 

A - Les figures de la peur des salariés : des situations permanentes

 

La relation de travail met l’employé sous la subordination juridique de l’employeur [27]. Cet état de chose peut faire naitre la peur. Ainsi, permanente de son côté, le travailleur ressentira les formes de peur d’une part lorsque l’entreprise est saine (1) et en difficulté (2) d’autre part.

 

1 - Dans l’entreprise en situation normale ou in bonis

 

L’entreprise [28] in bonis [29] a une existence en rien inquiétée ceci malgré la présence parfois précoce de certaines difficultés passagères [30]. La peur du salarié s’observera dans ce cadre aussi bien dans la formation du contrat de travail (a) que lors de l’exploitation de l’entreprise ou mise en œuvre du contrat de travail (b).

 

a) La peur des salariés  au cours de la formation du contrat de travail

 

La formation des relations individuelles de travail et donc du contrat de travail, obéit, dans sa grande majorité, à la procédure de formation du contrat de droit commun [31]. La peur prend sa source d’une part sur l’environnement de travail (a-1) et sur la disposition psychique et la situation financière du salarié en ce moment-là (a-2) d’autre part.

 

a-1) L’hypothèse tenant à l’environnement de travail : entre raréfaction et précarité du travail

 

L’environnement du travail [32] est gouverné par un maître mot : le non emploi ou la raréfaction du travail. Et quand bien même on en trouverait, la précarité prend la relève [33]. Cette situation d’absence de travail met le futur salarié dans un état de peur. La frayeur de rester dans la précarité et l’envie d’en sortir rapidement met l’employé en devenir dans une position défavorable lorsqu’il faut nouer une relation individuelle de travail [34] avec un employeur. Il a ainsi : la difficulté d’être recruté, soit pour non qualification, soit pour autres éléments subjectifs [35]. Presque désarmé face à ce dernier, le futur salarié entre dans la relation en étant diminué par l’environnement mais aussi affecté psychologiquement et financièrement.

 

a-2) Les hypothèses de l’état psychologique et de la situation financière du salarié

 

Le futur salarié envisage de se mettre au service d’employeur. Il serait alors nécessaire de regarder sa situation financière et son état psychologique pour apprécier l’idée de peur.         

Pour ce qui est de l’état psychologique du salarié [36], ce dernier va à la formation du lien contractuel de travail en étant amoindri mentalement. Des cas sont multiples : il ne travaille pas, il vient de perdre son précèdent emploi et cherche un autre, son âge qui est un peu avancé joue en sa défaveur, le désir de trouver un emploi à tout prix et à tous les prix etc.. Ces handicaps psychologiques [37] ne jouent pas en sa faveur lorsqu’il faut construire un contrat de travail. Il est parfois amené à accepter des conditions de travail en deça de ce qui est recherché simplement parce qu’il veut sortir de cet état qui est le chômage et même accepter ainsi des traitements financiers inhumains.

Relativement à l’aspect financier dans lequel se trouve le salarié, il faut dire qu’il est celui du besoin ou de la dépendance économique. En effet, le salarié est animé par la peur du fait qu’il est dans une incapacité économique et financière. Mais à ce niveau deux hypothèses existent : le salarié en besoin crucial des biens financiers et celui à la recherche d’un travail excessivement rémunéré.

Dans la première hypothèse, il faut dire que la précarité économique dans laquelle se trouve le futur employé le pousse à être naturellement vulnérable dans le futur lien de travail. L’effet direct source de peur est le plus souvent l’acceptation sans véritable négociation du fond et parfois de la forme du contrat.

Dans la seconde hypothèse, il n’est pas impossible de rencontrer les chercheurs d’emploi qui, loin de juste trouver un emploi décent, cherchent un travail où le traitement salarial et autres obligations soit réunies à leur convenance. Ce qui les pousse à refuser les termes du contrat à la formation comptant parfois sur leur compétence et expérience.  Cette catégorie de salariés aux comportements curieux est souvent soit imbu de leur personne, soit carrément en surplus de capitaux.

Si ces figures correspondent à l’image de la manifestation de la peur à la formation du lien de travail individuel, il y’en a d’autres qui s’observent au niveau de l’exécution de ces relations.

 

b) La peur des salariés manifestée dans l’exécution du contrat de travail

 

 L’administration d’une entreprise passe par la détention des pouvoirs par l’employeur [38]. L’usage qu’il en fait souvent l’amène à aller parfois au-delà des prescriptions légales, statutaires et règlementaires au moment de l’exécution du contrat de travail. Ce risque potentiel à ce niveau engendre des formes de peur [39] se matérialisant non seulement à travers les harcèlements et discriminations multiformes (b-1) mais aussi à travers l’insécurité du travailleur au lieu du travail (b-2).

 

b-1) Les harcèlements et discriminations multiformes

 

Le harcèlement [40] s’entend comme le fait d’importuner, de perturber, de critiquer, de provoquer quelqu’un au point de rendre sa vie invivable ou trouble. La discrimination quant à elle est le fait de s’appuyer sur des critères subjectifs et inégalitaires pour procéder à des choix des personnes. Ils peuvent revêtir plusieurs formes : à la chapelle politique, l’ethnie, la religion, le sexe, la grossesse, la condition handicapée, l’état de santé notamment lorsqu’on serait atteint des maladies graves et du SIDA [41] et bien d’autres [42]. Tout compte fait, on semble le regrouper au sein de l’entreprise en trois grandes catégories : le supérieur agressé par ses subordonnés, les subordonnés agressés par leur employeur et celui qui se pratique entre collègues [43]. Venant d’être adopté par l’Organisation Internationale du Travail le 21 juin 2019, la convention n° 190 sur la violence et le harcèlement n’a pas encore été ratifiée par le Cameroun. Ratifier cette convention serait d’un très grand intérêt pour le monde du travail. 

 

b-1-1) La discrimination religieuse et ethnique

 

La discrimination religieuse au travail est l’hypothèse où une personne se voit refuser le travail, se voit licencier et même être promue pour ces convictions religieuses [44]. D’où les frustrations, le manque d’implication réelle et le sentiment de peur qui s’installent dans le milieu de travail. Ne l’oublions pas, la qualité des services et le rayonnement de l’entreprise dépendront de la capacité de l’employeur à recruter et rechercher des personnes compétentes, qualifiées et non celles qui ont la compétence religieuse. La laïcité doit être prônée et être observée en milieux de travail.

C’est d’ailleurs une idée qui est portée par la source suprême du droit dans la hiérarchie des normes [45] à savoir la Constitution. En effet, le préambule de la Constitution du Cameroun de 1996, révisé sur quelques dispositions en 2008, consacre la laïcité de l’Etat camerounais. Une façon de ne considérer aucune religion comme majeure ou mineure. La réalité du monde du travail étant souvent étonnante, c’est fort de ce principe constitutionnel de laïcité que le comité de rédaction du projet d’amendement du Code du travail de novembre 2019 va introduire l’exigence d’égalité et de non-discrimination religieuse dans ledit texte dans ses articles 5 et 6.

En effet, cette discrimination religieuse crée et instaure la frustration, la peur à l’égard des salariés. Quid de la discrimination ethnique ?

En ce qui concerne la discrimination ethnique, c’est l’ethnie qui est malheureusement priorisée dans le marché du travail [46]. L’ethnicité semble de plus en plus prendre le pas dans le recrutement au sein des entreprises en Afrique. Une telle image froide, décriée par tous, semble plus présente dans le secteur privé. Il n’échappe pas d’être présent aussi dans le secteur public notamment dans la fonction publique où, on semble observer plus des personnes d’une ethnie dans un ministère parce que le ministre de tutelle serait un natif de telle région ou province que d’autres ethnies. Cette image hideuse, source de discrimination [47] intervient comme un élément fondamental de crainte, de risque du travailleur en entreprise privée ou dans le secteur public [48]. Il vient à être renforcé par une soi-disant faute imaginaire devant figurer dans les tabloïdes des infractions pouvant contribuer au licenciement d’une personne aux origines insupportables en entreprise.

Dans la lutte contre la discrimination ethnique à consonance tribale, le législateur pénal camerounais, envisage lourdement de sanctionner ce que l’on peut appeler la haine tribale en modifiant quelques articles du Code pénal. C’est ainsi que la loi n° 2019/020 du 24 décembre 2019, modifie et complète certaines dispositions de la loi n° 2016/007 du 12 juillet 2016, portant Code pénal [49]. C’est justement cette «tumeur sociale» qui va avoir comme conséquence une ethnicisation du travail dans une entreprise ou la promotion, pour un voyage de renforcement de capacité etc.. Le législateur du Code du travail notamment dans le projet d’amendement, mène une lutte contre la discrimination en faisant la promotion de l’égalité ethnique dans le mode de recrutement et autres.

Quid du harcèlement sexuel et de l’état de grossesse ?

 

b-1-2) Le harcèlement sexuel et l’état de grossesse

 

La peur peut prendre des formes outrageantes à travers le harcèlement sexuel et l’état de grossesse. Il serait bon d’examiner au cas par cas.

Relativement au harcèlement sexuel, il faut dire qu’il est légion [50] dans le milieu du travail. Il peut s’entendre comme tout acte «constitué par des propos ou comportement a connotation sexuelle répétée qui, soit porte atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante» [51].

Cet acte odieux perpétré en milieu de travail prend souvent les formes de promesses, avantages, ordres, les menaces de représailles en cas de refus de se soumettre à des contraintes, pressions physiques ou psychologiques, en chantage de tout ordre pour la promotion, en gestes sexuels agaçants, avances et demandes sexuelles explicites et récurrentes physiques ou verbales [52]. Comme le relève un auteur [53] averti sur la question, le harcèlement des femmes spécialement peut occasionner : peur d’aller au travail, peur de révélation à la famille, peur de la rencontre, du regard des autres et de l’exclusion professionnelle. Les femmes qui en sont surtout victimes [54] en souffrent en entreprise parce qu’elles ont refusé des avances du patron, où d’un directeur ou d’un collègue.

Ce refus a souvent pour conséquence le trouble, la situation invivable que vit le ou la salariée ou salarié en entreprise. Il peut arriver jusqu’au licenciement pour motif personnel dudit salarié ayant refusé cette sollicitation. La recherche de la qualification dudit acte est ainsi faite par l’employeur qui ne pourra évoquer comme acte : faute, incompétence.

L’état de grossesse [55] est un autre élément, pas des moindres, qui, justifie le harcèlement ou la discrimination de la part de l’employeur. Mais il faut apprécier cela sous deux angles : du côté de la salariée et de celui de l’employeur.

Du côté de l’employeur, les licenciements prononcés à l’égard des femmes enceintes ont des raisons qui sont entre autre : la baisse de rendement, de régime, sa baisse de productivité en entreprise. Et en plus, cette situation peut mettre en mal l’intérêt de l’entreprise au point où, de plus en plus les employeurs sont enclins à un recrutement massif du personnel masculin parmi les postulants à un emploi. Ce ralentissement de la capacité de l’employée et indirectement de l’entreprise est souvent source de licenciement, d’où la peur du salariée femme qui parfois est contrainte à ne pas tomber enceinte pendant une période. Et si cela venait à arriver, pèserait sur la tête de ladite femme comme une épée de Damoclès qui est une éventuelle rupture du lien contractuel par l’employeur. On a d’ailleurs dit que «la femme hésite à procréer pour deux raisons : elle risque de perdre son emploi ; elle risque de ne pas avoir de revenus pendant son congé de maternité, ni aucune autre indemnité liée à la maternité» [56].

Mais il faut relever que, dans le projet d’amendement du Code de travail camerounais, il est admis et de manière plus claire que par le passé à travers l’article 90, alinéa 2, «l’interdiction pour l’employeur, sous peine de nullité, de rompre le contrat de travail d’une salariée du fait de la grossesse». Si cela venait à être adopté tel quel, cela serait une très grande avancée dans le processus de protection de la femme enceinte au travail au Cameroun.

Relativement à la salariée enceinte, les interruptions de contrat de travail observées sont parfois considérées comme une forme de discrimination du genre sexuel [57] et par là une atteinte à la dignité humaine de la femme enceinte en milieu de travail.  

Ces situations de harcèlement mettent le (la) salarié (e) dans une crainte permanente. Il doit ou non pouvoir conjuguer avec le comportement avilissant de l’employeur. Le salarié se trouve souvent en insécurité. Les conditions pour son épanouissement ne sont pas réunies. La seule chose à faire reste sa démission ou son maintien dans l’avilissement. On ne saurait rester en principe dans une entreprise où on ne s’épanouit pas. Seulement, l’environnement étant celui de la raréfaction de travail, parfois les salariés restent et subissent les déviances de l’employeur pour les besoins de survie. Le harcèlement vient ainsi mettre en mal non seulement sa dignité humaine, mais aussi le principe de l’égalité des hommes et tous devant la loi.

 

b-2) L’insécurité du travailleur au lieu du travail

 

L’exécution des relations individuelles de travail met en première ligne le travailleur. Il exécute ses obligations au quotidien. Seulement, il doit pouvoir le faire dans la sécurité. Lorsque le contraire est malheureusement observé, la peur s’installe et le mauvais rendement peut suivre.

Ainsi, que l’on soit dans une société à risque élevé c’est-à-dire celle dont le niveau de dangerosité au travail est très élevé du fait des activités pratiquées dans cette dernière [58], soit dans celles dont les risques sont moins important [59], la sécurité doit demeurer obligatoirement. Son absence met le salarié dans une grande insécurité et par ricochet provoque la peur.

Cette insécurité du travailleur est présente lorsque les conditions au travail ne rassemblent pas toutes les mesures de sécurité et hygiène nécessaire pour l’accomplissement parfaite de ses tâches. Cette insécurité dans les lieux de travail et dans l’exercice du travail est source de crainte pour le travailleur.

La crainte du travailleur ou le risque professionnel qui est résumé par un auteur [60] prend plusieurs formes : la maladie, la maternité, l’invalidité, la vieillesse, le chômage, le décès, des charges familiales, l’accident de travail et la maladie professionnelle.

Par l’expression «danger dans les lieux de travail», nous entendons, environnement insécuritaire, absence des mesures et insuffisances des conditions de sécurité. Ces manquements sont légion dans certaines entreprises. En principe, la sécurité au travail et dans l’entreprise doit être de rigueur. Elle relève du pouvoir régalien de l’employeur. Tout compte fait, le travailleur peut aussi y contribuer. A ces derniers, il faut relever que la vérification du respect des conditions de sécurité au travail et au sein de l’entreprise reste renforcée par la présence légale des organes institutionnels. Nous retrouvons ainsi l’Inspection du travail [61], la Commission Nationale de santé et de sécurité au travail [62] et même la Caisse Nationale de Prévoyance sociale (CNPS) [63] au Cameroun.

La sécurité au travail et dans l’exercice de son travail est une exigence constitutionnelle. Le préambule de la constitution camerounaise par exemple en fait d’ailleurs échos [64]. Cela entre dans l’ordre naturel des choses de vouloir travailler dans une société où le préalable est présent à savoir la sécurité. Il ne s’agit pas de la sécurité financière qui est la contrepartie du savoir-faire fourni, mais de la sécurité physique tant dans l’entreprise que lorsque l’on exécute sa tâche hors de l’entreprise mais toujours pour son compte. Toute absence de matériel de protection [65] ne peut que créer une panique chez la personne du travailleur. Seront ainsi en jeu sa vie et son intégrité physique. Les situations de crises demandent toujours des sacrifices. Ces derniers se répandent partout et malheureusement souvent sur la qualité des mesures de sécurité. Ce qui a pour conséquence, la baisse des allocations financières pour tout le matériel de sécurité qui coûterait chère, la diminution de la qualité de sécurité dans certaines zones de travail. Cette situation peut introduire une angoisse chez le travailleur qui pourrait être amené à prendre des mesures attachées à sa personne humaine.

Certaines décisions de justices tant des tribunaux [66] que des cours d’appel [67] camerounaise font allusion au droit de retrait dans certains cas sans que l’usage de l’expression droit de retrait en soit fait mention. En droit comparé français [68], ce droit est reconnu à l’employé. Aujourd’hui, il serait bon que le législateur camerounais ratifie non seulement la convention n° 155 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur la sécurité et la santé des travailleurs de 1981 ainsi que son protocole de 2002, mais aussi la convention n° 187 sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail de 2006. En introduisant le droit de retrait dans son dispositif législatif portant sur le droit du travail, le salarié sera considéré comme un être complet et par conséquent voir ses droits humains respectés aussi bien dans la formation, l’exécution et la cessation du contrat de travail. Ce droit lui permet de se retirer lorsque le travail ou ses conditions sont susceptibles de lui causer un préjudice imminent et grave. Ce pouvoir d’appréciation remet sur la table la question de la dignité et des droits fondamentaux du salarié. Car, disons-le, la subordination voulue par la relation de travail ne remet aucunement en question les droits humains du salarié [69].

Tout compte fait, la sécurité au travail est une obligation de l’employeur. Et comme le relève un auteur [70] «la sécurité des travailleurs n’a pas de prix. Facteur vital et de productivité, elle doit être envisagée avec le plus grand sérieux». De même, on a relevé que, la sécurité et la santé du travailleur constituent à la fois un droit pour ce dernier et une obligation pour l’employeur [71].

L’identification des formes de peur faite lorsque l’entreprise est normale, il faut maintenant s’arrêter sur celle ou l’entreprise sera en difficulté.

 

2 - En présence d’une entreprise en situation de crise

 

L’entreprise peut être victime des aléas de la vie d’un humain à savoir être confronté à des difficultés. Cette situation de crise peut être passagère ou profonde. Tout compte fait, durant cette période exceptionnelle, le salarié peut être impliqué [72] et subir directement des coups soit sur son salaire, soit sur son emploi.

Relativement aux effets de la crise de l’entreprise sur le salaire de l’employé, il faut dire qu’avant de procéder à un licenciement individuel ou collectif pour motif économique suite aux situations juridiques ou de crise que rencontre la société, l’employeur doit prendre des mesures visant à la conservation du capital humain et à la protection de leur emploi. On pense au salaire et ses accessoires. L’employeur pourra ainsi procéder au réaménagement du salaire, des primes, avantages de toutes nature, indemnités [73] etc..

En ce qui concerne le travail, l’employeur pourra mettre les salariés en chômage technique, travail à temps partiel etc.. Ceci est possible lorsque la situation économique de l’entreprise le permet. Mais une fois que la situation l’exige et que les alternatifs n’ont pas pu produire l’effet recherché à savoir éviter le congédiement, l’employeur procède au licenciement pour motif économique. L’employeur devra donc procéder aux choix des salariés à licencier dans ce type de licenciement. Tout de même, il devra respecter scrupuleusement la procédure qui est d’ordre public. Son non-respect provoquera un versement des dommages et intérêts audit salarié et ce licenciement sera qualifié d’irrégulier [74].

On se rend compte que la peur du travailleur est manifeste. Elle est omniprésente aussi bien à la formation qu’à la mise en œuvre dudit contrat. Ces situations de peur sont présentes lorsque la société aussi bien individuelle que collective est saine. Il faut maintenant s’arrêter sur le cas de l’employeur.

 

B -  Les figures de la peur des employeurs : une situation circonstancielle

 

L’employeur est celui qui, dans le contrat de travail, détient le pouvoir disciplinaire, règlementaire et de direction. Il intervient alors comme la partie forte de ce contrat. Cependant, la détention de ces super pouvoirs n’exclut en rien le fait qu’il puisse être inquiet. Cette inquiétude est circonstancielle parce qu’elle est fonction des évènements. Il serait intéressant de regarder de près le cas des peurs légitimes (1) et illégitimes (2) qui caractérisent mieux cette émotion lorsqu’elle est ressentie par le chef d’entreprise.

 

1 - La peur illégitime des employeurs

 

La peur illégitime est celle qui est injustifiée. Elle n’a pas raison d’être chez l’employeur. Deux situations semblent être présentent : les affiliations des salariés auprès des organismes de Sécurité sociale (a) et cotisations patronales (a).

 

a) L’affiliation des salariés à un organisme de sécurité sociale

 

L’affiliation consiste à déclarer l’identité des salariés, période d’emploi et sa paie mensuelle auprès des agences de l’organisme en question [75]. Au terme de cette affiliation, ledit salarié sera immatriculé et aura un numéro d’identification [76]. L’affiliation à un organisme de Cécurité sociale ou la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale au Cameroun par exemple relève en principe de la compétence de l’employeur et exceptionnellement de l’entrepreneur personnellement. Le second cas correspond à la situation où, une personne travaille pour son propre compte et décide de s’affilier à cet organisme. On parlera d’assurance volontaire [77].

Dans le premier cas, l’employeur a l’obligation d’affilier ses employés dans cet organisme. Si ceci est prévu par la loi, il faut relever qu’affilier des salariés n’est pas la chose la mieux partagée dans l’environnement du travail. Plusieurs ne sont pas affiliés dans les organismes de Sécurité sociale. Ils y travaillent, font des années sans être affiliés. Les réclamations allant dans ce sens sont souvent à l’origine soit des licenciements abusifs et irréguliers opérés par l’employeur, soit des mouvements d’humeurs collectifs comme la grève après des étapes procédurales respectées enclenchés par les salariés. Si une telle situation est rare dans les grandes ou moyennes entreprises privées ou publiques, dans les petites entreprises c’est parfois difficile de voir un employé affilié [78]. La grève ici sera juste pour que l’employeur bouge les lignes pour assurer la protection du salarié en cas de retraite. La force de persuasion de la grève et de la négociation qui en sortira pourra amener le chef d’entreprise à céder à cette revendication. Mais, la peur demeurera du côté de l’employeur car cette affiliation enclenchera un certain contrôle de son traitement salarial dans son entreprise.

 

b) Les cotisations patronales pour l’intérêt des salariés

 

La protection sociale impose un financement. Ce dernier n’est possible qu’à travers les cotisations de la Sécurité sociale. Conséquences de l’affiliation aux organismes de Sécurité sociales, la cotisation de Sécurité sociale s’entend comme des versements des assurés sociaux et de leurs employeurs assis sur le revenu professionnel et destinés au financement de la Sécurité sociale [79].  En effet, une fois affilié, le salarié doit pouvoir se faire cotiser. Cette cotisation doit obligatoirement être exécutée par l’employeur et se compose en part patronale et en part salariale.

Les cotisations patronales sont donc celles qui sont versées par l’employeur à l’effet de financer la Sécurité sociale du salarié. Cette cotisation est faite le jour de la déclaration de salaire par l’employeur [80]. A ce niveau, il y a problème dès l’instant que le constat de l’absence de cotisation est fait. Le personnel de l’entreprise sera inquiet par cette situation. A défaut de dénoncer auprès des organismes agrées, ce personnel salarié pourra faire des revendications qui pourront muter en grève. Cette dernière est faite dans le but d’amener l’employeur à cotiser ou de continuer la cotisation sociale devant les organismes de Sécurité sociales.

Quid des peurs légitimes ?

 

2 - La peur légitime des employeurs

 

La peur légitime est celle qui nait avec un vrai fondement au point de mettre en difficulté l’employeur. Cette peur avec le temps s’impose d’ailleurs à ces employeurs. On pense ainsi à la concurrence (a) et au redressement fiscal (b).

 

a) La concurrence

 

La concurrence est une compétition s’exerçant pour l’obtention d’un avantage. Elle est consubstantielle à toute activité économique. Elle peut être avantageuse [81] et/ou désavantageuse [82] pour les acteurs en présence. Tout compte fait, appliquée au monde du travail, la question centrale reste celle de savoir comment la concurrence participe à la création d’un sentiment de crainte ou de peur à l’égard de l’employeur ?

En droit du travail, la concurrence existe et le monde du travail n’en est pas épargné [83]. En effet, les deux notions droit du travail et la concurrence entretiennent une relation ambigüe oscillant entre le recul et la rationalisation [84]. La concurrence met ainsi en opposition deux personnes dont l’activité est semblable ou qui exerce dans un même domaine d’activité. Elle peut, alors en droit du travail et par rapport à l’employeur, se retrouver dans les deux dimensions interne et externe.

Au niveau interne, la concurrence revêt deux grands aspects : celle pratiquée entre employeurs et celle opposant l’employeur à l’employé. En ce qui concerne le premier pan à savoir la concurrence opposant l’employeur au salarié, il faut souligner qu’elle est présente. Que l’on soit au moment de l’existence du contrat de travail ou après sa rupture, la concurrence peut exister. Cependant, cette liberté de concurrence est restreinte au bénéfice de l’obligation de loyauté. Ainsi, en convoquant l’article 31 du Code de travail camerounais, les clauses de non concurrence sont valables et signées d’accord parties entre les parties au contrat de travail. Elles peuvent être insérées dans le contrat de travail. Son insertion entraîne le plus souvent l’incapacité pour le travailleur de faire concurrence à l’employeur que ce soit courant l’existence du contrat de travail le liant à son patron [85] ; ou durant et après la fin dudit contrat [86]. Au-delà des cas mentionnés par la loi [87], la concurrence entre les deux protagonistes est possible. Elle devient même rude. Ce qui peut constituer une mesure suffisante qui peut entamer l’état psychologique de l’employeur. La crainte s’installe, la peur de perdre les clients suite à une technique d’achalandage et de récupération de ces derniers par l’ancien salarié travaillant chez le concurrent. Maitrisant la technique utilisable et utilisée chez son ancien patron, le salarié va, à défaut d’améliorer cette dernière, pratiquer la même avec pour finalité récupérer au maximum les clients de son précédent patron.

Pour ce qui est du second pan à savoir la concurrence opposant deux employeurs sans aucun lien ancien, on semble revenir ici à une concurrence classique. Celle opposant deux entreprises faisant dans le même domaine. Dans ce cas de figure, seront appliquées les lois sur la concurrence [88].

Parce que la concurrence est très présente dans le monde du travail, le législateur est intervenu pour réduire considérablement les injustices constatées dans sa pratique. Ainsi, que l’on soit au niveau national ou international, des clauses peuvent être introduites dans des conventions.

Au niveau national par exemple, nous avons les interdictions légales et même conventionnelles. Les premières interviennent comme des obligations [89] qui empêchent par exemple une concurrence entre un salarié et un employeur pendant l’existence de la relation de travail. Sa violation entraîne des sanctions pouvant soit laisser subsister la relation de travail [90], soit entraîner la disparition [91] de ce lien contractuel. Les secondes par contre permettent l’introduction des clauses de non-concurrence [92] qui prennent effet à la fin de la relation de travail bien qu’elles puissent parfois être assorties des sanctions [93] en cas de non-respect des conditions de validité. De plus, la présence des conventions collectives [94] vise à encadrer la concurrence toujours au niveau national. Leur place est essentielle quant à la recherche de la justesse et la justice dans la concurrence pouvant opposer les employeurs qui exercent dans le même domaine d’activité.     

Au niveau international, la concurrence qui oppose deux employeurs, peut se résoudre à travers notamment l’introduction des clauses sociales. Cette pratique qui est propre au commerce international est mise en place pour endiguer certains maux tels que le dumping social [95] et la pratique du moins disant social [96]. Tout compte fait, les clauses sociales cherchent soit à promouvoir la saine concurrence entre Etats engagés sur la scène du marché international à travers l’élimination des pratiques abusives de dévaluation des normes de travail, soit à éliminer de la concurrence déloyale certains Etats avec une violation systématique des droits des travailleurs [97].

Ainsi, la peur est constante en droit du travail. L’employeur qui passe pour le maillon fort n’en n’est pas à l’abri. Sa crainte qui se veut circonstancielle est manifeste lorsque la concurrence est installée. Elle peut entraîner soit une perte de la clientèle passée, présente ou futur, soit celle des fournisseurs et même du rayonnement économique.

        

b) La peur d’un redressement de la CNPS

 

Le redressement des cotisations sociales est la rectification, par l’organisme de Sécurité sociale, des cotisations effectuées par les contribuables, en cas de mauvaise foi ou l’incurie de ces derniers. Cette opération est effectuée par les agents contrôleurs assermentés de la CNPS notamment dans leurs contrôles déclarés ou inopinés. Le contrôle se fait sur pièces et sur place. C’est justement le constat d’un écart entre les déclarations faites par un employeur et les informations recueillies suite à un contrôle sur place qui peut pousser ces contrôleurs à procéder à un redressement.

En l’opérant sur une entreprise, les agents contrôleurs de la CNPS réévaluent les cotisations de l’employeur ou le chef d’entreprise. Ils prennent en compte tous les éléments de calcul prescrits par la règlementation. L’objectif est de déterminer le montant réel dû par l’employeur.

On a ainsi à faire à un contribuable soit qui ne cotise pas et donc ne paye rien, soit cotise juste pour une partie de ses employés et paye moins mais déclare cotiser pour tous ses employés. Bref, il y a une tentative de tromper l’organisme de Sécurité sociale dans son pouvoir de contrôle et de vérification. Alors l’administration de Sécurité sociale prendra les mesures pour que la légalité soit respectée et le préjudice causé soit réparé.

Face à ce qui peut s’apparenter à un conflit ouvert avec la caisse nationale de prévoyance sociale, l’employeur ne peut que se sentir angoissé. Car, aucun employeur ne peut garder son calme lorsque l’annonce d’un redressement et donc d’un recouvrement [98] par un organisme de Sécurité sociale est annoncé. C’est l’inquiétude voire la panique qui s’installe pour deux raisons majeures : premièrement, le montant des cotisations sociales à verser à la CNPS qui est le plus souvent important selon que l’on soit en présence de la fraude ou de la simple mauvaise foi du contribuable. Secondement, les sanctions qui peuvent en découler. En cas de contestation de ces mesures, l’employeur peut saisir les instances compétentes. Il fera d’abord un recours gracieux préalable devant le conseil d’administration de la CNPS. En cas d’insatisfaction, il saisira le tribunal administratif  [99].

En somme, la peur est omniprésente dans les relations individuelles de travail. Ni le salarié, ni l’employeur ne sont épargnés. Des figures insoupçonnables de peurs sont mises au grand jour. Quid dans les relations collectives de travail ?

 

II - Les figures de la peur des protagonistes dans les relations collectives de travail

 

Les relations collectives de travail [100] sont des liens qui se nouent entre soit les employeurs, soit les salariés dans le cadre d’un groupement capable de défendre leurs intérêts. La peur est aussi présente dans ces types de relations. Ses manifestations sont de plusieurs ordres. On peut assister non seulement aux situations où c’est l’employeur ou le chef d’entreprise qui créé la peur (A) mais aussi à celles où c’est plutôt les salariés ou leurs représentants qui en sont les initiateurs (B).

 

A - La peur créée par l’employeur ou le chef d’entreprise : le lock out

 

La peur peut être provoquée par l’employeur. L’instrument utilisé est le lock out [101] qui est encore appelé  la grève patronale. Il n’est pas un principe constitutionnel mais est prévu par la loi travail [102]. Il serait intéressant de regarder le contenu (1) et les conséquences de cette mesure sur les salariés (2).

 

1 - Le contenu du lock out

 

Interruption de l’activité de l’entreprise ou d’une fraction de celle-ci sur décision de la direction, au cours d’un conflit du travail, soit pour prévenir une grève, soit pour y riposter [103], le lock out est un instrument d’autorité et de pouvoir entre les mains de l’employeur. Il a deux versants : l’un est préventif et l’autre défensif.

Avant la grève, l’utilisation du lock out par l’employeur relèverait d’une action préventive. L’anticipation de la grève qui en est faite reste la conséquence de la détention par le directoire de l’entreprise des informations certifiant de l’éventualité d’une grève. Si cette option est possible, il faut relever que, la jurisprudence comparée française [104] en l’occurrence et une partie de la doctrine française et allemande considèrent ce lock out préventif comme un acte illicite, irrégulier [105].

Le législateur camerounais valide cette option anticipative à travers l’article 157, alinéa 5, du Code du travail du 14 aout 1992. Cependant, ni lui, ni la jurisprudence ne se prononcent sur la reconnaissance d’un lock out anticipatif illicite et d’un autre licite. La nécessité s’impose pour ces deux acteurs de prendre position et nécessairement s’orienter vers l’admission d’un lock out préventif licite pour éviter les abus des employeurs.

Au cours de la grève et après cette dernière, le lock out a une double appréciation. Il est considéré soit comme irrégulier et donc illicite, soit comme licite. Dans le premier pan, cela est possible lorsque cette décision de fermeture n’intervient que comme une riposte tout simplement à la grève [106], sans que la vie de l’entreprise ne soit en danger [107]. Ce lock out vient, par effet indirect, impacter négativement sur la situation des non-grévistes au même niveau que ceux qui sont en grève [108]. Cette dimension prohibitive et jurisprudentiellement consacrée du lock out postérieure à la grève n’a pas empêché la même jurisprudence accompagnée en cela par la doctrine à admettre un lock out défensif licite.

Le lock out défensif licite ou régulier constitue le second pan. Il en est ainsi parce qu’il devient un outil entre les mains de l’employeur pour éviter que la grève devenue illicite, irrégulière, dangereuse de par sa finalité négative n’entraîne d’importants dégâts pour l’outil ou l’appareil économique qui est l’entreprise. La lutte contre la destruction de biens meubles ou immeubles, bref la désorganisation définitive de l’entreprise légitime le lock out qui acquiert donc ici une mission d’intérêt général à savoir protéger non seulement l’intérêt de l’employeur mais aussi des salariés, des créanciers, l’Etat etc.. Car l’entreprise n’est plus uniquement la chose de l’employeur, elle est devenue un bien national qui nécessite que les mesures de sauvegarde soient prises [109].

Le législateur camerounais s’est prononcé en faveur d’un lock out défensif. Il est ainsi reconnu à l’employeur le pouvoir de «faire pression sur les travailleurs en grève» [110]. Seulement, ni le législateur, ni la jurisprudence ne prennent position pour la reconnaissance du lock out défensif licite et illicite. Il serait judicieux pour le législateur soit de revoir la loi en faisant des précisions à ce niveau, soit à la jurisprudence de se prononcer. Mais nous pensons qu’il serait impératif de faire cette distinction et de faire la promotion du lock out licite ou régulier.

Ainsi, l’employeur en bon droit fermera partiellement un service ou totalement l’entreprise pour protéger l’outil de production face aux revendications excessives et abusives des grévistes. Dans ce sens, un auteur rappelait que «l’équilibre des rapports de force ainsi créé dans l’entreprise justifie l’admission du lock-out, seul moyen dont dispose l’entrepreneur pour résister à des revendications excessives, autant dans leurs finalités que surtout dans leurs modalités» [111]. Et là, il devient une arme de riposte contre la grève désorganisatrice de l’entreprise. On a parlé de légitimation du lock out [112] pour endiguer le phénomène de désorganisation de l’entreprise par la grève abusive. La seule condition exigée est qu’il devrait être pris pour éviter la désorganisation de l’entreprise et être proportionnel à la gravité de la situation [113].

 

2 - Les conséquences du lock out licite à l’égard des salariés

 

Obstacle à l’efficacité du droit de grève [114], l’utilisation du lock out licite ou non par l’employeur est un drame pour les salariés. Il en va ainsi aussi bien pour les employés grévistes que pour ceux non-grévistes. Quels sont alors les effets du lock out à leur égard?

Une fois le lock out déclenché, une suspension aussi bien du contrat de travail que du salaire est constatée. En ce qui concerne le contrat de travail, il reste présent mais est suspendu durant toute la période du lock out licite ou illicite prononcé par l’employeur [115]. Rien ne sera ainsi exigé aux salariés en terme de tâche dans l’entreprise à faire et corrélativement rien au chef d’entreprise par les salariés.

Relativement au salaire, il faut dire qu’il sera suspendu durant la période du lock out licite ou illicite. En principe, cette mesure concernera aussi bien les grévistes que les non-grévistes. Exceptionnellement, l’employeur pourra octroyer une certaine indemnité aux salariés non-grévistes pour des raisons d’équité [116].

                       

B - La peur créée par les salariés ou leurs représentants : la grève

 

La peur peut être provoquée par les salariés ou leurs représentants. Cette dernière prend la forme de grève notamment dans les relations collectives. Cette manifestation des conflits collectifs à l’initiative des salariés met automatiquement l’employeur dans l’angoisse. Il serait opportun de revenir sur le contenu de l’exercice de la grève (1) avant de s’arrêter sur ses impacts (2).

 

1 - Le contenu de l’exercice de la grève

 

A travers l’article 157, alinéa 4, du Code de travail camerounais du 14 Aout 1992, la grève est la cessation concertée du travail par les salariés en vue de contraindre l’employeur à accéder à leur revendication sur la question faisant l’objet du litige.

La grève [117] fait ainsi partie des conflits collectifs. Elle est un procédé de lutte. On a pu dire à ce sujet que, «la grève n’est pas en soi un conflit collectif, mais elle le suppose : c’est un procédé de lutte» [118]. Elle est devenue avec l’usage du temps et de son histoire [119] un droit. Droit constitutionnel parce que figurant dans le préambule de la constitution camerounaise de 1996 et son amendement de 2008 par exemple, la grève est devenue un droit fondamental pour le travailleur [120].

L’exercice de ce droit constitutionnel, qu’est la grève, commande de remplir certaines conditions fondamentales. Elle doit être collective, concertée, rechercher un intérêt collectif et non individuel [121], porter sur des revendications professionnelles. Dans son lien avec la loi, la grève doit être licite ou régulière loin de l’illicéité qui peut parfois la caractériser. Sera licite la grève qui sera conforme au droit en termes de respect des étapes et procédures fixées par le législateur. Alors que la grève est illicite lorsqu’il y a non seulement manifestement abus dans son usage [122] mais aussi volonté manifeste de créer une désorganisation de l’entreprise par ses instigateurs [123].

La procédure pour l’exercice de cette lutte est celle de donner un préavis de grève au préalable à l’employeur. L’information devient, de ce fait, la pierre angulaire de ce «droit de nuire» [124] mis à la disposition des salariés. C’est souvent le silence ou tout simplement l’absence de réponse des employeurs dans les délais butoir suite à une demande qui intervient comme un déclenchement de cette grève. Il n’y a qu’à se remémorer les grèves incessantes aussi bien des transporteurs [125] que des enseignants et bien d’autres personnes dans des corps de métiers [126] différents ces dernières années au Cameroun. Cette image propre au secteur privé, n’est en rien très différent de celui du secteur public. En effet, que l’on assiste à la grève des personnels enseignants contractuels, primaires, comme maternels et universitaires, que des fonctionnaires d’un département ministériels donnés, la grève suit une procédure idoine [127].

L’idée est souvent portée par un syndicat agissant comme représentant externe ou par le (a) délégué (e) du personnel agissant comme représentant interne de la masse des salariés du corps ou de la corporation agissante. Ces représentants parlent et agissent au nom de ces derniers, la plupart du temps ils adresseront à qui de droit un préavis de grève.  La grève n’est que la suite effective du non aboutissement d’une tentative de négociation [128].

Tout compte fait, l’usage du droit de grève par les salariés met l’employeur dans une situation de crainte. Il ne sait comment elle s’achèvera, quand est-ce qu’elle s’interrompra. Une fois donc déclenchée, la grève produit des effets.

 

2 - Les impacts de la grève

 

L’exercice de la grève a des conséquences importantes. Cet exercice peut être bénéfique pour certains et négatifs pour d’autres. Les acteurs de premier choix au rang desquels se trouvent les salariés (a) et les employeurs (b) sont affectés lourdement mais différemment par la grève en entreprise. Il est donc urgent d’analyser ces effets au cas par cas.

 

a) Les effets de l’exercice de la grève à l’égard des salariés

 

Les salariés sont des maillons essentiels de l’entreprise. Ils jouent un très grand rôle dans le processus de production de l’entreprise, son rayonnement et sa croissance économique. Le mécontentement dont ils peuvent faire part à travers la grève doit attirer l’attention du chef d’entreprise. L’usage de cet instrument peut produire deux effets à leur égard.

Le premier est un effet positif à l’égard des salariés. En effet, étant la seule véritable arme susceptible de faire changer l’employeur, la grève peut être utilisé pour non seulement la protection financière des salariés à travers le paiement et l’augmentations des salaires, prime, complément de salaires, affiliation auprès d’un organisme de Sécurité sociale, cotisation patronale. Ils peuvent aussi faire la grève pour une amélioration des conditions de santé et de sécurité au travail et promouvoir une véritable justice sociale.

Le second par contre est un effet négatif qu’a la grève à l’égard des salariés grévistes. Cette manifestation publique entraine une suspension du contrat de travail et par voie de conséquence celle du paiement du salaire durant cette période.  Elle constitue une cause de suspension du contrat, si elle survient après l'échec de la procédure de conciliation et d'arbitrage prévue et organisée par les articles 158 à 165 Code du travail camerounais du 14 Août 1992. Mais les travailleurs qui se livrent à une grève en violation d'un procès-verbal de conciliation ou d'arbitrage ou sans avoir eu recours à cette procédure commettent une faute lourde susceptible d'entraîner la résiliation de leur contrat de travail [129].

Les salariés non-grévistes voient leur contrat resté en vigueur sans aucune suspension et leurs salaires être payés sans prise en compte du mouvement de grève. Le travailleur non gréviste a l'obligation d'exécuter sa prestation de travail et garde le droit de percevoir son salaire. Selon la jurisprudence comparée française, l'employeur doit verser le salaire aux travailleurs non-grévistes même s'ils restent inactifs à cause d'une occupation effective de l'entreprise ou de piquets de grèves [130]. L'employeur doit tout faire pour assurer le travail des non-grévistes. La jurisprudence française, fait référence à la notion de «force majeure» [131] mais aussi à la notion de «situation contraignante» [132] «ayant mis le travailleur dans l'impossibilité quasi absolue de leur fournir du travail». Ces mêmes cas circonstanciels pourront amener l’employeur à surseoir au paiement des salariés non-grévistes [133].

 

b) Les effets de l’exercice de la grève à l’égard des entreprises et autres tiers

 

L’exercice de la grève par les salariés est par nature difficile pour l’employeur et les tiers. C’est le degré important de difficultés qui peut faire appel à la notion de nuisance ou pas du droit de grève.

En effet, à l’égard des entreprises en général, il faut relever que la grève peut entraîner des difficultés à l’entreprise. Il faut apprécier ses conséquences à l’aune du degré des soucis et surtout du caractère licite ou pas de la grève. 

La grève peut être licite. Elle perturbe la bonne marche de l’entreprise mais se déroule dans les règles de l’art. Son aspect licite et donc régulier se caractérise par une réclamation concertée et collective à des fins professionnelles et dans un intérêt de nature collective. Cela passe par des manifestations : sollicitation d’une augmentation de salaire, amélioration des conditions de santé et de sécurité au travail etc. Ces mouvements d’humeurs doivent être faits en respectant une procédure précise notamment la présence d’un préavis de grève.

La grève peut aussi être illicite. Cet effet extrême à savoir la désorganisation de l’entreprise et sa fermeture future est possible. Il faut dire que la grève est instigatrice d’une grande nocivité à ce niveau. Les manifestations sont nombreuses : destructions des biens de l’entreprise, voies de fait et séquestration des dirigeants de l’entreprise, voies de faits sur les salariés non-gréviste etc.. Nous sommes dans l’exercice abusif du droit de grève. Elle peut avoir pour conséquence directe la fermeture d’un service. L’entreprise peut fermer lorsque, la grève d’un secteur ou certaines catégories créée une situation contraignante rendant impossible les poursuites d’une activité normale [134]. Elle pourrait provenir soit d’une occupation illicite des locaux par les grévistes, soit d’une succession d’arrêt aboutissant à la paralysie d’une chaîne fonctionnant en continue.  Elle commencera par des perturbations : que les agents ou salariés s’abstiennent de travailler pendant un espace-temps, la situation économique de l’entreprise prendra un coup.

A l’égard des tiers, il faut dire que c’est le chef d’entreprise qui subira par ricochet les secousses de cette grève dans sa relation avec ses partenaires commerciaux. Les fournisseurs quant à eux verront leur contrat se suspendre ou se rompre, conséquence de la déstabilisation structurelle et fonctionnelle installée par la grève. Le départ des fournisseurs, le retrait des actionnaires ou associés pourra entraîner une réduction considérable du pouvoir économique de l’entreprise. Cette situation peut encore s’aggraver au point d’entraîner ladite structure vers sa fin, sa disparition.

 

Conclusion

                 

En somme, de la question de l’identification de figures de la peur des protagonistes dans les relations de travail, on est parvenu à un résultat qui est structuré en deux considérations.

Premièrement, la peur est présente dans les relations individuelles de travail. Elle touche aussi bien l’employeur que le travailleur. Entre les harcèlements et discriminations multiformes, la peur des redressements, la raréfaction et précarité du travail, la concurrence, les cotisations et affiliations sociales etc., la peur semble avoir trouvé un terrain fertile dans le droit du travail.

Secondement, la peur s’épanouit dans les relations collectives de travail. Elle vit à travers le lock out et la grève et une fois de plus les salariés et les employeurs ne sont pas épargnés.

Il ne reste qu’au juge et au législateur de prendre, chacun en ce qui le concerne, ses responsabilités face à cette émotion qui loin de séduire détruit plutôt l’environnement de travail.  

 

[1] Cette compréhension ne s’écarte aucunement des conceptions qui définissent le droit selon que nous soyons sur le champ objectif (où l’objet est priorisé) et l’axe subjectif (où le sujet est pris en considération). Voir et lire à ce sujet : J. M. Tchakoua, Introduction générale au droit camerounais, PUCAC, Collection «Apprendre», Yaoundé-Cameroun, 2008 ; F. Terre, Introduction générale au droit, Précis Dalloz, 7ème édition, Paris, 2006 ; B. Starck, H. Roland et L. Boyer, Introduction au droit, éd. Litec, 2000, p. 1, J.-L. Bergel, Théorie générale du droit, Méthodes du droit, Dalloz, 2ème éd. 1989, p. 2 et 3.

[2] Pour une lecture contraire qui soutien que le droit lui-même peut créer un certain état de fait. Des règles juridiques qui instituent une société violente, de destruction de confiance etc. lire à propos M. Fabre-Magnan, Introduction générale au droit, Cours et méthodologie, éd. PUF, 2010, p. 30.

[3] Pour une étude critique de cette prise en considération absolue, lire, Ch. Atias et D. Linotte, Le mythe de l’adaptation du droit au fait, D., 1977, chron., p. 251 et s.

[4] P. Roubier, Droits subjectifs et situations juridiques, éd., Dalloz, 2005, 451 p.

[5] J.-L. Bergel, Théorie générale du droit Méthodes du droit, op. cit., p. 194.

[6] D’après le classement fait par Justunien dans ses Mémoires.

[7] Lire Delphine Van Hoorebeke, La gestion des émotions au travail : droit fondamental du salarié ?, W.P. n° 683 Avril 2004, 20 p.

[8] D. Marchand et Y. Delamotte, Le droit du travail en pratique, éditions d’Organisation, 17ème éd., 2004, p. 15.

[9] A. Supiot, Pourquoi un droit du travail ?, Dr. Soc. 1990, 486 cité par J. M. Tchakoua, Dignité et droits fondamentaux des salariés, Réflexion à partir des droits camerounais et français, Thèse de doctorat d’Etat, FSJP, Université de Yaoundé II Cameroun, 1996, p. 1.

[10] V. B. Teyssie, Remarques sur le droit du travail, Mélanges offerts à André Colomer, Paris 1993, Litec, p. 495, cité par J.-M. Tchakoua (J-M.), op. cit, p. 1.

[11] Plusieurs acteurs interviennent dans le droit du travail pour lui donner sens. A côté des acteurs majeurs comme le salarié et l’employeur, nous avons ceux secondaires et non mineurs que l’on peut nommer les tiers à savoir : les personnels administratifs (inspecteurs de travail, le ministre du travail et de la sécurité sociale), le délégué du personnel, le syndicat, les acteurs institutionnels comme la commission consultative qui est compétente pour régler les litiges et présidé par le ministre.

[12] Cette analyse portera essentiellement sur le droit du travail camerounais en référence bien évidemment au Code du travail de 1992 applicable au Cameroun. L’usage du droit comparé sera utilisé comme grille de complémentarité, d’appréciation de l’avancé ou de la reculade de notre droit dans ce cadre bien précis.

[13] Le rapport individuel renvoi au contrat de travail qui lit l’employeur à l’employé.

[14] Le rapport collectif par contre renvoi aux liens qui se nouent entre soit les employeurs, soit les salariés dans le cadre d’un groupement capable de défendre leur intérêt.

[15] P. Mannoni, La peur, coll. Que sais-je ?, Paris, Presses universitaires de France, 1982, 3ème éd., corrigée novembre 1995, 129 p.

[16] Le Grand Robert de la langue française, CD rom et version électronique ; voir Peur.

[17] Cf. Wikipédia, voir Peur.

[18] A la vérité, ce sont les états de la peur. Nous avons : l’esprit de crainte, terreur, panique, angoisse, anxiété etc..

[19] Le Vocabulaire juridique Capitant, précise que «le sentiment est une disposition psychologique relevant de l'affectivité ; un mouvement du cœur (amour, jalousie, ensemble des ressentiments et dissentiments)».

[20] G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ, Paris, 1949, pp. 6 et 7.

[21] J. Carbonnier, La part du droit dans l’angoisse contemporaine, in Flexible droit, pour une sociologie du droit sans rigueur ; LGDJ, 10ème éd., p. 201 et s. L’auteur du célèbre ouvrage rappelle que le droit a une part de responsabilité dans les frayeurs qui peuvent être présentes dans la société. Il fait référence aux peurs et notamment à l’insécurité. Des peurs sous expertise dans laquelle on retrouve l’insécurité médicale, sanitaire et écologique ; on a les peurs sous statiques et une peur qui touchent à l’existentielle.

[22] Ph. Auvergnon, La peur des travailleurs et le droit du travail, Droit et Société, 46-2000 p. 575 et s.

[23] E. Maurin, La peur du déclassement. Une sociologie des récessions, éd. Du Seuil et La République des Idées, octobre 2009, 94 p.

[24] Lire avec intérêt J. Methivier, L'impact de la peur sur les représentations sociales, Thèse de doctorat Ph.D en psychologie, 2012, 145 p.

[25] Dans ces relations individuelles, peuvent aussi exister des conflits. Il faut entendre ainsi par conflit individuel, celui né d’une réclamation individuelle ayant pour objet les intérêts privés d’une ou plusieurs personnes nommément désignées.

[26] Et où se distribuent certaines obligations et droits.

[27] Le salarié est celui qui met son activité sous la supervision d’un employeur. Ce dernier détient, à l’égard du salarié, d’un pouvoir de direction, disciplinaire et règlementaire.

[28] Dans le cadre de cette étude, société et entreprise ont une même signification.

[29] H. Roland, L. Boyer, Locutions latines du droit français, 3ème éd. Litec 1993, p. 158. Les auteurs relèvent que «c’est le cas où la société est le plus souvent en état de solvabilité. En d’autres termes, elle correspond à la situation d’une personne dont l’actif est supérieur au passif ou qui se trouve en mesure de faire face à ses paiements et qui, pour ce motif, reste ‘dans ses biens’, c’est-à-dire à l’abri des mesures conservatoires et autres».

[30] L’actif reste supérieur au passif. Tous les signes de viabilité et de vitalité de l’entreprise sont encore réunis.

[31]Nous faisons allusion ainsi aux conditions de fond et de forme du contrat. Le consentement est au premier plan : il doit être libre, lavé de tout soupçon de dol, d’erreur, de violence bref de vice de consentement. De plus, la capacité a une place considérable dans ce type de contrat.

[32] Cette notion doit être comprise à deux niveaux : le premier renvoi à l’aspect extérieur de l’entreprise. On se retrouve dans l’environnement général du travail dans le pays concerné : plein emploi ou chômage. Le second aspect renvoi à l’espace interne à l’entreprise. Ici, c’est le traitement qui est fait par l’entreprise à l’égard de ses employés : type de contrat, salaire, sécurité sociale. En tout cas on est soit en précarité soit dans la décence.

[33] P.-G. Pougoué, Situation de travail et protection des travailleurs, cf. www.ilo.org, p. 1.

[34] Ce qui justifier la signature des contrats de travail précaire comme : travail occasionnel, temporaire, saisonnier, contrat de travail à durée déterminée.

[35] Référence en est fait aux situations ethniques, religieuse, genre. Voir infra.

[36] P. Adam, La prise en compte des risques psychosociaux par le droit du travail français, Le droit ouvrier, Juin 2008, p. 313 à 331.

[38] Le chef d’entreprise détient les pouvoirs de direction, disciplinaire et règlementaire. Voir Gaillard (E), Le pouvoir en droit privé, éd. Economica, Coll. “Droit Civil”, 1985, p. 10, n° 5. Du panel des postulants, nous avons en premier lieu les dirigeants. Ces derniers sont regroupés en deux groupes : les dirigeants en période normale et les dirigeants de crise à savoir les administrateurs provisoires. On peut dire que, tous ont un pan de pouvoir et chacun à son niveau. Dans le cadre de ce compartiment, nous parlons de dirigeant en période de paix, de calme.

[39] Ch. Lechaptois, Les risques psychosociaux et la responsabilité du chef d’entreprise, septembre 2013 ; cf. site : http://www.creg.ac-versailles.fr/spip.php?article659.

[40] Sur le harcèlement, lire J.-E. Pondi, Harcèlement sexuel et déontologie en milieu universitaire, éd. Clé, 2011, 77 p. ; J. Picotte, Juridictionnaire : recueil des difficultés et des ressources du français juridique, op. cit., p. 1735 et s. Voir aussi Cornu (dir), Association Henry Capitant Vocabulaire Juridique, PUF, 2011, p. 503.

[41] Concernant ce dernier point, il faut relever que, dans la pratique du droit du travail, les malades du SIDA sont presque repoussés. Leur état de santé inquiète l’employeur et même les autres employés. Bien que la crainte devrait être fonction du type de travail, il n’en demeure pas moins grave de constater une marginalisation de cette couche sociale que ce soit au recrutement dont formation du lien contractuel qu’au moment de son exécution ou sa matérialisation. C’est fort de ce constat que, le projet de révision du Code de travail en date de novembre 2019, introduit la question. L’article 5 alinéa 2-a, b et c est clair. Il est interdit à l’employeur de «a) mentionner ou faire mentionner dans une offre d’emploi la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale, l’origine sociale ou ethnique, le statut sérologique du candidat recherché. Cette interdiction est applicable pour toute forme de publicité relative à une embauche et quel que soit le type de contrat de travail envisagé ; b) refuser d’embaucher une personne, prononcer une mutation, résilier ou refuser de renouveler le contrat de travail d’un salarié en considération des critères énumérés au a) ; c) prendre en considération l’un des critères énumérés, notamment en matière de rémunération, de formation, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle ou de rupture de contrat». L’article 6 alinéa 1 ajoute que «nul ne peut être écarté d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un apprentissage, un stage ou à une période de formation en entreprise, en raison de son origine ou appartenance ethnique, de son sexe, de sa situation familiale, de son état de grossesse, de son état de santé, son statut sérologique, de sa vie privée, de ses opinions politiques». L’article 82, alinéa infine, dispose que l’employeur est tenu «de prendre toutes les dispositions utiles pour éliminer toutes formes de stigmatisations à l’endroit des travailleurs vivant avec le VIH ou affectés par le sida ou d’autres maladies graves».

[42] Lire I. L. Miendjem, Egalité et discrimination en droit camerounais du travail, Thèse, U. Y II, 1995-1996.

[43] Ce triptyque correspond au classement emprunté à un auteur. Sur le harcèlement, lire J. Picotte, Juridictionnaire : recueil des difficultés et des ressources du français juridique, op. cit., p. 1735 et s.

[44] L’exigence d’être soit Catholique, soit Protestant, soit Musulman, soit Témoin de Jéhovah, soit Adventiste, soit d’autres églises jugées ‘réveillées’ semble être recherchée de plus en plus par certains patrons en entreprises privées. Lire H. Bell (dir), Etude situationnelle sur les formes multiples de discrimination au Cameroun, CRED 2012, p. 22 et s.

[45] M. Fabre-Magnan, Introduction générale au droit, Cours et méthodologie, éd. PUF, 2010, p. 65.

[46] Lire avec intérêt, F. Roubeaud, La question ethnique sur le marché du travail à Yaoundé : Discrimination ou solidarité, Contribution pour le séminaire préparatoire au Sommet Mondial pour le Développement Social (Copenhague, Mars 1995), Royaumont du 9-11-janvier 1995, Fonds documentaire de l’IRD, in I. L. Miendjiem, Etude nationale sur la discrimination en matière d’emploi et de profession et proposition d’un plan national d’action au Cameroun, Document de travail n° 65, BIT, Genève Juin 2011, OIT 2011, pp. 56 -59.

[47] Lire à ce sujet et avec intérêt J. Porta, Discrimination, égalité et égalité de traitement. A propos des sens de l'égalité dans le droit de la non-discrimination, 1ère partie, Revue de droit du travail 2011 p. 290 à 301. Du même auteur : Egalité, discrimination, égalité de traitement. A propos des sens de l'égalité dans le droit de l'égalisation, (2ème partie), Revue de droit du travail, 2011 p. 354 à 366.

[48] Le Cameroun vient d’ailleurs d’introduire un projet d’amendement du Code pénal de 2016 qui incriminera dorénavant les outrages aux tribus et à la haine tribale. 

[49] L’article 241-1 nouveau du Code pénal camerounais dispose que : alinéa 1 «est puni d’un emprisonnement de un (01) à deux (02) ans et d’une amende de trois cent mille (300 000) à trois millions (3000 000) de francs, celui qui, par quelque moyen que ce soit, tient des discours de haine ou procède aux incitations à la violence contre des personnes en raison de leur appartenance tribale ou ethnique». L’alinéa 2 d’ajouter que «lorsque l’auteur du discours de haine est un fonctionnaire au sens de l’article 131 du présent Code, un responsable de formation politique, de média, d’une organisation non gouvernementale ou d’une institution religieuse, les peines prévues à l’alinéa 1 ci-dessus sont doublées et les circonstances atténuantes ne sont pas admises».

[50] B. Py et M. Baldeck, La définition du harcèlement sexuel est-elle satisfaisante, Revue de droit du travail, 2011 p. 348 à 353.

[51] Tel est le contenu de l’article 84 alinéa 1 du projet de loi de novembre 2019 portant modification du Code de travail de 1992 au Cameroun. L’article 84 alinéa 2 dudit projet assimile au harcèlement sexuel, «toute forme de pression grave, même non répétée, exercé dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers».

[52] Au Cameroun, le législateur a, après plusieurs hésitations, réprimé le harcèlement sexuel. En effet, à travers l’article 302-1 alinéa 1 du Code pénal amendé «est puni d’un emprisonnement de six (06) mois à un (01) an et d’une amende de cent mille (100000) à un million (1000000) de francs, quiconque, usant de l’autorité que lui confère sa position, harcèle autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle». Lire avec intérêt Ph. Auvergnon, La peur des travailleurs et le droit du travail, Droit et Société, 46-2000 p. 575 et s. L’auteur cite avec intérêt : délimitation de ce harcèlement, CA Versailles 30 juin 1993, Revue de jurisprudence sociale, 8-9, n° 842 ; établissement des faits Cass. soc., 2 octobre 1997, Juris. Actua, n° 7776 du 18 décembre 1997 ; de l’imputabilité à l’employeur de la rupture du contrat intervenue, Cass. soc. 28 février 1996, Juris Hebdo, n° 7443 du 10 avril 1996 ; la motivation de lettre de licenciement d’un salarié auquel il est fait grief de harcèlement sexuel Cass. soc. 3 février 1999, Juris. Actua, n° 625 du 1er avril 1999.

[53] Ph. Auvergnon, La peur des travailleurs et le droit du travail, Droit et Société, 46-2000 p. 575 et s.

[54] Les hommes en sont aussi et de plus en plus victime. Le vent de l’homosexualité qui souffle de plus en plus dans nos sociétés fait pencher la balance. Les jeunes hommes sont parfois contraints à accepter des situations inconfortables pour des besoins de subsistance et parfois de promotion.

[55] Il faut relever comme un auteur que «toute femme enceinte dont l’état a fait l’objet d’une constatation médicale peut rompre son contrat sans préavis. L’employeur ne peut rompre le contrat de la femme du fait de la grossesse. La femme a droit à un congé de maternité de 14 semaines pouvant être prolongé de 6 mois en cas de maladie résultant de la grossesse ou des couches. Pendant une période de 15 mois à compter de la naissance de l’enfant, la femme a droit à des repos pour allaitement. Pendant cette période, elle peut rompre son contrat sans préavis. Outre les diverses prestations prévues par la législation sur la protection sociale et familiale, la femme a droit, pendant le congé de maternité, à la charge de la Caisse Nationale de Prévoyance sociale, a une indemnité journalière égale au montant du salaire effectivement perçu au moment de la suspension du contrat de travail, elle conserve le droit aux prestations en nature (V. Article 84 du Code du travail)», Pougoue (P.G.),précité, p. 30

[56] P. G. Pougoue, Situation de travail et protection des travailleurs, op. cit., p. 30.

[57] C’est fort de ce constat que, le projet de révision du Code de travail en date de novembre 2019, introduit la question. L’article 5 alinéa 2-a, b et c est clair. Il est interdit à l’employeur de «a) mentionner ou faire mentionner dans une offre d’emploi la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale, l’origine sociale ou ethnique, le statut sérologique du candidat recherché. Cette interdiction est applicable pour toute forme de publicité relative à une embauche et quel que soit le type de contrat de travail envisagé ; b) refuser d’embaucher une personne, prononcer une mutation, résilier ou refuser de renouveler le contrat de travail d’un salarié en considération des critères énumérés au a) ; c) prendre en considération l’un des critères énumérés, notamment en matière de rémunération, de formation, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle ou de rupture de contrat».  

[58] Nous pensons ainsi aux entreprises industrielles lourdes.

[59] Nous faisons allusion aux sociétés non industrielles.

[60] A. Foko, Recherches sur les risques professionnels en droit social (cas du Cameroun), précité, p. 1 et s.

[61] Qui participe à la recherche de la sécurité au sein du lieu de travail et au travail. Il contrôle et veille à ce que les dispositions y relative s’appliquent effectivement par les entreprises en leur sein.

[62] Est un organe chargé de veillé à la santé et à la sécurité des travailleurs ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail.

[63] Pour une étude d’ensemble, lire A. Foko, article, précité, p. 1 et s.

[64] Cf. préambule de la constitution du Cameroun du 18janvier 1996 qui dispose que «la liberté et la sécurité sont garantie à chaque individu dans le respect des droits d’autrui et de l’intérêt supérieur de l’Etat».

[65] Nous pensons ainsi à l’habillement de sécurité adéquat, chaussures de sécurité adaptées, système de garantie et de sécurité hautement présent et certifié par les instances compétentes à tous les niveaux.

[66] TPI de Yaoundé, jugement n° 209 du 20 août 1991 inédit. Relativement au cas pendant devant le TPI, il faut relever que le tribunal voulait sans doute dire que les pouvoirs du chef d'entreprise ont nécessairement pour limite le droit du salarié à son intégrité physique, et plus précisément le droit pour ce dernier d'apprécier ce qui est propre à conserver sa santé et sa sécurité.

[67] CA de Yaoundé, n° 223/S du 3 août 1993 inédit. Il faut préciser que, dans ces affaires, les juges n’utilisent pas l’expression droit de retrait. Par contre dans le cas de la CA, et dans une abondante motivation, la cour d'appel déclare le licenciement abusif: "Attendu que la mise à pied de deux jours du 5 au 7 avril 1978 pour refus de reprendre son poste de travail prouve sans conteste que depuis la consultation du 10 mars 1978, la CICAM n'a ni procédé au changement de poste recommandé, ni permis à l'intimé le repos absolu d'un mois maximum avant la reprise de son poste de tisserand, repos nécessaire relevé dans la lettre du 14 avril 1978 du docteur Abdoulaye". Ici encore, l'interprétation de la solution paraît ne souffrir d'aucune équivoque : le salarié peut légitimement opposer à l'employeur son appréciation des conditions de sécurité au travail. Cf. J. M. Tchakoua, Thèse op cit..

[68] En France, la loi du 23 décembre 1982 reconnaît aux salariés le droit de se retirer d'une situation de travail dont ils ont un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé. Pour la jurisprudence française, nous avons : TA. Besançon, 10 octobre 1996, Dr. soc. 1996, p. 1037 qui a admis le droit de retrait dans le secteur public. Bien avant, la jurisprudence l’avait déjà accepté dans le secteur privé notamment avec plusieurs affaires : CE, 21 juin 1987, Dr. Soc. 1987,645 ; 11 juillet 1990, RJS, 1990, n° 767 "Si l'article L.231-8 oblige le salarié à signaler immédiatement à l'employeur l'existence d'une situation de travail qu'il estime dangereuse, il ne lui impose pas de le faire par écrit". ; Cass. soc., 1er mars 1995, Bull. civ. n° 956 ; Soc. II décembre 1986, Liaisons sociales, n° 5899, p. 9 (arrêt Nette). La doctrine française est assez enrichissante à ce sujet : J. Savatier, Champ d'application du droit de retrait d'une situation dangereuse, Dr. soc. 1996, 684 ; C. Moulin, Le droit de retrait, principe général du droit du travail, Dr. soc. 1996, 1034 ; G. Lachaise, Le droit de retrait des salariés de leur poste de travail, JCP, 1991, éd. E., n° 44, 451 ; A. Bousiges, Le droit des salariés de se retirer d'une situation de travail dangereuse, Dr. soc. 1991, p. 284.

[69] Pour une étude importante et portant sur le droit de retrait, lire J. M. Tchakoua, Thèse op. cit..

[70] A. Foko, Recherches sur les risques professionnels en droit social (cas du Cameroun), précité, p. 19.

[71] J. Mbendang Ebongue, Les droits fondamentaux des travailleurs dans le nouveau code du travail du 14 aout 1992, Rev. jur. afr ., 1994, PUC, p. 53. ; A. Foko, article précité, n° 24, p. 27.

[72] D. R. Kouamo, L’implication du salarié dans la prévention et le traitement des difficultés des entreprises dans l’espace OHADA. Le cas du Cameroun, Thèse de Doctorat, Université Bretagne Noire, 9 janvier 2018, 327 p.

[73] Cf. article 40, alinéa 3, de l’article 40 du Code du travail de 1992 applicable au Cameroun. Lire M. A. Mouthieu, Le licenciement pour motif économique, obs. sous CS., arrêt n° 132/S du 16 septembre 1999, affaire Patele Jeremie ; arrêt n° 1/S du 14 octobre 1999 ; arrêt n° 244/S du 21 septembre 2000, in J. M . Tchakoua, Les grandes décisions du droit du travail et de la sécurité sociale, JusPrint Juin 2016, pp. 327 à 337.

[74] J. M. Tchakoua, Libres propos sur les licenciements en droit camerounais, Juridis Périodique, n° 25, 1996, p. 67 et s. ; M. A. Mouthieu, Le licenciement pour motif économique, obs. sous CS, arrêt n° 132/S du 16 septembre 1999, affaire «Patele Jeremie» ; arrêt n° 1/S du 14 octobre 1999 ; arrêt n° 44/S du 21 septembre 2000, in J. M. Tchakoua, Les grandes décisions du droit du travail et de la sécurité sociale, op. cit., p. 327 et s.

[75] Au Cameroun, voir arrêté conjoint METPS/MINFI n° 035 du 12 juillet 2002 fixant les modalités d’application de la loi n° 2001/017 du 18 décembre 2001 portant réaménagement des procédures de recouvrement des cotisations sociales ; Arrêté conjoint METPS/MINFI n° 049 du 1l octobre 2002 modifiant et complétant certaines dispositions de l'arrêté n° 035/METPS/MlNFI du 12 juillet 2002 fixant les modalités d'application de la loi n° 2001/017 du 18 décembre 2001 portant réaménagement des procédures de recouvrement des cotisations sociales ; Instruction conjointe n° 0l/02 DG-CNPS/DI du 11 septembre 2002 précisant les modalités pratiques d'application de l'Arrêté conjoint n° 03/METPS/MINEFI du 12 juillet 2002. Lire aussi J. M. Nyama, Droit et contentieux du travail et de la sécurité sociale au Cameroun, PUCAC, éd. 2012, p. 402 et s.

[76] D. Grandguillot, L’essentiel du droit du travail, Gualino Lextenso éditions, 16ème éd. 2016, p. 126 et s.

[77] C’est le décret n° 2014/2377/PM du 13 aout 2014 fixant les conditions et les modalités de prise en charge des assurés volontaires au régime des pensions de vieillesse, d’invalidité et de décès. Ce texte fait suite à la loi 69-LF-18 du 10 novembre 1969 modifié par les lois n° 84/007 du 4 juillet 1984 et n° 90/063 du 19 décembre 1990. L’article 3 disposait que «la faculté de s’assurer volontairement est accordée au travailleur ne relevant pas du code du travail. Dans ce cas, la cotisation est entièrement à sa charge».

[78] Nous pensons à certaines petites cliniques où, aussi bien des aides-soignants que des infirmiers diplômés d’Etat (IDE) ou sages femme qui y exercent sans être affiliés auprès de l’organisme agrée. Les réclamations faites à l’employeur sont sérieusement réprimandées soit par des menaces de perte d’emploi, soit par des baisses de salaires en l’absence d’ailleurs de contrat de travail.

[79] S. Guinchard et Th. Debard, Lexique des termes juridiques, 25ème éd., Dalloz, 2017-2018, voir cotisation de sécurité sociale.

[80] Au Cameroun, c’est la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) qui s’occupe de cette situation. A défaut d’agence de cette structure, les employeurs peuvent verser les cotisations auprès des directions d’impôt qui, elles reverseront auprès de cet organisme de sécurité sociale. Voir arrêté conjoint METPS/MINFI N°035 du 12 juillet 2002 fixant les modalités d’application de la loi n° 2001/017 du 18 décembre 2001 portant réaménagement des procédures de recouvrement des cotisations sociales ; arrêté conjoint METPS/MINFI n° 049 du 1l octobre 2002 modifiant et complétant certaines dispositions de l'arrêté n° 035/METPS/MlNFI du 12 juillet 2002 fixant les modalités d'application de la loi n° 2001/017 du 18 décembre 2001 portant réaménagement des procédures de recouvrement des cotisations sociales ; lire aussi J. M. Nyama, Droit et contentieux du travail et de la sécurité sociale au Cameroun, op. cit., pp. 403 et s.

[81] La concurrence est importante dans notre société nationale ou internationale : qui dit concurrence parle de lutte acharnée pour la survie ; de meilleurs techniques et méthodes pour attirer les consommateurs ; de baisse des prix ; d’amélioration de la qualité des produits et même des rendements etc.

[82] La concurrence devient désavantageuse lorsqu’elle entraine pour certain la mort de leur entreprise ; la démission des salariés formés pourtant par l’entreprise et bien d’autres.

[83] Il existe une concurrence entre employé au sein de l’entreprise et hors de l’entreprise ; une autre concurrence entre les employeurs et donc entre entreprises.

[84] Lire G.  G. Tsasse Saha, Le droit du travail et la concurrence, Mémoire de DEA en droit des affaires, Université de Yaounde II, 2005-2006. Il faut dire que, de ce fait, les entreprises qui sont dirigées au quotidien par des dirigeants sont confrontées au problème de concurrence. La concurrence a une finalité : faire avancer l’activité du point de vue quantitatif mais surtout qualitativement. Sa codification semble être justifiée par le désir de voir pratiquer une concurrence exercée loyalement et parfaitement.

[85] Cf. article 31, alinéa 1, du Code du travail du 14 aout 1992 .

[86] L’article 31, alinéa 2, du Code du travail du 14 aout 1992. Lire avec intérêt G. Jiogue, La clause de non concurrence en droit du travail camerounais, in Annales de la Facultés des Sciences Juridiques et Politiques, T. I, Vol 2, PUF. 1992, p. 137 et s.

[87] A travers l’article 31 du Code du Travail camerounais, le travailleur ne pourra pas faire concurrence après la rupture du contrat de travail dans les cas suivant : si la rupture est survenue de son fait alors que son employeur avait assuré les frais de son déplacement du lieu de résidence au lieu de l’emploi ; si la rupture du contrat est consécutive à une faute lourde de son fait. Cette interdiction ne peut toutefois s’appliquer que dans un rayon de cinquante (50) kilomètres autour du lieu de travail et sa durée ne peut excéder un an.

[88] Règlement n° 1/99/UEAC-CM-639 du 25 juin 1991 portant réglementation des pratiques commerciales anticoncurrentielles et le Règlement n° 4/99/UEAC-CM-639 du 18 août 1999 portant réglementation des pratiques étatiques affectant le commerce entre les Etats membres. Au Cameroun par exemple, nous avons la loi n°98/012 du 14 juillet 1998 relative au Dumping et à la commercialisation des produits d’importation subventionnée. Pour une étude sur le mode d’intervention et son degré entre le droit communautaire et les droits nationaux, voir G. Jiogue, Introduction à l’étude du droit camerounais de la concurrence, Thèse de doctorat 3ème cycle, Yaoundé II Soa, 1997, voir aussi du même auteur Les finalités du droit de la concurrence précité ; lire A. D. Eyango Djombi, Droit économique de la CEMAC et pratiques anticoncurrentielles, Entre droit communautaire et droit camerounais de la concurrence, Coll. Jus data, Dianoia, avril 2018, 236 p.

[89] Nous sommes dans le monde de l’interdiction légale. C’est une obligation de non concurrence de plein droit qui ressort clairement de l’article 31 alinéa 1 du Code de Travail camerounais «le travailleur doit toute son activité professionnelle à l’entreprise, sauf dérogation stipulée au contrat. Toutefois, il lui est loisible sauf convention contraire, d’exercer en dehors de son temps de travail, toute activité à caractère professionnel non susceptible de concurrencer l’entreprise ou de nuire à la bonne exécution des services convenues». Cette obligation peut être retrouvé aussi bien dans les contrats de travail à durée déterminée et à durée indéterminée ; verbal ou écrit. Pour le contenue explicite de ses obligations, lire avec intérêt G. G. Tsasse Saha, mémoire, op. cit., p. 10 à 12.

[90] Cette figure de la sanction de la violation de l’obligation légale de non concurrence a pour source le pouvoir disciplinaire de l’employeur. Ce dernier peut donc infliger aussi bien des sanctions morales, pécuniaires que professionnelles. Lire G. G. Tsasse Saha, Le droit du travail et la concurrence, op. cit., p. 16 à 17.

[91] Dans ce cas de figure, la sanction reste le licenciement pour faute lourde du travailleur. Le contenu de cette faute pouvant être le détournement au préjudice de l’employeur, le vol au préjudice de l’employeur ; les coups et blessures volontaires et les voies de fait sur la personne de l’employeur ou de son supérieur hiérarchique etc. Une fois constaté, le licenciement est prononcé et les conséquences peuvent être la perte du droit au préavis, perte du droit à l’indemnité de licenciement et aux dommages et intérêts. CS, arrêt n° 49/S du 14 mars 1985.

[92] Nous sommes dans l’environnement de l’interdiction conventionnelle. Ici, les parties ont la possibilité d’introduire une clause qui interdit au salarié de faire concurrence à son employeur à la fin de la relation de travail.

[93] Sur les conditions et sanctions, lire G. G. Tsasse Saha, mémoire op.cit., p. 22 à 25 et de 26 à 35.

[94] La convention collective est un accord conclu entre un employeur ou un groupement d’employeur et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives des salariés, en vue de fixer en commun les conditions d’emploi et de travail. Pour le Cameroun voire l’article 52 alinéa 1 du Code de travail du 14 Aout 1992.

[95] Le dumping social consiste à enfreindre, à restreindre des droits sociaux légaux et à utiliser ces écarts afin d’en tirer un avantage qui s’assimile à une concurrence déloyale. Sur son contenu, lire G. G. Tsasse Saha, op. cit., p. 52

[96] Idem. p. 54 à 56. La pratique du moins disant est une technique qui vise à rabaisser la dureté par certains Etats de leurs lois sociales afin de continuer à être compétitifs sur le marché international.

[97] Pour plus de détail, lire G. G. Tsasse Saha, Le droit du travail et la concurrence, op. cit., p. 56 à 67.

[98] B. Antagana Nkourou, La pratique du recouvrement des cotisations sociales dans les organismes de sécurité sociale de type bismarckien. L’exemple de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale du Cameroun, éd. Edilivre, 2016, 168 p.

[99] Pour des illustrations lire : TA du Centre, Aff. Sofamac sarl c/ Etat du Cameroun (cnps) du 5 mai 2015. Ici, la CNPS a perdu le procès pour non-respect et violation de la loi en matière de procédure de recouvrement forcé des cotisations sociales.

[100] Elles concernent un peu plus les institutions représentatives du personnel, les conflits sociaux etc.

[101] Lire J.-M. Tchakoua, La grève et le lock out dans le nouveau Code de travail camerounais, RJA, numéro spécial 1994, p.102 et s.

[102] Au Cameroun, l’article 157 alinéa 5 du Code du travail du 14 aout 1992 dispose que «Le lock-out est la fermeture d'un établissement par l'employeur pour faire pression sur des travailleurs en grève ou qui menacent de faire grève».

[103] G. Cornu, Vocabulaire juridique Association Henry Capitant ; PUF 2011, voir Lock out, p. 621.

[104] Cass. soc., 24 janvier 1968, Bull. civ. V n° 51 ; D., 1968, JP, 285.  La Cour de cassation affirme qu’«en constatant qu’une société avait eu recours au lock-out avec précipitation, à la seule annonce de la grève envisagée, dans le but de briser le mouvement en préparation, les juges du fond ont pu en déduire qu’elle avait commis une faute et devait réparer la perte de salaire de ses salariés». Dans le même sens, Cass. soc., 5 juin 1973, Bull. civ. V n° 360, D. 1973 IR 144 et 150 ; Cass. soc. 20 mars 1985, D., 1985 IR 443, obs. Ph. Langlois

[105] M. Texier, La désorganisation : Contribution à l’élaboration d’une théorie de la désorganisation en droit de l’entreprise, Presses universitaires de Perpignan, 2006, p. 408 et s.

[106] Cass. soc., 2 février 1996, Dr. ouvrier, 1996, 127 ; Cass. soc., 14 novembre 1984 : Juri-social, 1985, F 14.

[107] Cass. soc., 29 janvier 1979, Bull. civ. V n° 35. La chambre sociale a considéré comme étant «illicite la décision d’une compagnie aérienne de suspendre les vols par rétorsion à titre de sanction contre l’exercice normal du droit de grève».

[108] Voir Cass. soc., 23 octobre 1997, RJS 12/1997 n° 1427 ; Cons. Prud. 7 juillet 1983, Dr. ouvrier 1984 p. 127.

[109] Dans le même sens voir B. Teyssié, Droit du travail, Relations collectives, Litec, coll. Manuel LexisNexis, 7ème éd., 2011, n° 1608, p.843.

[110] Ce sont les mots utilisés par l’article 157 alinéa 5 du Code du travail du 14 août 1992 qui dispose d’ailleurs que «le lock-out est la fermeture d'un établissement par l'employeur pour faire pression sur des travailleurs en grève ou qui menacent de faire grève».

[111] B. Teyssié, Droit du travail, Relations collectives, op. cit., n° 1607, p. 843. M.-C. Haller, note sous Cass. soc., 30 septembre 2005, JSL 10 novembre 2005, n° 177 p. 15 spéc. p. 16, «La jurisprudence veille [...] à ce que l’employeur n’utilise pas le lock-out comme une mesure de rétorsion en réponse à un conflit collectif et ne reconnaît que très rarement la licéité d’une telle mesure». Sur le pouvoir syndical, voir Le syndicalisme salarié, sous la dir. de B. Lardy-Pélissier, J. Pélissier, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2002.

[112] M. Texier, La désorganisation : Contribution à l’élaboration d’une théorie de la désorganisation en droit de l’entreprise, op. cit., p. 410 et s.

[113] Cass. soc., 28 janvier 1983, Bull. civ. V n° 32. Cass. soc., 30 septembre 2005, n° 04-40.237.

[114] Lire Al. Baloa, L’expression collectives des salariés, Mémoire de DEA en droit privé, Université de Yaoundé 2, 2006, mémoire online.

[115] B. Teyssié, Droit du travail, Relations collectives, op. cit., n°1623, p. 849.

[116] Idem, p. 850. En cas de lock out illicite, l’acte de fermeture sera constitutif de faute. Ainsi, l’indemnité devant être payé par l’employeur prendra le nom de dommage et intérêt. Ce dernier pourra éventuellement être équivalent au salaire (Cass. soc., 1er juil. 1985, Juri-social, 1985, F 77 ; Rappr. Cass. soc., 23 octobre 1997, RJS 12/97, n° 1427, soulignant que les sommes allouées aux salariés ont la nature de dommages-intérêts.

[117] La grève n’est que le fruit de la désapprobation par les salariés des conditions de vie, de travail et d’épanouissement en entreprise. Tombées dans les oreilles des sourds et muets, les réclamations passives des salariés se transformeront en actions plaintives actives d’où la grève.

[118] M. Le Bihan-Guenole, Droit du travail, 2ème éd., Ellipses, Coll. Tout le droit, 2008, p. 305

[119] Lire pour l’histoire de la grève au Cameroun, P. G. Pougoué, Droit du travail et de la prévoyance sociale, T. 2 ; en droit comparé français, lire M. Le Bihan-Guenole, Droit du travail, op. cit., p. 315 et s., Fr. Duquesne, Le droit du travail nouveau, 7ème  éd. Lextenso, 2010/2011, Gualino, p. 265 et s.

[120] Voir J. Mbendang Ebongue, Les droits fondamentaux des travailleurs dans le nouveau code du travail du 14 aout 1992, Rev. jur. afr ., 1994, PUC, p. 53 ; P. Verge, Inclusion du droit de grève dans la liberté générale et constitutionnelle d’association : justification et effets, Les Cahiers de droit, vol. 50, n° 2, 2009, p. 267-299.

[121] Cf. E. M. Kamta Fendop, La distinction différend individuel et différend collectif de travail, Obs. sur Cour Suprême, arrêt n° 50/S du 21 mars 1991, affaire ‘Société Bastos contre Foumthim Janvier’, in sous la Dir. J. M. Tchakoua, Les grandes décisions du droit du travail et de la sécurité sociale, op. cit., pp. 479 et s.

[122] L. V. Longuang, L’abus de droit en droit du travail, Mémoire de Master 2 en droit des affaires et de l’entreprise, Université de Yaoundé II à Soa, 2013-2014, p. 3 infine.

[123] M. Texier, La désorganisation : Contribution à l’élaboration d’une théorie de la désorganisation en droit de l’entreprise, Presses universitaires de Perpignan, 2006, p. 283 et s.

[124] Cf. G. Couturier, Droit du travail, Les relations collectives de travail, coll. Droit fondamental, PUF 2eme, éd. 1993, p. 362.

[125] Pour une lecture publiciste, lire Lazare II Amye Elouma, Le droit de grève des agents publics en droit camerounais de la fonction publique, RADP, Vol VII, n° 12, janvier - juin 2018, 27 p., lire aussi P. E. Mbpille, Les ambiguïtés de la grève des transporteurs du 25 février 2008 à Douala. Ici, les transporteurs ont grevé contre le gouvernement camerounais question de revendiquer un meilleur traitement dans ce domaine des transports en termes de prix du carburant, prix des taxis et autres.

[126] Au Cameroun notamment, nous notons la grève orquestrée par le personnel de la Société Générale Cameroun (SGC) septembre 2015. Cet établissement de crédit (correspondant à la typologie banque universelle) d’après ses employés n’aurait pas répondu à leurs attentes en terme : licenciement abusif, avantage non payé, condition de travail à améliorer et salaire à revoir. Après trois (3) jours de grève et suite à une certaine ruée des clients vers ladite banque, ces derniers insatisfaits parce que n’ayant pas obtenu leur fonds, se sont plain et les négociations ont débutées avec le personnel gréviste.

[127] Le décret n° 94/199 du 07 octobre 1994, modifié et complété par décret n° 2000/287 du 12 octobre 2000 portant statut général de la Fonction publique au Cameroun, en son article 21 dispose que «1. Le fonctionnaire jouit des droits et libertés reconnus aux citoyens […]. 2. Il peut notamment adhérer à une association politique ou culturelle, à un syndicat professionnel légalement reconnu en vu d’assurer la représentation et la défense de ses intérêts de carrière. 3. Il est tenu d’exercer ses droits dans le respect de l’autorité de l’Etat et l’ordre public». Pour les exclusions tacites et expresses du droit de grève, lire Lazare II Amye Elouma, Le droit de grève des agents publics en droit camerounais de la fonction publique, précité.

[128] J. C. Nchimi, La négociation en droit du travail camerounais, RJA, 1994, p. 113 et s., P.-G. Pougoué et J.-M. Tchakoua, Le difficile enracinement de la négociation en droit du travail camerounais, Afrilex 2000, afrilex.u-bordeaux4.fr, 19 p.

[129] Article 165 du Code de travail de 1992 dispose que «Le lock-out ou la grève engagée en contravention des dispositions qui précèdent peuvent entraîner:  b) pour les travailleurs: - la rupture du contrat de travail pour faute lourde; - la condamnation à une amende de 20 000 à 100 000 francs». Lire aussi G. G. Tsassé Saha, Le procès-verbal de tentative de conciliation, Obs. sous Cour suprème, arrêt n° 64/S du 5 mai 1994, affaire «Kamga Paul contre Etablissements Emens Textiles», in sous la Dir. J.-M. Tchakoua, Les grandes décisions du droit du travail et de la sécurité sociale, op. cit., p. 489 et s ; lire aussi J.-M. Tchakoua, La tentative de conciliation dans le règlement des différends de travail en droit camerounais, AFSJP/UD, n° 1, janvier-juin 2002, p. 279 et ss. 

[130] CA Versailles du 11 juin 1987

[131] Cass. soc., 26 novembre 1987, n° 84-40.634 (N° Lexbase : A7790C3W).

[132] Cass. soc., 4 octobre 2000, n° 98-43.475 (N° Lexbase : A7728AHP).

[133] Pour ce qui de la force majeure repoussant toute idée de paiement, on peut avoir les cas de grève de bouchon, blocage d’un point sur la chaîne de production : voir Cass. soc., 22 février 2005, n° 02-45. 879 (N° Lexbase : A8610DGY).  Pour des besoins de sécurité, par exemple la séquestration des cadres, l’entreprise peut fermer : voir Cass. soc., 21 mars 1990, n° 86-44.190 (N° Lexbase : A1370AAY).

[134] A termes de l’article 157, alinéa 5, du Code du travail, le lock-out est la fermeture temporaire ou provisoire d’une entreprise ou d’un établissement par décision unilatérale de l’employeur. En terme de jurisprudence comparée, voir Cass. soc., 31 octobre 1989, n° 88-41.229 (N° Lexbase : A1513AAB).

[Brèves] Sénégal : loi relative à la création et à la promotion de la startup
par Aziber Didot - Seïd Algadi
Réf:Loi n° 2020‐01 du 6 janvier 2020, relative à la création et à la promotion de la startup au Sénégal

► A été publiée au Sénégal, la loi n° 2020‐01 du 6 janvier 2020, relative à la création et à la promotion de la startup au Sénégal.

L’objectif de la nouvelle loi est de mettre en place un environnement incitatif spécifique à la création et à la promotion de la startup dans le pays.

La loi fixe les modalités de création et de promotion de la startup au Sénégal basées sur la créativité, l’innovation, l’utilisation des nouvelles technologies, la réalisation d’une forte valeur ajoutée ainsi que d’une compétitivité au niveau national et international. Elle s’applique à toute startup créée sur le territoire sénégalais dont le capital est détenu au moins au 1/3 par des personnes physiques de nationalité sénégalaise ou résidentes au Sénégal ou par des personnes morales ayant leur siège social au Sénégal. Elle s’applique également à toute startup créée par des sénégalais établis à l’étranger dont le capital est détenu au moins à 50 % par ces derniers. Enfin, ladite loi est applicable à toute entreprise déjà constituée sur le territoire national et ayant vocation à bénéficier du statut de startup.

Les modalités d’application de la loi seront fixées par décret.

[En librairie] La place des associés minoritaires dans la gouvernance des entreprises en droit OHADA

Dans la gestion des sociétés commerciales, note l’auteur, le droit fait coexister plusieurs catégories d’acteurs tels que le juge, les associés et les dirigeants sociaux. Suite au principe de la loi de la majorité, les décisions sociales sont prises par les dirigeants sociaux et les associés majoritaires. Or, la qualité de la gouvernance des sociétés commerciales se mesure à la place accordée également aux associés minoritaires et au respect de leurs droits. Ainsi, soucieux de la bonne gouvernance des entreprises et de l’attractivité du droit OHADA, le législateur a entrepris une réforme en droit des sociétés en 2014.

L’examen de celle-ci aboutit à un constat qui est celui du renforcement des compétences des associés minoritaires dans la gouvernance des entreprises, justifié par un aménagement du contrôle du pouvoir de décision des dirigeants sociaux et une participation au pouvoir de décision. Par ailleurs, on remarque une permanence de la précarité du statut des minoritaires face aux dirigeants sociaux et aux majoritaires. Pour cette raison, il a été proposé des pistes de solutions permettant aux minoritaires de contrôler effectivement la gestion sociale et de protéger leurs droits. 

[Brèves] Validation d’une inscription définitive d’hypothèque : nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude !
par Aziber Didot - Seïd Algadi
Réf:CCJA, 28 novembre 2019, n° 274/2019 (N° Lexbase : A48603AA)

► Dès lors que, faute pour la caution et la débitrice principale d’avoir effectué les formalités d’inscription de l’hypothèque au livre foncier conformément au contrat liant les parties, la créancière a dû recourir à l’hypothèque légale forcée en obtenant de la juridiction compétente une inscription provisoire d’hypothèque sur le bien immobilier appartenant à la caution, mesure qui était définitivement consacrée par le tribunal et la cour d’appel, les juges du fond, qui ont ordonné l’inscription définitive de l’hypothèque, étaient dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation des faits et n’ont en rien violé l’article 136 de l’Acte uniforme relatif aux sûretés (N° Lexbase : L9023LGB).

Tel est le principal apport d’un arrêt de la CCJA, rendu le 28 novembre 2019 (CCJA, 28 novembre 2019, n° 274/2019 N° Lexbase : A48603AA ; sur la validation d’une inscription hypothécaire en l’absence de preuve des allégations du débiteur, cf. CCJA, 26 avril 2018, n° 104/2018 N° Lexbase : A6318XMX).

Dans cette affaire, en vertu d’un contrat de prêt conclu par acte notarié du 23 juillet 2003, la gérante d’un fonds de commerce a bénéficié auprès d’une banque d’une ligne de crédit. Par le même acte, une SCI s’est portée caution hypothécaire de la gérante pour une partie de la somme prêtée. Cette garantie comportait la stipulation liée à la création des titres fonciers individuels et à l’obtention, par la SCI, des certificats de propriété foncière. En raison de la non-satisfaction de cette condition, la garantie hypothécaire n’avait pu être inscrite au livre foncier. La gérante n’ayant pas respecté les échéances de remboursement, la banque a obtenu du président du tribunal de première instance une ordonnance du 16 mai 2008 l’autorisant à inscrire conservatoirement une hypothèque sur le titre foncier global appartenant à la SCI. Par jugement du 30 avril 2009, le même tribunal a ordonné l’inscription définitive de ladite hypothèque. Par arrêt du 25 novembre 2011, la cour d’appel a confirmé ce jugement. La SCI a alors introduit un recours en cassation devant la Cour suprême, laquelle a renvoyé la cause devant la CCJA conformément à l’article 15 du Traité de l’OHADA (N° Lexbase : L3251LGI).

Il a notamment été fait grief à l’arrêt attaqué la violation de l’article 136 de l’Acte uniforme relatif aux sûretés (N° Lexbase : L9023LGB), en ce que la cour d’appel a statué comme elle l’a fait, alors que, selon la requérante, le texte précité concernerait l’hypothèque forcée et exclurait de son champ d’application les cas d’hypothèques conventionnelles.

A tort. Sous l’énoncé du principe susvisé, la CCJA rejette le pourvoi (sur le sujet, cf. S. P. Koume, Les mirages de l’hypothèque conventionnelle en droit OHADA : àpropos de l’insécurité juridique du créancier hypothécaire, Uniform Law Review, Volume 20, Issue 2-3, August 2015, Pages 296–324).

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par Julie Basaane Gneba, Doctorante, Université de Dschang

[Doctrine] La problématique de l’exécution des arrêts des Cours de Justice de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) et de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africain (UEMOA)
par Julie Basaane Gneba, Doctorante, Université de Dschang

 

«Une justice n’existe et n’a de sens que si ses décisions sont exécutées» [1]. Il résulte de ces déclarations du Président de la Chambre judiciaire de la Cour Suprême du Bénin que l’exécution des décisions de justice est centrale dans un Etat qui se veut de droit. S’inscrivant dans cette logique des «Communautés de droit», les Communautés d’intégration africaine telles la CEMAC et l’UEMOA ont, dès leur création, mis sur pied les juridictions communautaires, lesquelles ont pris la dénomination de Cour de Justice de la CEMAC [2] et de Cour de Justice de l’UEMOA [3]. Ces dernières possèdent les moyens d’un pouvoir judiciaire suprême [4], en ce sens qu’elles détiennent le monopole de l’application et d’interprétation des Traités et des textes subséquents. Ceci ouvre la voie à un procès communautaire. Partant de la conception jurisprudentielle du procès, il convient d’observer que : «l’exécution d’un jugement ou d’un arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme partie intégrante du procès» [5]. C’est dire que le procès ne se limite pas essentiellement à l’examen du litige et au prononcé de la décision. Celle-ci indique l’issue judiciaire donnée à la demande. Cette issue porte la nouvelle orientation du droit et demande à être mise en œuvre. Cette mise en œuvre d’une décision de justice interpelle ainsi son exécution. En tant que droit fondamental, l’exécution des arrêts communautaires doit être garantie à toute personne en faveur de qui la Cour s’est prononcée. Le souci majeur étant d’assurer un cadre juridique sécurisé apte à accompagner les pères fondateurs dans l’accomplissement des objectifs intégrationnistes. Pour l’heure, les arrêts rendus par les Cours de Justice de la CEMAC et de l’UEMOA rencontrent encore quelques difficultés d’exécution dont l’étude constitue l’objet du présent propos.

Comme premier mot clé du sujet de l’étude le nom commun «problématique» doit être entendu ici comme un ensemble des questions se posant sur un sujet déterminé [6]. Mais, dans son emploi comme adjectif, ce mot renvoie à ce qui est douteux, hasardeux ou incertain, ou à un problème difficile à résoudre [7]. L’idée donc d’un problème difficile est centrale dans la compréhension de la notion de problématique et constitue le fil directeur de l’étude conduite sur la question de l’exécution des décisions de justice dans les Communautés CEMAC et UEMOA. Loin d’être considérés comme l’aboutissement d’un procès, les arrêts communautaires se présentent comme un processus vers l’achèvement du procès, la fin étant l’exécution effective. Le juge Françoise Tulkens l’a si bien relevé en ces termes : «un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme n’est pas une fin en soi : elle est une promesse d’un changement pour l’avenir, le début d’un processus qui doit permettre aux droits et libertés d’entrer dans la voie de l’effectivité» [8]. Cette effectivité passe nécessairement par la voie de l’exécution. Le Vocabulaire juridique définit l’exécution comme «la réalisation effective des dispositions d’un jugement» [9]. Le Lexique des termes juridiques en ce qui le concerne, ne définit pas essentiellement le terme «exécution», mais plutôt l’expression «exécution des décisions de justice». Cela suppose «le droit de tout justiciable d’obtenir l’exécution effective des décisions de justice ‘définitives et obligatoires’» [10]. Ces définitions juridiques ne s’éloignent pas de la conception littéraire de ce mot, puisque le dictionnaire français Larousse l’entend comme «l’accomplissement d’une obligation, d’un jugement» [11]. Dans la plupart de ces définitions, l’on constate l’omniprésence du terme «effective» c’est-à-dire le caractère de ce qui produit l’effet recherché. Les arrêts rendus par les Cours de justice de la CEMAC et de l’UEMOA ne devraient pas s’écarter de cet objectif [12]. Ils devront prendre en compte la double dimension de l’effectivité : l’effectivité contrôlée et l’effectivité consacrée [13]. C’est seulement dans ces conditions que le justiciable se verra «effectivement rempli de ses droits» [14]. Le but étant la protection définitive des intérêts de la partie qui a gagné le procès [15].

Pour la présente étude, l’expression «exécution des arrêts communautaires» désigne l’application effective des décisions rendues par des juridictions supranationales à vocation d’intégration(comme les Cours de Justice de la CEMAC et de l’UEMOA), et qui vise à rétablir l’équilibre des droits entre les parties. En plus de cet équilibre, l’exécution des arrêts communautaires participe aussi de la protection des droits fondamentaux et par-dessus tout, la construction d’une «Communauté de droit» [16].

Si à l’échelle interne, la question de l’exécution des décisions a longtemps animé les débats, il n’en est toujours pas ainsi à l’échelle communautaire et plus particulièrement dans les espaces CEMAC et UEMOA. Or, l’exécution effective des arrêts communautaires demeure encore incertaine malgré les dispositions prises par les législateurs communautaires dans le sens d’attribuer une autorité forte auxdits arrêts. C’est ce qui ressort de l’article 88 de la Convention régissant la Cour de Justice de la CEMAC qui dispose : «l’arrêt rendu par la Cour a autorité de la chose jugée et force exécutoire dès son prononcé». Dans la même veine, le Protocole additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA énonce que : «l’arrêt de la Cour a force exécutoire [17] à compter du jour de son prononcé» [18]. Les juridictions communautaires ont réitéré cela. Ainsi, s’agissant de la force obligatoire, le juge de la CEMAC décide : «l’article 92 de l’acte additionnel n° 04/00/CEMAC-041-CCE-CJ-02 portant règle de procédure devant la Chambre judiciaire, les arrêts reçoivent sur le territoire de chacun des Etats force exécutoire dans les conditions prévues à l’article 24 de l’additif du Traité de la CEMAC» [19]. En ce qui concerne l’autorité de chose jugée [20], le mutisme du législateur est compensé par l’intervention du juge dans une affaire récente en ces termes :  «l’acte administratif n’a qu’une autorité de chose décidée alors que l’acte juridictionnel a une autorité de chose jugée» [21]. En plus de ces deux caractéristiques attachées aux arrêts communautaires, s’ajoute l’absence d’exequatur.

Malgré cette volonté de moderniser l’appareil judiciaire communautaire pour accroitre ses performances [22], de nombreuses contraintes limitent encore le processus de l’exécution des arrêts communautaires. Or, en surmontant les obstacles relativement à la saisine et au déroulement de l’instance, le justiciable espère une exécution effective de sa décision à l’issue du procès, surtout lorsque cette dernière lui est favorable. «Mais, il n’est pas au bout de sa surprise» [23]. De ce fait, le problème juridique que pose cette étude est celui des sources de difficultés rencontrées au cours de l’exécution des arrêts des Cours de Justice de la CEMAC et de l’UEMOA, ainsi que des solutions existantes. De ce fait, deux préoccupations majeures s’imposent. L’identification des difficultés observées au cours de l’exécution des arrêts rendus par les juridictions de la CEMAC et de l’UEMOA est l’une des préoccupations préliminaires de propos. Mieux encore, il faudrait rechercher les mécanismes de solutions proposées par les dispositifs juridique et jurisprudentiel de ces Communautés au justiciable qui rencontre des difficultés à faire exécuter un arrêt rendu par l’une de ces juridictions.

A l’observation, ce sujet est d’un intérêt juridique certain dans la mesure où la justice participe de la construction de la communauté de droit. Si les arrêts rendus ne peuvent être exécutés, ou sont difficilement exécutés, ceci pourrait constituer une source d’insécurité juridique chez les justiciables. L’intérêt à traiter de ce sujet grandit, car la recherche révèle que la mise en application desdits arrêts préoccupe réellement quant à leur effectivité. En effet, une exécution lacunaire des arrêts communautaires a été constatée (I). Pire, en cas d’inexécution d’un arrêt, l’inadéquation des mesures coercitives prévues peut être de nature à détourner les citoyens de recourir aux juridictions communautaires visées par l’étude (II).

 

I - L’exécution lacunaire des arrêts communautaires

Les arrêts rendus par les Cours de Justice de la CEMAC et de l’UEMOA rencontrent généralement des difficultés dans leur mise en application. Quelques facteurs expliquent cette situation : il y a, d’une part, la résistance des requérants privilégiés face aux arrêts (A) et, d’autre part, le traitement inégal des agents d’exécution (B).

A - La résistance des Etats et institutions communautaires

Les institutions communautaires sont des organismes dont le statut et le fonctionnement sont régis par le droit et qui participent de l’accomplissement de la politique communautaire.  Dans la CEMAC, elles prennent plusieurs formes à savoir : les «Institutions» [24], les «Organes» [25] et les «Institutions spécialisées» [26]. Le système juridique UEMOA pour sa part, les regroupe autour de «Organes»[27], «organes consultatifs»[28] et «institutions spécialisées autonomes» [29]. Dans le but d’éluder toute divergence conceptuelle, il est convenable dans la présente contribution, de les regrouper comme c’est le cas du système juridique européen, autours du terme «institutions» [30]. Elles sont considérées comme des requérants privilégiés au même titre que les Etats. En droit CEMAC et UEMOA, ces acteurs ont tendance à marquer une certaine résistance à l’endroit des arrêts rendus par les juridictions communautaires. L’on observe une résistance manifeste en ce qui concerne les institutions communautaires (1), et une résistance probable pour ce qui est des Etats (2).

1 - Une résistance manifeste des institutions Communautaires

La résistance se traduit par le refus d’obéissance. Elle est manifeste lorsque l’existence de ce refus est évidente. Cela revient à donner des cas pratiques où le refus d’exécution des arrêts est perceptible. On relève le cas de la Conférence des Chefs d’État dans l’UEMOAet de l’Ecole Inter Etat des Douanes dans la CEMAC.

Dans le premier cas, il convient de relever que les Conférences des Chefs d’Etat et de Gouvernement en tant qu’organes suprêmes et décisionnels, devraient s’assurer de l’adéquation des mesures adoptées en vue de l’exécution des arrêts définitifs [31] des juridictions communautaires. Cependant, elles semblent se détourner de cette mission importante quand on sait que les textes les plus significatifs des Communautés d’intégration ont été adoptés par elles [32]. Elles devraient ainsi se démarquer par leur caractère rigoureux dans l’application de ces textes.

Concrètement, ayant été à l’origine des textes relatifs aux Cours de Justice de la CEMAC et de l’UEMOA, elles ont donné mandat aux juridictions en tant qu’Organes de contrôle, de dire le droit communautaire lorsque celui-ci a été détourné. Ceci étant, elles devraient être en mesure d’aider ces instances juridictionnelles à rendre les arrêts encore plus coercitifs. Mais dans certains cas, l’on constate qu’elles sont les premières à rendre difficile l’exécution des arrêts communautaires. On en veut pour preuve, l’affaire Eugene Yaï, où la Conférence des Chefs d’Etat s’est illustrée dans une véritable logique de défiance de la Cour de Justice. En effet, la Cour a, à l’occasion, rendu un arrêt en annulation de l’acte additionnel relatif à la révocation du Commissaire par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement. En pratique, cette décision n’a jamais été respectée. Ladite Conférence a voulu affirmer sa supériorité face à l’autorité des arrêts de la Cour en émettant un autre acte, persistant dans sa position de révoquer Sieur Eugene Yaï en nommant un autre commissaire à sa place.

Affichant une attitude presque servile, la Cour s’est pliée à la volonté de la Conférence des Chefs d’Etat en tirant les conséquences de la révocation du Sieur Yaï de la manière suivante : «[…] Il ressort des conséquences factuelles de la cause que la volonté de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’UEMOA et de la Commission de remplacer M. Eugene YAÏ dans ses fonctionse de commissaire est manifeste» [33]. Face à cette indignation de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, il est important de s’interroger sur l’efficacité du caractère absolu des arrêts communautaires. Surtout lorsqu’il a été démontré que cet Organe politique est susceptible de remettre en cause lesdits arrêts. Il est à cet effet probable d’attribuer le «caractère déclaratoire» [34] aux arrêts rendus par les juridictions communautaires. Face à cette indifférence de la part de la Conférence, le juge a relevé que l’attitude de la Conférence des Chefs d’Etat est de nature à mettre à «rude épreuve la crédibilité du juge de l’intégration et de son office» [35].

Dans l’espace CEMAC, la résistance est observable à travers l’affaire «Mokamanede John Wilfried contre l’EIED» [36]. En l’espèce, suite à l’inexécution de l’arrêt en annulation de l’acte de licenciement [37] prononcé par la Cour de justice de la CEMAC, le Sieur Mokamanede a à nouveau saisi la même Cour cette fois, pour un recours en responsabilité. Ayant affiché un caractère sévère à l’endroit de la Communauté, ladite Cour a déclaré que «la résistance abusive de l’exécution de l’arrêt devenu définitif a causé un préjudice au requérant». Fort de cela, elle a affirmé disposer d’éléments d’appréciation suffisants pour évaluer ce préjudice et a ainsi condamné la Communauté au paiement de la somme évaluée. Quoiqu’il en soit, la multiplication de ces résistances est susceptible de mettre à nu les espoirs placés aux juridictions communautaires «comme instruments d’instauration d’une Communauté de droit» [38]. Ceci étant, il importe à présent, d’examiner la résistance probable des Etats.

2 - Une résistance probable des Etats

Cette forme de résistance n’a pas encore à notre connaissance été observée au sein de la CEMAC et de l’UEMOA. Néanmoins, cet aspect mérite d’être abordé au regard de l’évolution du processus d’intégration à partir des exemples observés au sein de la Cour de Justice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Afrique de l’Ouest (CJ-CEDEAO) [39]. Cette résistance de la part des Etats [40], qui par leurs attitudes défient le plus souvent l’autorité des arrêts, impactent négativement sur le processus d’intégration en Afrique. Les exemples abondent à cet effet : Un membre du Gouvernement en la personne de Aminata Toure dans l’affaire «Karim Wade et autres», a d’ailleurs déclaré que : «les autorités sénégalaises ne se conformeront pas à la décision de la Cour de Justice qui n’allait pas dans le sens souhaité par le Gouvernement». De ce fait, cette décision du juge [41], constatant la violation de la liberté d’aller et venir, n’a pas été exécutée par les autorités sénégalaises [42].

Outre le Sénégal, le Niger s’est aussi situé dans une posture de résistance dans l’affaire «Mamadou Tandja» [43]. Face à toutes ces résistances émanant des Etats, il importe de s’arrêter et de s’interroger sur la pertinence des arrêts rendus, mieux sur l’efficacité des missions assignées aux juridictions communautaires africaines.

Au regard des exemples précités, il convient d’attirer, à titre prospectif, l’attention des Etats membres de la CEMAC et de l’UEMOA quant au respect des engagements communautaires qui impliquent naturellement l’exécution des arrêts des Cours de Justice. Autrement dit, les autorités nationales ne devront en aucun cas, refuser d’exécuter les arrêts rendus par les Cours de justice de la CEMAC et de l’UEMOA. Car, en le faisant, elles remettent en cause l’autorité des arrêts et freinent par conséquent l’évolution du processus d’intégration en Afrique Centrale et en Afrique de l’Ouest. Ce refus d’exécution des arrêts communautaires par les Etats est susceptible d’avoir un impact négatif tant pour la Communauté que pour le particulier.

En ce qui concerne la Communauté, elle ne peut se développer et parvenir à ses fins que si les Etats respectent leurs engagements. Ce d’autant plus que l’adhésion aux organisations d’intégration relève de la seule volonté des Etats. Mais dès lors qu’ils s’engagent, ils sont tenus de se conformer aux normes communément adoptées lesquelles devraient être au-dessus de la volonté étatique. Le juge UEMOA arappelécette supériorité à l’occasion d’un avis en ces termes.

Relativement au particulier, la résistance des Etats face aux arrêts communautaires s’analyse en une certaine limitation psychologique. En effet, le particulier pourrait désormais percevoir le recours au juge communautaire comme aventure aléatoire. La justice étant au service du justiciable [44], les organes d’exécution devraient prendre les mesures relatives à l’exécution des arrêts pour que le service public de la justice ait son plein effet.

La probable résistancedes autorités étatiques irait ainsi à l’encontre des principes de bonne foi et du pacta sun servanda tels que consacrés par la Convention de Vienne [45]. Le droit communautaire étant un droit international d’une dimension particulière, n’est pas resté en marge de l’application de ces principes. Ainsi, refusant de mettre en application les arrêts communautaires, les Etats s’inscrivent en marge du degré minimal de leur engagement dans le processus d’intégration, alors qu’ils sont membres de ces organisations dont la volonté a permis la formation. Le bon fonctionnement des Communautés d’intégration a donc besoin du concours sans faille des Etats. Malheureusement, cette vision est sacrifiée sur l’hôtel d’une conception exagérée de la souveraineté des Etats, alors qu’il s’agit d’étendre le bénéfice d’un engagement international [46] aux juridictions des Communautés concernées.

Ceci étant, il faut dire qu’en plus de ces deux formes de résistance qui rendent problématique l’exécution des arrêts communautaires, l’on note aussi le traitement inégal des agents d’exécution.

B - Le traitement inégal des agents d’exécution

Les agents d’exécution sont l’ensemble des acteurs chargés de mettre en application une décision de justice. Ils ne font pas l’objet du même traitement dans le cadre d’exécution des arrêts communautaires. Ce traitement est élitiste en ce qui concerne les États et institutions communautaires (1) et marginal pour ce qui est des particuliers (2)

1 - Le traitement élitiste des Etats et institutions communautaires

En tant que requérants privilégiés, les Etats et institutions communautaires font l’objet d’un traitement favorable quant à l’introduction des recours et l’exécution des arrêts. Relativement à ce dernier aspect, il convient de signaler que la contrainte sur les Etats et institutions communautaires fait presque partout l’objet des débats [47]. Il y’a comme un souci de protection des requérants privilégiés [48] qui sont seulement tenus de prendre des mesures nécessaires en vue de l’exécution des arrêts. Ils ne sont soumis à aucune autre mesure contraignante. Or, le principe d’égalité des armes est supposé produire ses effets jusqu’à l’exécution des décisions. Ce n’est pas toujours le cas en droit communautaire. Ce qui revient à dire que ces arrêts sont au carrefour du droit communautaire et du droit national et pose par conséquent, un problème de négociation, mais surtout de bonne foi. Les requérants privilégiés étant toujours présumés de bonne foi, cette présomption rend paradoxale et veine toute prétention de les contraindre à s’exécuter [49]. Ayant pour objectif de répondre à «un besoin collectif» [50], les requérants privilégiés sont animés par la loi de la continuité et de régularité du service public. Leurs activités ne doivent sous aucun prétexte, être interrompues par un certain exercice de la force publique à leur égard.

A l’image des juridictions administratives internes, l’exécution des arrêts communautaires par les personnes morales de droit public fait encore défaut. Elle devient encore plus préoccupante quand on sait que le juge n’a plus de pouvoir en la matière dès lors qu’il a prononcé la décision. Dans cette optique, le Professeur Edouard Laferriere indique que : «si le devoir juridique est certain, la sanction peut seule faire défaut». Allant dans le même sens, une autre partie de la doctrine affirme que : «la force exécutoire, la faculté effective d’exécution […] est toujours absente à l’égard de l’administration». Il en résulte que si les juridictions communautaires ont la possibilité d’assurer la sécurité juridique du particulier, elles ne détiennent cependant pas le pouvoir du contrôle de l’exécution des décisions rendues par le juge. Le pouvoir d’injonction leur échappe jusqu’ici. Elles risquent de faire acte «d’administrateur» pour emprunter la formule du Professeur Jacques Chevallier [51]. Dans le souci de la préservation des droits acquis, elles disposent du pouvoir de préciser les effets des actes soumis à leur censure et qui doivent être définitifs. A cet effet, on est amené à qualifier ces arrêts comme ayant un «caractère déclaratoire» [52]. En effet, la formule exécutoire tant prônée par les textes communautaires n’a qu’une valeur symbolique dans la mesure où la force contraignante des arrêts des juridictions communautaires découle des principes généraux du droit processuel communautaire. Mais, si les requérants privilégiés ont des facilités à faire exécuter les arrêts rendus en leur faveur, le traitement marginal réservé aux requérants ayant le statut de particulier s’étend à l’exécution des arrêts rendus en leur faveur.

2 - Le traitement marginal du particulier

Le particulier est selon le Vocabulaire juridique «une personne physique et/ou une personne morale de droit privé par opposition à la personne morale de droit public» [53]. Les seuls arrêts qui devraient être d’exécution aisés sont ceux contenant des obligations pécuniaires. C’est tout le sens des articles 45 et 46 des Traités CEMAC et UEMOA selon lesquelles : «les décisions qui comportent, à la charge des personnes autres que les Etats, une obligation pécuniaire, forment titre exécutoire» [54]. Pour tous les autres arrêts, il faudrait une formule exécutoire [55]. Les législateurs communautaires en ont précisé les modalités d’apposition en ces termes: «[…] la formule exécutoire est apposée, sans autre contrôle que celui de la vérification de l'authenticité du titre, par l'autorité nationale que le gouvernement de chacun des Etats membres désignera à cet effet» [56]. Cette disposition s’impose en vertu du principe de «l’autonomie institutionnelle et procédurale des Etats membres» [57]. Il en résulte que les arrêts communautaires doivent, sous réserve de quelques spécificités, obéir au régime d’exécution interne au même titre que les décisions qui y sont rendues. Ils ne doivent donc pas être considérés comme des décisions étrangères, auquel cas, elles obéiraient aux exigences des dispositions internes relatives à la reconnaissance des décisions y relatives. Cependant, l’on note que ces spécificités précisées par les législateurs communautaires rencontrent les lacunes identifiées au niveau des Etats membres. A notre connaissance, les Gouvernement des Etats membres de la CEMAC et de l’UEMOA sont toujours restés inactifs et n’ont pas procédé à la détermination de l’autorité habilitée à apposer la formule exécutoire sur un arrêt communautaire [58]. La doctrine a apporté un début de solution en indiquant que cette autorité peut être soit «le Ministre de la justice soit du Greffier en chef de la plus haute juridiction nationale» [59]. Il revient donc aux Etats membres d’en définir les modalités pratiques.

Une fois apposée, la formule exécutoire apparait comme une formule énergique par laquelle la République apporte son aval à l’usage de la force publique contre le particulier pour l’exécution des obligations constatées dans les titres [60]. Dès lors que cette formule est apposée, la décision est désormais appelée «grosse». C’est cette dernière qui ouvre la voie à la mise en œuvre d’une exécution forcée. C’est fort de cela que le Tribunal de Grande Instance (TGI)  de Bonanjo rappelait encore que : «cette expédition de l’arrêt qui n’est pas une grosse, est donc insusceptible d’exécution en l’état […] il ne saurait y avoir exécution forcée» [61]. Il en résulte donc que le défaut de la formule exécutoire soustrait le particulier de toute obligation d’exécution.

Si le législateur a exclu l’exequatur [62] pour ne retenir que l’apposition de la formule exécutoire au même titre que les décisions rendues par les Etats, il faut cependant relever qu’il s’agit pour le créancier de la décision d’une «main tendue et retenue» [63] qui se justifie sous un double angle. D’une part, la délivrance des titres exécutoires n’est pas déjà aisée pour ce qui est des décisions rendues dans les Etats. A plus forte raison pour les arrêts émanant d’une juridiction communautaire et où ladite formule exécutoire devra être apposée par une autorité désignée à cet effet. D’autre part, la vérification de l’authenticité de l’arrêt est susceptible d’impliquer des déplacements auprès des sièges desdites juridictions pour procéder à des fouilles. Ces deux raisons sont en l’occurrence quelques facteurs pouvant engendrer des lenteurs décriées par les justiciables dans l’exécution de l’arrêt communautaire. A cela, il convient d’ajouter l’absence des délais à cet effet. Il serait plutôt convenable pour les législateurs CEMAC et UEMOA de fixer un délai au-delà duquel, la non intervention de l’autorité constatée, vaudra force exécutoire automatique.

De plus, les législateurs CEMAC et UEMOA étant unanimes sur le contrôle de la régularité des mesures d’exécution qui doivent relever de la compétence des juridictions nationales, le législateur CEMAC s’en est démarqué par son ingérence dans la détermination des autorités chargées de procéder et de suspendre l’exécution forcée. Relativement à l’exécution, le Traité CEMAC dispose que : «[…] le Président de la Commission peut poursuivre l’exécution forcée en saisissant directement l’organe compétent, selon la législation nationales» [64]. Pour ce qui est de la suspension de l’exécution, le même Traité précise qu’elle ne peut intervenir «qu’en vertu d’une décision de la Cour de Justice communautaire» [65]. A cet effet, il serait avantageux et dans le but de garantir la souveraineté des Etats, que les modalités d’exécutions soient aménagées pas les Etats. Le mutisme du législateur UEMOA porterait à croire qu’il va dans ce sens. Mais il serait opportun de le préciser clairement dans le but de dissiper toute ambiguïté.

On ne saurait cependant achever l’analyse sans s’interroger sur la force du principe de l’effet direct appliqué aux arrêts des juridictions communautaires. En effet, ce principe est l’un des principes cardinaux d’application du droit communautaire. Il est défini par la CJCE en ces termes : «le droit communautaire, indépendant de la législation des Etats membres, de même qu'il crée des charges dans le Chef des particuliers, est aussi destiné à engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique» [66]. Ce principe justifie l’utilité d’un mécanisme de transposition des normes communautaires dont les décisions font partie. Une bonne exploitation du principe de l’effet direct devrait conduire à limiter l’intervention des instances nationales si elle est de nature à compromettre l’effectivité d’un droit communautaire acquis. Une décision rendue par les juridictions communautaires, ayant acquis l’autorité de la chose jugée, doit pouvoir bénéficier de principe d’effet direct, qui ne nécessite d’aucune formule exécutoire en vue de son effectivité. C’est ce qui inspire d’ailleurs l’on pourrait aussi envisager comme dans la pratique CJCE [67] une force exécutoire intrinsèque à l’effet de dispenser le porteur de la décision de toute formalité à l’intérieur de l’Etat d’exécution.

On doit donc saluer la volonté du législateur CEMAC de rendre encore plus effectif les arrêts communautaires par son ingérence relativement à la détermination des autorités chargées de procéder à l’exécution forcée et à la suspension. Cependant cette ingérence peut complexifier davantage la tâche des autorités nationales qui seront dans la posture de tout attendre du législateur communautaire. Or, l’objectif communautaire étant économique, les autres aspects devraient relever de la compétence du législateur national. A cette faiblesse, s’ajoute l’inadéquation des mesures coercitives en cas d’inexécution des arrêts communautaires.

II - L’inadéquation des mesures coercitives en cas d’inexécution

La doctrine indiquait déjà que l’exécution se rattache à l’idée de «réalisation de droit» et de «contrainte» [68]. Ce dernier élément est étroitement lié au jugement, qui peut être assorti d’une astreinte et ramené à exécution par des procédés coercitifs [69]. Les mesures coercitives sont l’ensemble des moyens auxquels peut recourir la partie gagnante d’une décision judiciaire en cas d’inexécution. La force des arrêts est aussi fonction de l’existence des mesures coercitives en cas d’inexécution. Dans la CEMAC et l’UEMOA, il n’existe pas de véritables moyens pouvant contraindre les parties à pouvoir exécuter les arrêts communautaires. Il y a, d’une part, l’insuffisance des contraintes administratives (A) et, d’autre part, l’absence des contraintes juridictionnelles (B).

A - L’insuffisance des contraintes administratives

Les contraintes administratives sont l’ensemble des moyens dont dispose l’administration contre le débiteur défaillant d’une décision de justice. L’analyse des textes relatifs aux deux juridictions communautaires laisse percevoir une mobilisation hésitante des moyens d’exécution dans la CEMAC (1), et une mobilisation peu contraignante de ces moyens dans l’UEMOA (2).

1 - La mobilisation hésitante des moyens d’exécution dans la CEMAC

Cette mobilisation hésitante provient du fait que le législateur CEMAC, dès l’origine, a manifesté sa volonté d’encadrer d’une manière contraignante les arrêts rendus par la Cour relativement au recours en annulation. La Convention de 1996 dispose à cet effet que, statuant en matière de légalité, «l’Etat membre, l’Institution, l’Organe ou l’Institution Spécialisée dont émane l’acte annulé est tenu de prendre des mesures que comporte l’exécution de l’arrêt rendu par la Chambre Judiciaire. Et en cas de refus de se conformer, tout Etat membre ou tout Organe de la CEMAC en saisit la Conférence des Chefs d’Etat» [70]. La Convention révisée de la même Cour en des termes quasi identiques a réitéré cette disposition sauf que la deuxième phrase a été remplacée par : «[…] Celle-ci a la faculté d’indiquer les effets des actes annulés qui doivent être considérés comme définitifs, et de prononcer une astreinte» [71]. La lecture méticuleuse de ces deux dispositions fait observer deux infirmités. D’une part, la mobilisation des moyens d’exécution concerne essentiellement le recours en annulation. C’est dire que les autres types de recours ne bénéficient pas des mesures coercitives d’exécution. Visiblement, le particulier qui aurait bénéficié en sa faveur d’une décision relative au recours en indemnité n’est pas en mesure d’invoquer les moyens d’exécution mises à la disposition des requérants privilégiés relatifs au recours en annulation pour faire exécuter l’arrêt. Le fait de limiter cette mesure aux requérants privilégiés est susceptible d’engendrer de la part du particulier un frein psychologique relatif à son accès à la justice. De plus, l’on observe une imprécision de la part du législateur quand il affirme que l’État, l’Institution, l’Organe ou l’Institution Spécialisée dont l’acte est jugé non conforme, devra prendre toutes les mesures nécessaires à l’exécution de l’arrêt rendu par le juge communautaire. Ce faisant, le législateur n’a pas précisé la nature des mesures à prendre. Ce qui veut dire que ces personnes publiques sont tenues à une obligation de résultat et non de moyen. Seulement, le moyen de contrôle de cette exécution reste moins convaincant. Cette situation peut être source d’indifférence de la part de ces autorités face aux arrêts du juge qui peuvent ne prendre aucune mesure à cet effet. 

D’autre part, le législateur a prévu quelques mesures relativement coercitives. En effet, il s’est montré plus intéressant dans la mobilisation des mesures d’exécution des arrêts en cas de refus de l’autorité dont l’acte est jugé illégal. Il semblait s’évertuer en précisant qu’en cas de refus de se conformer à la décision du juge communautaire, tout État ou tout Organe peut saisir la Conférence des Chefs d’Etat. On perçoit une volonté manifeste du législateur d’employer les mesures contraignantes pour pouvoir permettre l’exécution efficace et efficiente des arrêts communautaires. Seulement, il convient de relever que cette saisine de la Conférence des Chefs d’Etat peut s’avérer inefficace, car elle ne fera que constater l’inexécution.

 Face à ce déficit, le législateur de 2009 a abrogé cette partie de la disposition en la remplaçant par : «Celle-ci [la Cour de Justice] a la faculté d’indiquer les effets des actes annulés qui doivent être considérés comme définitifs, et de prononcer une astreinte» [72]. Il en résulte ainsi une volonté significative de la part du législateur d’impliquer la Cour dans la mobilisation des mesures d’exécution des arrêts communautaires. Toutefois, cette implication survient avant coup, c’est-à-dire avant l’exécution même de l’arrêt. Ce qui limite en quelque sorte le rôle du juge dans ce processus quand on sait qu’il ne lui appartient pas d’adresser des injonctions aux institutions communautaires [73]. A cet effet, le juge CEMAC a réitéré que «l’article 98 du Règlement de procédure de la Chambre judiciaire ne prévoit pas la possibilité pour la juridiction communautaire, dans le cadre du contrôle de la légalité, de prononcer la réintégration d’un fonctionnaire en vertu de la séparation des compétences administratives et des compétences juridictionnelles» [74].

A l’analyse comparée des deux dispositions, on peut arriver à la conclusion selon laquelle, le législateur CEMAC de 1996 semblait plus ambitieux par rapport à celui de 2009 qui semble en retrait relativement aux moyens juridiques d’exécution des arrêts communautaires.

2 - La mobilisation peu contraignante des moyens d’exécution par l’UEMOA

Pour le Protocole additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA, «si la Cour de Justice constate qu’un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombe en vertu du Traité de l’Union, cet Etat est tenu de prendre toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt. En cas d’abstention de l'Etat membre dont le manquement a été constaté, la Commission a la faculté de saisir la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement afin qu’elle invite l’Etat membre défaillant à s’exécuter» [75]. Cette disposition est peu similaire à l’article 16 de la Convention originaire de la Cour de Justice de la CEMAC de 1996 dans la mesure où, elle implique la Conférence des Chefs d’Etat dans l’exécution de l’arrêt. Cependant quelques handicaps sont à relever.

En effet, à la lecture des différents textes régissant la Cour de justice de l’UEMOA, l’on observe une absence manifeste des dispositions coercitives d’exécution des arrêts communautaires comme c’est le cas dans l’espace CEMAC. La disposition précitée en ce qui la concerne exclut les autres types de recours et ne retient que le recours en manquement. Ce dernier permet de contrôler le respect par les Etats des obligations qui leur incombe en vertu du droit communautaire [76]. Lorsque ce manquement d’un Etat est constaté par la juridiction communautaire, l’Etat concerné est tenu de l’exécuter. En cas inexécution constatée par la Cour de justice, la Commission peut saisir la conférence des Chefs d’Etat. En effet, faire du recours en manquement une affaire d’État, l’érige au rang de voie de droit «élitaire» [77] dont seuls la Commission et les Etats [78] peuvent en faire usage. Le particulier les autres organes n’en ont pas droit. Le protocole additionnel est clair lorsqu’il affirme que seul la Commission peut saisir la Conférence des Chefs d’Etat en cas d’inexécution. Les autres acteurs ne peuvent la saisir.

 De plus, le législateur laisse la faculté à cette Commission de saisir ou non la Conférence à l’effet de prescrire les mesures d’exécution. Cette action pourrait s’avérer arbitraire en l’absence des critères explicites de saisine. La Commission est alors seul juge de l’opportunité de saisine de la Conférence des Chefs d’Etat en cas d’abstention de la part d’un Etat. Et même lorsque cette conférence sera saisie, le législateur ne précise pas des gammes de sanctions réservées aux Etats. Il appartient donc à ladite Conférence de les définir.

Il est à reconnaitre à travers l’analyse de cet article 6 du Protocole Additionnel n° 1 qu’il n’existe pas de mesures contraignantes pouvant parvenir à une exécution effective des arrêts communautaires, la Commission ne disposant pas de moyens coercitifs à cet effet. La Conférence des Chefs d’Etat à son tour possède un pouvoir moral et politique [79]. Si le particulier a été mis en marge des moyens d’exécution dans le cadre dudit article, l’on pourrait croire qu’en vertu de l’article 10 du même Protocole n° 1, le législateur UEMOA se serait rattrapé.

Comme l’article 25 alinéa 2 de la Convention régissant la Cour de Justice de la CEMAC, on peut lire à la suite de l’article 10 du Protocole additionnel n°1 relatif aux Organes de contrôle que, «l’organe de l’Union dont émane l’acte annulé est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour de Justice. Celle-ci a la faculté d’indiquer les effets des actes annulés qui doivent être considérés comme définitifs». Comme son homologue CEMAC, les mêmes reproches méritent d’être adressés au législateur UEMOA. Concrètement, cette disposition s’intéresse seule au recours en annulation. Aussi, la Cour intervient dans ce processus avant l’exécution pour préciser les effets de l’arrêt. Mais encore, cette intervention n’est aucunement assortie des mesures contraignantes.

L’on constate une légèreté dans la mobilisation des moyens d’exécution de la part du législateur UEMOA. Tout se passe comme s’il éprouvait un sentiment de méfiance à l’endroit des arrêts rendus par la Cour. Ce qui sans doute amène à confirmer le caractère peu contraignant dans la mobilisation de ces moyens d’exécution à laquelle s’ajoute l’absence de contraintes juridictionnelles.

A - L’absence des contraintes juridictionnelles

L’absence de contraintes juridictionnelles est manifeste sous un double angle : l’espoir manqué du recours en manquement (1) et l’absence des sanctions financières (2).

1 - L’espoir manqué du recours en manquement

Longtemps conçu en droit européen [80], l’action en manquement comme instrument judiciaire de contrôle [81] a été initialement consacré par le législateur UEMOA et à mi-parcours par son homologue CEMAC [82]. N’ayant pas fait l’objet d’une définition particulière dans les textes communautaires de la CEMAC et de l’UEMOA, ses indices sont toutefois révélées dans la synthèse de l’abondante jurisprudence européenne [83]. Il suppose alors «une obligation imposée par le droit communautaire violée par le comportement de tout organe de l’Etat concerné» [84]. Comme sa définition, sa procédure n’a pas été spécifiée. Les législateurs ont précisé qu’elles seront contenues dans des textes spécifiques. La consécration du recours en manquement par le législateur CEMAC [85] et UEMOA [86] parait salvatrice pour une exécution effective des arrêts communautaires. Bien qu’elle ne soit pas destinée principalement à sanctionner le non-respect des décisions de la Cour communautaire, ce recours peut à titre prospectif être mis à profit en cas de non-exécution des arrêts rendus par la Haute juridiction [87].

De toute évidence, il importe d’observer à travers la définition ci-dessus que le recours en manquement peut être mis en œuvre seulement à l’encontre d’un Etat pour violation de ses engagements communautaires. Autrement dit, les organes et institutions communautaires en sont exclus. Pour l’heure, aucun recours en manquement n’a été entrepris dans les espaces CEMAC et UEMOA. Doit-on pour cela dire que les Etats membres se conforment réellement aux obligations qui sont les leurs ? Loin s’en faut ! En attendant, il convient d’admettre, au même titre que l’ancien Président de la Chambre judiciaire Pierre Kamtoh, que le recours en manquement obéit à deux phases : une phase administrative et une phase juridictionnelle. Il est à noter que le recours à la seconde phase est conditionné par l’échec de la première et est sanctionné par une décision du juge encore appelée l’arrêt en manquement. Dès lors, l’Etat contre lequel cette sanction a été prononcée est tenu de prendre toutes les mesures possibles pour l’exécution de l’arrêt. Ce qui traduit à l’image des directives, une obligation de résultat à l’Etat débiteur de l’exécution de l’arrêt.

Cependant, en cas d’inexécution dudit arrêt, il conviendra pour la Commission, après constat, d’exploiter une fois de plus le recours en manquement pour amener l’Etat défaillant à s’exécuter. Ce nouveau recours sera basé sur le non-respect de l’arrêt en manquement[88]. Etant donné que les décisions juridictionnelles sont une extension des engagements communautaires pris par les Etats, leur inexécution s’observera comme une violation manifeste desdits engagements [89]. L’on se trouvera en face d’une procédure de «manquement sur manquement» [90], le manquement découlant ici d’un défaut d’exécution de l’arrêt en manquement. Pour l’heure, les législateurs CEMAC et UEMOA ont renvoyé la réglementation de ces recours à des «textes spécifiques» ultérieurs. On espère qu’ils soient rapidement adoptés afin de garantir efficacement la sécurité juridique des justiciables. Cette règlementation devrait fixer les Etats, et spécialement sur le point des sanctions encourues en cas d’inexécution. A l’instar des réformes introduites dans le Traité de Maastricht [91], l’on pourrait ainsi penser aux sanctions financières telles que les astreintes et les amendes forfaitaires contres l’Etat [92] ou les organes défaillants. 

2 - L’absence des sanctions financières

Les sanctions financières sont des mesures qui permettent de mettre à la charge de la partie appelée à exécuter une décision, des obligations pécuniaires la contraignant à s’exécuter. Ces obligations pécuniaires sont constituées des amendes forfaitaires et des astreintes. Pour ce qui est des amendes forfaitaires, c’est une «Modalité d’extinction de l’action publique propre à certaines contraventions, par laquelle le contrevenant évite toute poursuite en s’acquittant d’une amende soit immédiatement entre les mains de l’agent verbalisateur, soit de manière différée au moyen par exemple d’un timbre-amende» [93]. Elle peut être minorée ou majorée selon qu’elle est payée avant ou après les délais fixés, et est proportionnelle à la faute commise. Par contre, l’astreinte est indépendante des dommages et intérêts. Elle a, en raison de sa nature, pour but de contraindre la partie débitrice à exécuter une décision judiciaire au risque du paiement d’une somme d’argent en cas de retard dans la fourniture des obligations mises à sa charge [94].

Les systèmes normatifs CEMAC et UEMOA n’ouvrent pas encore pas la possibilité de sanctions financières en cas d’inexécution des arrêts communautaires. En revanche, il y’a une volonté de la part du législateur CEMAC d’instaurer le recours aux astreintes. Mais l’on regrette qu’il n’ait pas consacré assez de développement à cet effet. Il s’est juste contenté d’une portion de texte pour l’intégrer. On peut ainsi lire : «[…] l’Etat membre, l’institution, l’organe ou l’institution spécialisée dont émane l’acte annulé est tenu de prendre des mesures que comporte l’exécution de l’arrêt rendu par la Cour de Justice. Celle-ci a la faculté d’indiquer les effets des actes annulés qui doivent être considérés comme définitifs, et de prononcer une astreinte» [95]. Il en ressort la volonté d’octroyer plus de responsabilités à la Cour dans le but de rendre plus efficace les arrêts en annulation, car en dehors de préciser les effets de ces derniers, elle peut prononcer des astreintes. Il est dès lors difficile de se prononcer sur le régime de ces astreintes faute de définition d’un régime juridique y afférent. Ce qui porte à croire que c’est avec beaucoup de pincette que le législateur CEMAC évoque l’«astreinte». Il serait donc convenable, et ce pour une bonne exécution des arrêts communautaires, que les législateurs CEMAC et UEMOA mettent de l’accent sur les sanctions financières, car l’effectivité du droit communautaire en dépend aussi.

 

Conclusion

Loin d’avoir la prétention d’épuiser les contours de la question, cette étude a permis de mettre à nu quelques difficultés qui confirment le potentiel problématique de l’exécution des décisions rendues par les juridictions communautaires. L’analyse comparative des textes CEMAC et UEMOA a permis d’observer une identité des mécanismes d’exécution dans les deux espaces. Ces derniers sont lacunaires et ne contiennent pas véritablement des mesures de contrainte en cas d’inexécution. La problématique d’exécution des arrêts communautaires les législateurs de procéder à de véritables réformes judiciaires. L’on croit à cet effet que l’exécution efficiente des arrêts communautaires pourrait à coup sûr passer par l’implication des juridictions communautaires dans le processus. Il conviendra pour cela d’adopter et ce, en urgence les procédures relatives à la pratique du recours en manquement dans le but de sanctionner non pas seulement les Etats mais aussi les organes n’ayant pas exécuté les arrêts communautaires.  D’instaurer des mesures contraignantes d’exécution telles que les astreintes, les amandes forfaitaires, la suspension et même le retrait de l’Etat défaillant. Ces quelques propositions contribueront à attribuer un véritable caractère de force exécutoire aux arrêts communautaires, car la justice, il ne suffit pas de la saisir, mais encore et surtout de voir ses décisions exécutées.

 

[1] Déclaration du Président de la Chambre judiciaire de la Cour suprême du Benin Jacques Mayaba à l’occasion du colloque organisé à la Cour de Cassation française le 23 mars 2012 par l’AHJUCAF sur le thème : l’«exécution des décisions de justice dans l’espace francophone». 

[2] Initialement crée par le Traité du 16 mars 1994, la Cour de Justice de la CEMAC est entrée en fonction en 2000. Elle a pour siège Ndjamena, capitale du Tchad. Suite aux réformes institutionnelles initiées en 2006 à BATA, les leaders des États membres de la CEMAC ont décidé de la fragmentation la Cour de Justice initialement composée de la Chambre Judiciaire et de la Chambre des comptes en deux Institutions indépendantes. Il s’agit de la Cour de Justice Communautaire et la Cour des Comptes. Par ces réformes, le législateur communautaire s’est arrimé aux pas de ses homologues de l’Union Européenne (UE) et de l’Union Monétaire des États Ouest Africain (UEMOA). La Cour de Justice de la CEMAC en l’occurrence devra hériter des attributions jadis confiées à la Chambre Judiciaire de l’ex Cour de Justice de la Communauté.

[3] La Cour de Justice de l’UEMOA en ce qui la concerne, a été Créée le 10 janvier 1994, et officiellement installée en Septembre 1995 à Ouagadougou au Burkina Faso. Ses huit (8) membres sont nommés pour un mandat de six (6) ans renouvelable une fois. Cette Cour fait l’objet d’une règlementation variée. L’on en cite pour preuve : Le Traité du 10 janvier 1994, créant l'UEMOA dont l'article 38 a créé la Cour; le Protocole Additionnel n° 10 relatif aux Organes de contrôle de l'UEMOA; l'Acte Additionnel n° 01/96 portant Statut de la Cour de Justice de l'UEMOA; le Règlement n° 10/96 portant Règlement des procédures de la Cour de Justice de l'UEMOA; le Règlement n° 02/96 du 20 décembre 1996 portant Statut du greffier; à ces cinq textes, il faut ajouter le Règlement n° 01/2000/CDJ relatif au Règlement Administratif de la Cour de Justice.

[4] J. Fipa Nguepjo, Le rôle des juridictions supranationales de la CEMAC et de l’OHADA dans l’intégration des droits communautaires dans les États membres, Thèse de Doctorat, Université de Panthéon-Assas, 2011, p. 69.

[5] CEDH, Hornsby/Grece, 19 mars 1997, § 40, Dubenko/Ukraine, 11 janvier 2005, 2ème section, § 44 ; lire aussi L. Berthier, La qualité de la justice, Thèse de Doctorat, Université de Limoge, 2011, p. 303 ; E. Lambert Abdelgawad, L’exécution des décisions des juridictions Européennes (Cour de Justice des Communautés Européennes et Cour Européenne des Droits de l’homme), Annuaire français de droit international, 2006, pp. 677-724, Spéc. 679. 

[6] Cf. Dictionnaire Larousse. 

[7] Ibid.

[8] F. Tulskens, L’exécution et les effets des arrêts de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Le rôle du judiciaire, in Dialogue entre juges, Cour Européenne des Droits de l’Homme, Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2006, p. 12.

[9] G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 1987, p. 2070.

[10] S. Guinchard et Th. Debard, Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2017, p. 935.

[11] Dictionnaire Larousse de Français, op. cit., 2008, p. 163.

[12] C. Guettier, L’administration et l’exécution des décisions de justice, in actualité juridique de droit administratif, n° spécial, Juillet-août 1999 sur «puissance publique et impuissance publique», p. 67. 

[13] La première dimension implique une certaine finitude, c’est-à-dire la conformité des arrêts au droit. C’est l’art de dire le droit (juridictio). La deuxième dimension fait référence à l’aboutissement d’une procédure juridictionnelle susceptible de produire des effets juridiques sans laquelle elle serait dépourvue de toute effectivité. C’est l’impérium.

[14] B. Cheysson et Y. Simonnet, L’exécution des décisions condamnant la personne publique à payer une somme d’argent, in contrat et marché public, n° 11, novembre 2004, p. 1. 

[15] A.-D. Tjouen, L’exécution des décisions de justice en droit camerounais, Revue Internationale de Droit Comparé, n° 2, 2000, pp. 429-442, Spéc. p. 429.

[16] L’expression «Communauté de droit» a pour la première fois été utilisée par Walter Hallstein, alors Président de la Commission de l’Union Européenne, lors d’une conférence prononcée en 1959. Elle a plus tard été reprise par la CJCE dans l’arrêt les Verts contre parlement européen du 23 avril 1986. Le juge Georges Taty de la Cour de justice de la CEMAC l’a repris à son compte dans un article intitulé «Le règlement du contentieux communautaire par la chambre judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC», Revue de l’ERSUMA : Droit des affaires - Pratique professionnelle, n° 6 - Janvier 2016. Dans cet article, le juge indique que : «Cette Communauté de droit qu’emprunte à son tour la CEMAC, exige que les Etats membres respectent les obligations découlant des Traité. À défaut, une procédure de manquement pourra être engagée».

[17] Relativement à la force exécutoire, il importe de signaler qu’ayant une même vision que le législateur CEMAC, l’article 20 du Protocole Additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA énonce en substance que : «les arrêts de la Cour de Justice ont force exécutoire, conformément aux dispositions de son règlement de procédure». Or le Règlement évoqué par cet article 20 n’emploie en aucun cas le terme «exécutoire», mais plutôt celui de «obligatoire». On peut y lire à la suite de l’article 57 dudit Règlement que : «L'arrêt a force obligatoire à compter du jour de son prononcé».

[18] Article 20 précité.

[19] Il convient de préciser que les réformes institutionnelles de 2008 ont eu entre autre comme innovation de fondre le Traité et l’additif relatif au système institutionnel et juridique de la Communauté en un seul texte. Désormais, l’additif au Traité de la CEMAC n’existe plus. Tout son contenu a été intégré dans le Traité de la CEMAC. Voir Traité révisé CEMAC du 25 juin 2008. Les dispositions de l’Additif y sont intégrées à partir de l’article 10 à l’article 46.

[20] Sur la définition de cette expression, S. Guinchard  et Th. Debard, Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2017-2018, p. 236 ; L. Hounbara Kaossiri, Le régime procédural de l’autorité de la chose jugée en procédure civile camerounaise : Réflexion sur une évolution jurisprudentielle de la Cour suprême à partir d’un arrêt de la CCJA, Revue ERSUMA, n° 6, Janvier 2016, Dans le même sens, P. Mayer, Les méthodes de reconnaissance en droit international privé in Mélanges Paul Lagarde, Dalloz 2005, p. 546 et s. Spéc. p. 551, T. Lebars, Droit judiciaire privé, 3ème édition, Montchrestien, 2006, p. 262 ; R. Guillien, Retour sur quelques sujets d’actes juridictionnels et de chose jugée, in Mélanges offerts à Jean Vincent, Dalloz, 1981, pp. 117-136. Pour cet auteur, la vérité est quelque chose d’ «inaccessible». La décision du juge est de ce fait, dépourvue de toute vérité objective, A. Dieng, Exequatur des décisions et sentence de la CCJA, in Colloque de Barreau pluriel sur le thème, Panorama pratique du droit OHADA : quels enjeux pour les avocats ?,  Cabinet Cimadevilla Law Firm, 26 novembre 2009, p. 2 ; P. Kamtoh, Introduction au Système institutionnel de la CEMAC, op. cit., p. 208 ; G. Wiederkher, Sens, signifiance et signification de l’autorité de la chose jugée , Etudes offertes à J. Normand, Jurisclasseur, 2003, p. 507 ; X. Magnon, «Sur le pont-aux-ânes ? L’autorité des décisions du Conseil constitutionnel pour une distinction entre ‘autorité’ et ‘force’ de chose jugée»,PUAM, 2008, Chapitre II sur l’irrévocabilité et le moment de l’autorité de la chose jugée, Disponible sur www.openedition.org. J. Derrupe, La notion particulière de décision définitive en procédure pénale, in quelques aspects de l’autonomie du droit pénal, G. Stefani, (Dir), Dalloz, 1956, pp. 117-154, Spéc. p. 24-25, B. Bouloc, Procédure pénale, Dalloz, 20ème éd., 2006, p. 981 ; J. Pradel, Procédure pénale, Cujas, 13ème édition 2006, p. 1032 ; Ph. Conte, et Maistre du Chambon, Procédure pénale, Armand Colin, 4ème éd., 2002, p. 663. 

[21] CJ-UEMOA, arrêt n° 06/2009 du 15 mai 2009, «Ebrotié Kouadio c/ Commission Bancaire de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA)», Recours en annulation.  

[22] A. Balla Kalto, La problématique de l’accès à la justice au Niger, Disponible sur www.afrilex.u-bordeaux4.fr.

[23] J. Ngoumbango Kohetto, L’accès au droit et à la justice des citoyens en République Centrafrique, Thèse de Doctorat, Université de Bourgogne, 2013, p. 151.

[24] Traité révisé CEMAC, art. 10, al. 1.

[25] Article 10, alinéa 2, op. cit.

[26] Article 10, alinéa 3, op. cit.

[27] Article 16 du Traité modifié de l’UEMOA du 29 janvier 2013.

[28] Article 40, op. cit.

[29] Article 41, op. cit.

[30] Article 13 du Traité de l’Union Européenne, version consolidée du 26 octobre 2012.

[31] Surveillance de l’exécution des arrêts et décisions, la Cour Européenne des Droits de l’Homme, 6ème rapport annuel du Comité des Ministres, 2012, p. 6.

[32] Article 36 de la Convention régissant la Cour de Justice de la CEMAC.

[33] Voir ordonnance de la Cour du 2 juin 2005, Cité par Ibid..

[34] E.-L. Abdelgawad, L’exécution des décisions des juridictions européennes (Cour de Justice des Communautés Européennes et Cour Européenne des Droits de l’Homme), In Annuaire Français des Droits de l’Homme, Volume 52, 2006, pp. 677-724, Spéc. p. 680.

[35] CJUEMOA, avis n° 1/2003 du 18 mars 2003, p. 33

[36] Arrêt n° 11/2011 du 24 mars 2011, Affaire «Mokamanede John Wilfrid contre EIED», Sommaire M.-C. Kamwe Mouaffo, RDJ-CEMAC, n° 3, op. cit., p. 56. 

[37] Arrêt n° 02/CJ/CEMAC/06 du 31 novembre 2006 «Affaire Mokamanede John Wilfried contre l’EIED».

[38] Sommaire M.-C. Kamwe Mouaffo, RDJ-CEMAC, n° 3, op. cit., p. 93.

[39] Le choix de la Cour de justice de la CEDEAO est justifié par le fait qu’il s’agit d’une juridiction communautaire au même titre que les Cours de justice de la CEMAC et de l’UEMOA,

[40] El Hadji Oumar Diop, L’ordre juridique interne des organisations d’intégrations africaines, op. cit., p. 39.

[41] Mehdi Ba, Sénégal : la tension monte dans l’affaire Karim Wade , in Jeuneafrique, Disponible sur www.jeuneafrique.com. Dans cet article, la Cour de justice de la CEDEAO dans un arrêt du 22 février 2013 a conclu que les mesures des autorités sénégalaises viole le droit d’aller et venir des requérants.

[42] Ibid.

[43] Le Niger s’est refusé d’exécuter l’arrêt de la Cour de Justice de la CEDEAO constatant la violation de la liberté d’aller et venir et de circulation du Président de la République. En effet, ce dernier avait été renversé et maintenu en résidence surveillée par les forces militaires.Voir arrêt n° ECW/CCJ/JUD/05/10 du 08 Novembre 2010, «Affaire Mamadou Tandja contre S.E Gen. Salou Djibo et l’Etat du Niger».

[44] R. Degni Segui, L’accès à la justice et ses obstacles, op. cit. p. 1.

[45] Article 2, alinéa 1 (a), de la Convention de Vienne sur le droit des Traités de 1969 ; lire aussi J. Hostert, Droit international et droit interne dans la Convention de Vienne sur le droit des Traités du 23 mars 1969, in Annuaire Français de Droit International, 1969, pp. 92-121, Spéc. p. 92-93.

[46] L’expression fruit d’un engagement international est employée ainsi pour désigner les arrêts communautaires. Car en s’engageant dans une Organisation, les Etats s’engagent aussi à mettre en application les obligations qui leur incombent à l’instar des décisions rendues par le juge de ladite organisation.

[47] R. Davakan, L’exécution des décisions de la CCJA dans les droits internes des Etats, p. 4.

[48] En droit communautaires, on distingue trois (3) types de requérants : les requérants privilégiés sont chef les Etats, puis les institutions ; les fonctionnaires communautaires sont des requérants semi-privilégiés ; les requérants ordinaires sont des particuliers.

[49] M.-A. Flamme, Droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 1989, p. 22.

[50] D. Munyahirwe, Du pouvoir exorbitant de l’Etat face à l’exécution forcée des jugements, Mémoire de Licence, Université Nationale du Rwanda, 2009, Disponible sur www.memoireonline.com.

[51] J. Chavallier, L’interdiction pour le juge administratif de faire acte d’administrateur, in Actualité juridique, Droit administratif, 1972, pp. 67-89.

[52] E.-L. Abdelgawad, L’exécution des décisions des juridictions européennes (Cour de justice des Communautés Européennes et Cour Européenne des droits de l’homme), op. cit., p. 683, Voir aussi V. Constantinesco, L’encadrement de la responsabilité en droit communautaire in Actes du Colloque : Vers de nouvelles normes en droit de la responsabilité publique, Disponible sur www.senat.fr

[53] G. Cornu, Vocabulaire juridique, op. cit., p. 656, Lire dans le même sens M.-C. Bergeres, Contentieux communautaire, 3ème édition, PUF, Paris, 1998, p. 110 ; P. Picotte, Juridictionnaire, Université de Moncton, Centre de Traduction et de Terminologie Juridique, Actualisé au 30 mai 2012, p. 2054.

[54] Article 46, alinéa 1, du Traité UEMOA et article 45, alinéa 1, du Traité CEMAC.

[55] La formule exécutoire se définit comme le libellé apposé par une autorité désignée par l’autorité nationale en bas de la copie de la décision de justice et qui vise à permettre à la partie ayant gagné le procès de procéder à son exécution

[56] Article 46, alinéa 2, du Traité révisé UEMOA et article 45 alinéa 2 du Traité révisé CEMAC.

[57] E. Neframi, Quelques réflexions sur l’article 19, Paragraphe 1, Alinéa 2, TUE et l’obligation des Etats membres d’assurer la protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union, in Mélanges en l’honneur de J.-C. Masclet sur le thème : «Constitution, l’Europe et le droit», Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Collection «De Republica», pp. 805-816, Spéc. p. 805, Voir aussi, M. Roccati, Quelle place pour l’autonomie procédurale des Etats membres ?, Revue internationale de droit économique, Association internationale de droit économique, 2016, 29 (4), pp. 429-439, spéc. p. 429, J.-M. Thouvenin, Approche critique du vocabulaire juridique européen : l’autonomie du droit de l’Union européenne en débat, in Chronique de droit européen et comparé, n° 15, 10 septembre 2009, p. 6, CJCE, 16 décembre 1976, ReweZentralfinanzEg et Rewe-Zentral A G c. Landwirtschafts kammer fur dasSaarland, Affaire 33-76, ECLI :EU :C :1976 :188, Point 5

[58] A titre de droit comparé, le Président de la République Sénégalaise a par décret n° 2016-1447 du 27 septembre 2016 a désigné l’autorité nationale chargée d’apposer la formule exécutoire sur les arrêts rendus par la CCJA : il s’agit de l’administrateur du greffe de la Cour Suprême, sous le contrôle du Président de ladite Cour.

[59] Y.-R. Kalieu Elongo, La contribution de la Cour de justice à l’effectivité du droit communautaire dans la CEMAC : Réflexion sur une quinzaine d’année d’application et d’interprétation du droit communautaire, op. cit., p. 610.

[60] Concrètement, il peut s’agir des voies d’exécution qui font appel aux saisies attributions ou vente d’une part, et aux mesures conservatoires d’autre part.

[61]Cameroun, TGI de Bonanjo, Décision n° 133 du 10 août 2010 statuant en matière de contentieux de l’exécution, Disponible sur www.ohadata.com/Unida

[62] Y.-R. Kalieu Elongo, La contribution de la Cour de justice à l’effectivité du droit communautaire dans la CEMAC : Réflexion sur une quinzaine d’année d’application et d’interprétation du droit communautaire, in Droit au pluriel, Mélanges en l’honneur du Doyen Stanislas Meloné, PUF, 2018, pp. 597-612, spéc. p. 610. De ce fait, il est normal qu’une décision rendue hors de l’Etat d’exécution puisse subir une formalité particulière avant d’être mise en œuvre. D’origine internationale, l’exéquatur est défini comme «la procédure qui fait entrer une sentence dans un ordre juridique quel que soit les effets que l’on prétend en tirer» ; Ph. Fouchard, E. Gaillard et B. Goldman, Traité de l’arbitrage commercial international, Litec, 1996, p. 981 ; T. Moussa, L’exequatur des sentences arbitrales internationales, Gaz. pal, 14 avril 1992, p. 275.

[63] C’est nous qui le soulignons.

[64] Article 45, alinéa 3, du Traité CEMAC.

[65] Article 45, alinéa 4, du Traité CEMAC.

[66] CJCE, aff. 26/62,  arrêt «Van Gen En Loos c/ Administration fiscale néerlandaise» du 5 février1963.

[67] La Cour de Justice des Communautés Européennes.

[68] P. Hebreaud, L’exécution des jugements civils, Revue Internationale de Droit Comparé, BSLC, 1957, pp. 170-202, spéc. p.170, Voir aussi A.-D. Wandji kamga, Le droit à l’exécution forcée, réflexion à partir des systèmes juridiques camerounais et français, Université de Limoges et Université de Yaoundé II, 2009, p. 7.

[69]  L. Cadiet, Dictionnaire de la justice, Paris, PUF, 2004, p. 489 et s..

[70] Article 16 de la Convention relative à la Chambre judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC de 1996.

[71] Article 25, alinéa 2, de la Convention révisée de la Cour de Justice de la CEMAC.

[72] Article 25, alinéa 2, de la Convention révisée de la Cour de Justice de la CEMAC.

[73] C. Blumann et L. Dubois, Droit institutionnel de l’Union européenne, 4ème édition, Litec, 2010, p. 657. 

[74]  Arrêt n°009/CJ/CEMAC/CJ/10-11 du 10 mars 2011, Affaire «Nanda Paul Gille», sommaire M.-C. Kamwe Mouaffo, RDJ-CEMAC, n° 03, 2nd semestre 2013, p. 92.

[75] Article 6.

[76] P. Kamtoh, Introduction au système institutionnel de la CEMAC, op. cit., p. 179.

[77] O. Costa, Les citoyens et le droit communautaire : les usages élitaires des voies de recours devant les juridictions de l’Union, Revue international de droit comparé, Volume 9, 2002, pp. 99-118.

[78] Article 5 du Protocole additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA ; article 23, alinéa 1, de la Convention révisée régissant la Cour de Justice de la CEMAC.

[79] M. Kamto, Les Cours de Justice des Communautés et des Organisations d’intégration africaines, in African Year book of International Law, Volume 6, 1998, pp. 107-152.

[80] Articles 226 à 228 du Traité CE.

[81] H. Calvet, Manquement (Recours en constatation de), in Répertoire de droit Communautaire, Dalloz, 1992, pp. 1-26, p. 3.  

[82] Nous employons l’expression mi-parcours pour signifier que dès dans la rédaction initiale des textes relatifs à la Cour de Justice de la CEMAC, le recours en manquement n’a pas été consacré. Cela a été fait à la suite des réformes institutionnelles qui ont abouti en 2008 à la révision du Traité et des textes conventionnels. Visiblement, l’article 4 paragraphe 2 du Traité révisé de la CEMAC dispose à cet effet que : « en cas de manquement par un Etat aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire, la Cour de justice peut être saisie en vue de prononcer les sanctions dont le régime sera défini des textes spécifiques». Ce recours a aussi été consacré par l’article 24 de la Convention régissant la nouvelle Cour de Justice CEMAC.

[83] M.-L. Ndiffo Kemetio, Droit communautaire de la CEMAC et transformations du droit administratif camerounais, Thèse de Doctorat, Université de Dschang, 2016, p. 364.

[84] Ibid.

[85] Article 23, alinéa 1, de la Convention régissant la Cour de Justice de la CEMAC.

[86] Article 15, alinéa 1er, du Règlement de procédure de la Cour de Justice de l’UEMOA.

[87] Y.-R. Kalieu Elongo, La contribution de la Cour de justice à l’effectivité du droit communautaire dans la CEMAC : réflexion sur une quinzaine d’année d’application et d’interprétation du droit communautaire, op. cit. p. 611.

[88] Article 30, alinéa 2, du Traité révisé CEMAC. 

[89] G. Taty, Le règlement du contentieux communautaire par la chambre judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC, op. cit..

[90] D.-G. Blanc, Ombres et lumières portées sur la procédure de recours en «manquement sur manquement» : la Commission entre tribunal et cour de justice, Disponible sur www.researchgate.net.

[91] Article 2018.

[92] C. Blumann Et L. Dubouis, Droit institutionnel de l’Union européenne, 3ème édition, LexisNexis, Paris, 2010, p. 516 ; G. Isaac, Doit communautaire général, 7ème éd., Paris, Armand Colin, 1999, p. 298.

[93] S. Guinchard et Th. Debard, Lexique des termes juridiques, p. 52.

[94] M. Veron et B. Nicod, Voies d’exécution et procédures de distribution, 2ème éd., Paris, Armand Colin, 1998, p. 5.

[95] Article 25, alinéa 2, de la Convention révisée de la Cour de Justice de la CEMAC. 

[Brèves] Quelle procédure pour l’annulation d’une décision judiciaire d’adjudication ?
par Aziber Didot - Seïd Algadi
Réf:CCJA, 28 novembre 2019, n° 280/2019 (N° Lexbase : A48543AZ)

► La décision judiciaire d'adjudication ne pouvant faire l'objet d'aucune voie de recours, les parties intéressées ne peuvent l'attaquer que par voie d'action principale en annulation devant la juridiction qui a prononcé l'adjudication, dans un délai de quinze jours à compter de l'adjudication.

Tel est l’apport d’un arrêt de la CCJA, rendu le 28 novembre 2019 (CCJA, 28 novembre 2019, n° 280/2019 N° Lexbase : A48543AZ ; voir en ce sens, CCJA, 15 mars 2012, n° 027/2012 N° Lexbase : A4834WG7 ; lire également CCJA, 23 févr. 2017, n° 011/2017 N° Lexbase : A4771WGS où la Cour communautaire avait déjà relevé que la décision judiciaire ou le procès-verbal d'adjudication établi par le notaire ne peut faire l'objet d'aucune voie de recours).

Selon les faits de la présente espèce, pour recouvrer sa créance sur une société, une banque a initié une procédure de saisie immobilière devant le tribunal de grande instance qui a abouti à la décision d’adjudication, objet d’un pourvoi devant la CCJA.

Après avoir énoncé la solution susvisée, la CCJA retient qu’en l’espèce, le jugement attaqué ayant prononcé l’adjudication des biens saisis, le requérant qui prétend n’avoir pas pris connaissance de cette procédure en sa qualité de caution hypothécaire, ne peut agir que par la voie sus-indiquée.

Il y a donc lieu pour la Cour de déclarer le recours irrecevable, en application des articles 32.2 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA (N° Lexbase : L0545LGB), 293 et 313 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (N° Lexbase : L0546LGC) (cf. également N. Diouf, commentaire sous article 293 de l'Acte uniforme du 10 avril 1998, portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, Code OHADA, Juriscope, 2016, p. 1093).

[Brèves] Obligation du tiers saisi après le rejet de la contestation de la saisie-attribution
par Aziber Didot - Seïd Algadi
Réf:CCJA, 19 décembre 2019, n° 343/2019 (N° Lexbase : A48883AB)

► Le tiers saisi procède au paiement sur présentation d'un certificat du greffe attestant qu'aucune contestation n'a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie ou sur présentation de la décision exécutoire de la juridiction rejetant la contestation ;

► il en résulte que le tiers saisi, après dénonciation de la saisie-attribution, et sur présentation de la décision rejetant la contestation, a l'obligation de payer au créancier saisissant le montant qu'il a reconnu devoir au débiteur saisi.

Telle est la substance d’un arrêt de la CCJA, rendu le 19 décembre 2019 (CCJA, 19 décembre 2019, n° 343/2019 N° Lexbase : A48883AB ; sur l’obligation de déclaration du tiers saisi, cf. CCJA, 7 novembre 2019, n° 250/2019 N° Lexbase : A48843A7).

Selon les faits de l’espèce, en vertu d’un exploit servi le 13 août 2010 par un huissier de justice commissaire-priseur, les appelants ont fait signifier à la société intimée la décision rendue contradictoirement le 26 mai 2010, par laquelle le Président du tribunal de grande instance de Pointe-Noire, statuant en qualité de juge du contentieux de l'exécution, a rejeté la contestation formée par le débiteur du fait de la somme restant due.

Après le rappel du principe susvisé, la CCJA retient que le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions sur le fond et il y a lieu de condamner le tiers saisi à payer ce montant aux créanciers saisissants (lire, sur le sujet, J. Wambo, Le tiers-saisi dans la saisie-attribution des créances en droit OHADA, Lexbase Afrique-OHADA, n° 4, 2017 N° Lexbase : N0429BX8).

 

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La revue OHADA

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