Lexbase Afrique-OHADA n°4 du 5 octobre 2017 : Voies d'exécution
[Doctrine] Le tiers saisi dans la saisie-attribution de créances en droit OHADA (seconde partie)

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Le 05-10-2017

[Doctrine] Le tiers saisi dans la saisie-attribution de créances en droit OHADA (seconde partie) - par Jérémie Wambo, Avocat au barreau du Cameroun, Juriste Référendaire / CCJA - OHADA

par Jérémie Wambo, Avocat au barreau du Cameroun, Juriste Référendaire / CCJA - OHADA

Après la première partie, consacrée aux obligations du tiers saisi dans la saisie-attribution de créances (N° Lexbase : N0429BX8), l'auteur analyse, dans cette seconde partie, les sanctions attachées à la violation de ces obligations.
II - Sanctions des obligations de déclaration et de communication des pièces justificatives par le tiers saisi

L'article 156 précise en son alinéa 2 in fine que "toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie, sans préjudice d'une condamnation au paiement des dommages-intérêts". Il ressort de cette disposition que le tiers saisi qui ne remplit pas ses obligations vis-à-vis du saisissant peut être condamné à lui payer les causes de la saisie d'une part, et éventuellement des dommages-intérêts, d'autre part.

Cependant, il convient de relever que bien que le texte ne le dise pas expressément, le principe de la sanction qu'il édicte (A) peut être battu en brèche par un tiers saisi qui s'est trouvé dans une impossibilité justifiée de se conformer à ces prescriptions (B).

A - Le principe de la sanction contre le tiers saisi

A la lecture de l'article 156, alinéa 2, on est tenté de dire que le mécanisme de sanction contre le tiers saisi opère de manière automatique dès lors que ce dernier n'a pas observé les prescriptions édictées. Cependant, l'analyse de la jurisprudence intervenue jusqu'ici permet de se rendre compte, outre l'exigence de preuve (27) et au-delà du fondement même de la sanction (1), qu'en cas de manquement, son application est subordonnée à certaines conditions (2). Toutefois, la nature de la sanction prononcée tient quelques fois compte de l'étendue du manquement du tiers saisi (3).

1 - Fondement de la sanction

Les sanctions édictées contre le tiers saisi tirent leur source du devoir général qui lui incombe de concourir au bon déroulement des opérations de saisie. En effet, l'article 38 de l'AUPSRVE dispose que "les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures en vue de l'exécution ou de la conservation des créances. Ils doivent y apporter leur concours lorsqu'ils en sont légalement requis. Tout manquement par eux à ces obligations peut entraîner leur condamnation à verser des dommages-intérêts [...]".

Les articles 80 pour les saisies conservatoires de créances et 156 pour les saisies-attributions matérialisent ou concrétisent ce concours des tiers en précisant ce qui est attendu d'eux dans le déroulement des opérations de saisie, en indiquant également ce qui pourrait être considéré comme un manquement.

Cependant, l'article 38 qui pose le principe de la sanction ne précise pas ce qui pourrait constituer un manquement, comme l'a fait l'article 156. Il revient donc à la jurisprudence de déterminer si telle attitude du tiers saisi est constitutive d'une obstruction au déroulement des opérations de saisie.

Ainsi, il a été jugé qu'un tiers saisi qui avait multiplié des manoeuvres pour empêcher le saisissant de servir le procès-verbal de saisie-attribution à son siège, l'obligeant à le faire à la mairie, violait par là-même l'article 38 susvisé et devait être condamné au paiement des causes de la saisie. La Cour décidait en effet que : "[...] contrairement à ce que soutient la société I., il y a lieu de relever, d'une part, que la chronologie des actes tels que dressés par l'huissier instrumentaire s'explique par le fait que c'est après avoir vainement tenté de délivrer le procès-verbal de saisie-attribution au siège de ladite société durant toute la période indiquée dans le procès-verbal de difficultés d'exécution qu'il a été contraint de dresser ledit procès-verbal de difficultés d'exécution dans lequel il a précisé avec fort détail les difficultés rencontrées dans l'exercice de sa mission et ce n'est que par la suite, pour faire face aux dites difficultés, qu'il s'est résolu à délivrer le procès-verbal de saisie -attribution à mairie ; que d'autre part, l'ordonnance de référé n° 5443 en date du 1er décembre 1999 ne peut être ignorée par la société I. puisqu'elle a été signifiée à son siège par acte d'huissier en date du 13 décembre 1999 ; qu'ainsi, c'est après avoir souverainement apprécié le procès-verbal de difficultés d'exécution et l'ordonnance de référé versés au dossier que la cour d'appel, pour confirmer le jugement entrepris, a retenu qu'en l'espèce, le procès-verbal de difficultés et l'ordonnance de référé enjoignant à la société I. de recevoir l'acte de saisie-attribution sous astreinte, établissent indiscutablement que l'appelante a bien fait obstacle à la procédure d'exécution ; en conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a statué comme il l'a fait [...]" (28).

La sanction édictée par l'article 156 est prononcée dès lors qu'est établi le manquement "[...] que ladite ordonnance a condamné la BICIG au paiement des causes de la saisie - attribution pratiquée le 12 juillet 2005 par M. A. aux motifs que sa déclaration faite à l'occasion de cette saisie n'était pas conforme à l'esprit de l'article 156 de l'Acte uniforme susvisé qui veut qu'une telle déclaration soit accompagnée de pièces justificatives ; qu'en déclarant le 12 juillet 2005 à l'interpellation de l'huissier que le compte de la partie saisie ne présente pas d'actifs saisissables, sauf erreur ou omission' par apposition d'un tampon sur le procès-verbal de saisie, sans communiquer copie des pièces justificatives comme le lui impose la loi, la déclaration de la BICIG n'est pas conforme aux dispositions de l'article 156 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, encore moins de celles de l'article 161 du même Acte uniforme qui met des obligations spécifiques à la charge du tiers saisi, établissement bancaire ou financier assimilé, à savoir celle de déclarer la nature du ou des comptes du débiteur ainsi que leur solde au jour de la saisie ; qu'il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel judiciaire de Libreville a violé les dispositions des textes sus énoncés" (29).

La Cour de cassation communautaire relève, dans une espèce où le tiers saisi avait reçu notification du certificat de non-contestation et avait aussitôt introduit une requête en désignation d'un séquestre des sommes, qu'il était pourtant tenu de payer : "[...] mais attendu que les termes de l'article 164 de l'Acte Uniforme susvisé qui s'énoncent ainsi qu'il suit sont péremptoires le tiers saisi procède au paiement sur présentation d'un certificat du greffe attestant qu'aucune contestation n'a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie...' ; que donc dès la 7 Septembre 2006 date de la notification du certificat de non contestation, la BIA était tenue au paiement ; qu'aussi en sortant de son rôle passif de tiers saisi pour introduire une procédure le 21 Juillet 2006, la BIA a effectivement dressé un obstacle, entraînant l'application de l'article 38 de l'Acte Uniforme indiqué [...]" (30).

2 - Les conditions de l'application de la sanction

Il est important de préciser d'entrée de jeu, s'agissant de la saisie conservatoire de créances, qu'aux termes de l'article 81, alinéa 1, de l'AUPSRVE, le tiers saisi ne peut être condamné au paiement des causes de la saisie que si elle a été convertie en saisie-attribution de créances. Dès lors, la Cour déclare irrecevable l'action en condamnation du tiers saisi non fondée sur cet impératif légal (31).

En tout état de cause, les conditions d'application de la sanction tiennent tantôt à la saisie elle-même (2.1), tantôt à la personne du tiers saisi (2.2).

2.1 - Conditions tenant à la saisie : la validité de la saisie pratiquée

La Cour de cassation française avait déjà, par un avis en date du 21 Juin 1999 (32), estimé que la condition de la mise en oeuvre de la responsabilité du tiers saisi en matière de saisie conservatoire doit être la validité de ladite saisie. Autrement dit, pour qu'un tiers saisi qui a manqué à son obligation de renseignement soit condamné à cet effet, il faut que la saisie soit valable.

Cette règle, étendue à la saisie-attribution, est aujourd'hui d'application généralisée dans la jurisprudence française : "mais attendu qu'ayant relevé que les saisies conservatoires avaient été annulées, l'arrêt retient exactement qu'en raison de cette annulation, le tiers saisi ne pouvait être tenu rétroactivement aux obligations qui lui sont imposées par la loi et ne pouvait, dès lors, être condamné au paiement des sommes pour lesquelles elles avaient été pratiquées" (33).

Le juge de cassation OHADA l'affirme également "[...] attendu qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêt n°343 en date du 15 octobre 2010 a annulé les actes de saisie-attribution ; que dès lors aucune condamnation ne saurait être prononcée du fait de déclarations relativement à ces mêmes saisies [...]" (34). La CCJA a d'ailleurs déjà fixé sa jurisprudence sur la question et pose désormais comme principe que "[...] le tiers saisi est fondé à se prévaloir pour sa défense de tous les vices affectant la saisie qu'on lui oppose et n'engage sa responsabilité qu'à raison d'une mesure d'exécution forcée régulière" (35).

Il en est également ainsi lorsque le titre exécutoire en vertu duquel la saisie a été pratiquée a cessé d'exister, quand bien même le débiteur aurait acquiescé à la saisie "[...] attendu que le juge, partant du constat que la créance de trois cent millions contenue dans le titre exécutoire était éteinte, en a déduit 'que l'extinction de la créance rend la saisie-attribution de créance sans objet, de sorte que malgré le manquement par la banque de ses obligations professionnelles, il n'y a pas lieu à condamnation du tiers saisi aux causes de la saisie' et a ajouté que 'l'acte d'acquiescement ne peut remettre ce fait en cause' ; qu'en effet, l'annulation de la saisie rend caduc tout accord y relatif ; qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la cour n'a en rien violé l'article 164 de l'Acte uniforme susmentionné ; qu'il échet de rejeter ce moyen comme étant mal fondé [...]" (36).

De même, l'action tendant à mettre en jeu la responsabilité du tiers saisi pour manquement à son obligation de renseignement ne peut prospérer que si la saisie demeure. De la sorte, le tiers saisi ne peut encourir aucune condamnation si la mainlevée de la saisie a été ordonnée, l'action n'ayant plus aucun support juridique. C'est pourquoi la Cour de cassation communautaire martèle que "[...] ces sanctions, prévues pour garantir les saisies régulières, ne peuvent s'appliquer contre un tiers saisi si la saisie a cessé d'exister ; qu'en l'espèce, par ordonnance n° 001/2008-2009 du 3 octobre 2008, le juge des référés avait ordonné la mainlevée pleine et entière des saisies dont objet ; qu'il est constant qu'en prononçant la condamnation du tiers saisi au paiement de dommages intérêts pour avoir manqué à ses obligations de déclaration lors de la saisie alors que, d'une part, la mainlevée de ladite saisie a été ordonnée bien avant l'introduction de l'instance en responsabilité du tiers saisi le 30 décembre 2008 et, d'autre part, le créancier saisissant ne rapportant pas la preuve d'un quelconque préjudice à être réparé par l'allocation de dommages intérêts, la cour d'appel a, par mauvaise interprétation, violé les dispositions des articles sus indiquées et expose son arrêt à la cassation [...]" (37).

Le créancier saisissant n'est pas davantage fondé à poursuivre le tiers saisi lorsqu'il a lui-même donné volontairement mainlevée de la saisie sur laquelle il se fonde : "[...] attendu que s'agissant de la condamnation de la SGBCI au paiement de la somme de 28 760 594 F CFA déclarée par elle lors de la saisie du 14 juillet 2005, il y a lieu de relever que cette saisie a fait l'objet d'une mainlevée volontaire de la part du créancier saisissant en date du 04 août 2005, annihilant ainsi ses effets ; que dès lors la Cour d'appel ne pouvait sans violer l'article 164 précité, condamner le SGBCI à payer à M. C. Souleymane le montant rendu indisponible en vertu de cette saisie qui n'existe plus du fait de la volonté du créancier saisissant [...], avant d'en pratiquer une autre' [...] qu'en fondant sa demande en condamnation au paiement des dommages-intérêts sur des déclarations faites lors d'une précédente saisie ayant fait l'objet d'une mainlevée sans rapporter la preuve de l'inexactitude des déclarations de la SGBCI faites lors de la nouvelle saisie du 13 janvier 2009, la BNI ne prouve pas la violation des articles qu'elle allègue ; que dès lors, la preuve de l'inexactitude des déclarations de la SGBCI n'étant pas rapportée pour justifier sa condamnation au paiement des dommages-intérêts [...]" (39). Toutefois, la motivation de la Cour dans cette décision nous paraît d'autant plus spécieuse qu'on se pose bien la question de savoir comment le saisissant aurait pu rapporter la preuve de l'inexactitude des déclarations du tiers saisi sans en référer à la saisie dont elle a donné mainlevée.

La Cour a récemment prononcé la même décision dans une espèce similaire où le saisissant, qui avait lui-même donné mainlevée d'une saisie attribution pourtant fructueuse, en avait par la suite pratiqué une autre malheureusement infructueuse, mais ayant permis de découvrir un compte qui n'avait pas été déclaré lors de la première saisie dont mainlevée amiable avait été donnée. Pour débouter le saisissant de sa demande en condamnation du tiers saisi fondée sur le défaut fautif de déclaration du deuxième compte lors de la première saisie, la Cour relève que "[...] mais attendu, en l'espèce, qu'il est constant comme résultant des pièces du dossier de la procédure que sans relever un quelconque grief contre la saisie attribution qu'ils avaient pratiquée sur les avoirs de la Citibank-ci auprès de la défenderesse en date du 3 novembre 2011 à l'occasion de laquelle cette dernière avait déclaré sur le champ détenir sur le compte n° 3003371589059100 de Citibank des sommes couvrant largement le montant des sommes dont le recouvrement était recherché et avait immédiatement cantonné la somme totale de 53 220 500 F CFA, objet de la saisie, les demandeurs au pourvoi avaient donné mainlevée pleine et entière de ladite saisie par exploit de mainlevée amiable de saisie attribution de créance en date du 8 mars 2012 ; que pour infirmer l'ordonnance de référé n° 1425 ayant condamné la SIB au paiement des causes de cette même saisie attribution, et débouter les demandeurs de leur demande en paiement des dommages -intérêts, la cour d'appel d'Abidjan par l'arrêt attaqué, considère 'que par leur mainlevée unilatérale et volontaire, les époux K. ont mis fin à ladite saisie et aux vices qu'elle comporte ; qu'elle ne peut par conséquent plus servir de fondement à une action en paiement des causes de la saisie conformément à la jurisprudence de la CCJA, qu'en déclarant l'existence d'un seul compte à partir duquel elle a cantonné le montant de la saisie qui couvrait la créance des époux K., la SIB n'a nullement commis de faute susceptible d'ouvrir droit à des dommages-intérêts à leur profit et que ces derniers ne justifient pas non plus que lors de la seconde saisie, la SIB a refusé de recevoir immédiatement l'huissier instrumentaire'" (40). Il est intéressant de relever que l'inexactitude évidente des déclarations du tiers saisi aurait pu justifier sa condamnation si le saisissant n'avait pas sollicité le paiement des causes de la saisie antérieure dont il avait donné mainlevée. Autrement dit, le tiers saisi aurait été condamné à payer les causes de la seconde saisie qui demeurait valable si le saisissant l'avait sollicité.

C'est d'ailleurs ce cas de figure qui se présente dans une espèce qui, à première vue paraît similaire et où le saisissant avait donné mainlevée d'une saisie-conservatoire, par la suite convertie en saisie attribution, et avait aussitôt pratiqué cette fois une saisie attribution qui avait donné lieu à des déclarations différentes des premières, relativement au même débiteur. La Cour avait retenu la responsabilité du tiers saisi, en relevant que : "[...] il ressort des pièces du dossier que le 18 avril 2008, la société I. a donné mainlevée amiable de la saisie conservatoire faite le 16 juin 2003, et a, le même jour, fait procéder à une saisie- attribution de créances sur les comptes de sa débitrice, la société FTG, pour avoir paiement de la somme de 513 837 722 F CFA (principal, intérêts de droit et dépens) ; que si lors de la saisie conservatoire du 16 juin 2003, la société Ecobank SA a déclaré trois comptes dont deux débiteurs et un créditeur de la somme de 41 686 921 F CFA, elle a, pendant la saisie attribution de créances du 18 avril 2008, déclaré un seul compte débiteur différent des trois autres comptes déclarés lors de la saisie conservatoire ; que cette attitude constitue une déclaration inexacte, passible de la sanction prévue à l'alinéa 2 de l'article 156 de l'Acte uniforme susvisé" (41). On comprend aisément que si le saisissant avait sollicité la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la première saisie dont mainlevée avait été donnée, la décision de la Cour aurait été identique à celle précédemment évoquée.

Il est important de souligner que le fait que la saisie-attribution ait été invalidée par une partie, en l'occurrence le saisissant (mainlevée amiable), ou par une décision de justice (décision de mainlevée), la conséquence est la même en ce sens que cette saisie ne peut plus servir de fondement à la condamnation du tiers saisi : "[...] qu'en retenant que la SGBCI a fait des déclarations mensongères pour la condamner au paiement des causes de la saisie alors que la SGBCI avait procédé à la mainlevée de la saisie-attribution à la suite de la signification, le 10 février 2010, de l'arrêt n°36/10 du 29 janvier 2010 intervenu après sa première déclaration faite le 4 février 2010 et que le paiement des causes de la saisie étant soumis aux conditions sus mentionnées, la cour d'appel a, par mauvaise application, violé l'article 164 de l'Acte uniforme sus indiqué et expose son arrêt à la cassation [...]" (42).

Le tiers saisi, poursuivi pour manquement à son obligation de renseignement sur le fondement de l'article 156, alinéa 2, de l'AUPSRVE, peut soulever les exceptions de caducité ou de nullité de la saisie : nullité pour insaisissabilité de la créance, nullité du procès-verbal de saisie etc. A titre indicatif, il est en effet aujourd'hui acquis qu'une saisie ne peut être dénoncée que si le tiers saisi a régulièrement collaboré, sans constituer un obstacle à sa réalisation.

Toutefois, le tiers saisi poursuivi pour manquement à ses obligations n'est pas admis, pour s'extirper d'une éventuelle condamnation, à opposer au demandeur le défaut de dénonciation de la saisie "[...] attendu qu'il est de jurisprudence que la saisie ne peut être dénoncée au débiteur que si le tiers saisi a régulièrement collaboré à l'opération de saisie en rendant immédiatement disponible au profit du saisissant la propriété du fonds saisi sans y opposer le moindre obstacle ; qu'en l'espèce, la SGBCI, en faisant sur le champ une déclaration mensongère au saisissant, refusant ainsi implicitement d'exécuter la saisie- attribution, n'a pas permis à la procédure de saisie attribution d'être menée à son terme, le saisissant ne pouvant ainsi pas dénoncer une saisie dont il n'est pas encore attributaire ; que c'est à bon droit que le juge d'appel a déclaré la SGBCI malvenue à invoquer la non dénonciation de la saisie [...]" (43).

2.2 - Conditions tenant à la personne du tiers saisi

Le tiers saisi qui manque à son obligation légale de renseignement vis-à-vis du créancier saisissant n'encourt en principe pas de sanction si au jour de la saisie, il n'est redevable vis-à-vis du débiteur saisi d'aucune somme d'argent. Cette position de principe posée par la Cour de cassation française "attendu que l'arrêt a condamné la société au paiement des causes de la saisie, après avoir relevé que cette condamnation s'imposait au juge, sans avoir à rechercher si le tiers saisi, qui le déniait, était débiteur de la débitrice saisie" (44) est celle adoptée par la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA.

La Cour déclare en effet que "[...] au sens de l'article 156 de l'Acte uniforme sus indiqué, le tiers saisi est celui qui détient des fonds appartenant au débiteur du saisissant et l'absence de déclaration ou l'inexactitude des déclarations sur l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur l' expose au paiement des causes de la saisie ; qu'en retenant que 'la déclaration tardive du Trésorier général qui est assimilée à une absence de déclaration, ne peut exposer l'Etat du Niger au paiement des causes de la saisie dès lors qu'il est rapporté que ce dernier ne détient dans ses livres aucune somme de M. H. au moment de la saisie et que la BINCI SA qui ne conteste pas la réalité des écritures du Trésorier général ne doit engager l'employeur de celui-ci au paiement d'une créance que n'a pas son propre débiteur dans les comptes de ce dernier', la Cour d'appel a légalement justifié sa décision" (45). Cette position de la Cour est constante et elle ne cesse de rappeler que les dispositions de l'article 156 ne peuvent pas s'appliquer "[...] si la personne qui a fait la déclaration n'a pas la qualité de tiers, et ce, même si l'inexactitude de la déclaration est établie" (46). D'aucuns estiment qu'il serait illogique de mettre en cause la garantie du tiers saisi alors que ce dernier n'est redevable de rien (47).

Cependant, peut-on raisonnablement exonérer le tiers saisi qui délibérément s'est abstenu de faire toute déclaration au créancier saisissant et qui plus tard se défend en excipant qu'il ne détenait pas les fonds du débiteur saisi ?

L'on ne saurait répondre par l'affirmative à cette question sans dépourvoir de tout son intérêt l'obligation pour le tiers saisi d'apporter son concours en toute bonne foi à toute mesure d'exécution dès lors qu'il en est légalement requis. Aussi, nous pensons qu'une condamnation du tiers saisi dans ces conditions découragerait toute négligence de sa part le conduisant à s'abstenir de se conformer à la loi, même en l'absence d'obligation vis-à-vis du débiteur saisi.

La Cour a d'ailleurs déjà pris la mesure des enjeux et considère, dans ce qui peut être relevé comme une évolution notable que, viole son obligation légale le tiers saisi qui, bien que disposant d'un compte du débiteur saisi ouvert dans ses livres, n'a pas cru devoir faire la déclaration prévue par la loi, excipant de ce qu'il ne détient pas des sommes pour le compte du saisi, son compte étant débiteur : "[...] attendu qu'il n'est pas contesté que la société EBTPE, débitrice saisie, était en relation contractuelle avec le MEBA ; que c'est au regard de cette relation que la saisie conservatoire était pratiquée au préjudice de ladite débitrice entre ses mains [...] attendu qu'il est établi que le MEBA, lors de l'opération de saisie conservatoire, puis de sa conversion en saisie-attribution, s'est abstenu de toute déclaration, aux mépris des articles 80 et 156 susvisés ; qu'en décidant, dans ces conditions, que le MEBA a méconnu ses obligations de tiers saisi et s'expose à payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si celle-ci est convertie en saisie-attribution, la cour d'appel de Ouagadougou n'a pas violé les dispositions de l'article 156 susmentionné [...]" (48).

Cette décision est salutaire à notre sens, dans la mesure où il ne suffira plus simplement, pour des tiers saisis liés aux débiteurs saisis par des rapports d'affaires, de déclarer tardivement ou s'abstenir de déclarer ce qu'il y a lieu, sous le prétexte de ne pas détenir des sommes pour le compte du débiteur saisi.

Il ne pouvait d'ailleurs en être autrement dans la mesure où le tiers saisi est tenu de fournir à l'huissier ou à l'agent d'exécution toutes informations susceptibles de concourir sinon au dénouement heureux de la saisie, à son bon déroulement. Dès lors, est engagée la responsabilité du tiers saisi qui ne déclare pas une créance conditionnelle du débiteur saisi constituée avant la saisie "[...] que dès lors ne viole pas ledit article 155 in fine, la cour d'appel qui, appréciant souverainement les faits, engage la responsabilité de la banque pour n'avoir pas, au moment de la saisie et dans les délais de quinze jours de celle-ci, déclarer une créance conditionnelle née avant ladite saisie" (49).

Il convient tout de même de noter que les sanctions prévues par l'article 156 s'appliquent différemment.

3 - Les sanctions applicables

L'article 156 de l'AUPSRVE, en indiquant que le tiers saisi qui ne remplit pas son obligation de renseignement vis-à-vis du créancier saisissant peut-être condamné à lui payer les causes de la saisie-attribution pratiquée, et éventuellement les dommages-intérêts, prévoit par-là deux types de sanctions. La question qu'il convient de se poser est celle de savoir si ces sanctions sont cumulables ou si l'une exclut l'autre.

Le texte n'ayant pas rattaché telle sanction à tel manquement précis, il reviendra à la jurisprudence communautaire d'apprécier et de dire pourquoi il y a lieu de condamner au paiement des causes de la saisie (3.1) et/ou au paiement des dommages-intérêts (3.2).

La question n'ayant pas été tranchée en France par l'article 60 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution pour l'application de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, portant réforme des procédures civiles d'exécution (50), la jurisprudence n'a pas manqué d'intervenir pour apporter des précisions.

3.1 - La condamnation au paiement des causes de la saisie

L'article 156, alinéa 2, de l'AUPSRVE énonce in fine que "toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie, sans préjudice d'une condamnation au paiement de dommages -intérêts". Cette disposition laisse comprendre que dès lors qu'il y a manquement de la part du tiers saisi, la sanction, apparemment automatique, est sa condamnation au paiement des causes de la saisie (51).

Mais cette condamnation au paiement des causes de la saisie est prononcée une fois pour toutes et ne pourrait plus à nouveau être prononcée dans le cadre de la même saisie (52).

Par ailleurs, il n'est pas superflu d'indiquer que la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie, même si elle l'appauvrit, fait naître à son profit, sur le débiteur, un droit de créance recouvrable par la voie d'une action récursoire. C'est du moins ce que la Cour précise en ces termes : "les dispositions sus énoncées de l'article 38 de l'Acte uniforme précité édictent le principe d'une action récursoire contre le débiteur en faveur d'un tiers qui a payé les causes de la saisie au créancier poursuivant ; que cette action récursoire, contrairement aux prétentions de Me B., ne suppose pas, pour aboutir, qu'il soit démontré ou non une quelconque faute de la part du tiers ou du débiteur ; qu'il suffit que le tiers saisi ait payé les causes de la saisie au créancier poursuivant pour le compte du débiteur" (53).

Le tiers saisi est donc rassuré d'obtenir restitution de ce qu'il a payé à l'adversaire de son client. Ce qui ne nous semble pas difficile a priori, s'agissant de personnes entretenant des relations d'affaires. On peut néanmoins se poser la question de savoir si l'action récursoire pourrait concerner également les dommages-intérêts payés par le tiers saisi. A notre avis, dans la mesure où lesdits dommages-intérêts sanctionnant une faute personnelle du tiers ayant causé un préjudice au créancier, il paraît difficile de l'imputer au débiteur. Il convient de souligner aussi, s'agissant de la procédure que, ne relevant pas d'une difficulté d'exécution, l'action récursoire doit être intentée non devant le juge de l'exécution prévue par l'article 49, mais devant les juridictions de droit commun.

Cela dit, un simple retard dans la déclaration a pu justifier la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie, le juge suprême prenant soin, approuvant une cour d'appel, de préciser "qu'il s'agit bien, en l'espèce, de la condamnation du tiers saisi, la CBT, au paiement des causes de la saisie attribution de créances pratiquée pour déclaration tardive par application de l'article 156 alinéa 2 de l'Acte uniforme susvisé" (54), dans une cause où le tiers saisi, après avoir reçu signification à personne de l'acte de saisie le 15 août, n'avait fait sa déclaration que quelques jours plus tard, soit le 20 août.

Le juge suprême français avait déjà statué dans ce sens, en sanctionnant la déclaration tardive du tiers saisi "attendu qu'ayant relevé que la banque n'avait pas déclaré immédiatement au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur et que la date à laquelle elle avait satisfait à cette déclaration n'était pas établie avec certitude, la cour d'appel ne s'est pas contredite et n'a pas inversé la charge de la preuve" (55), une position qui en réalité était déjà affirmée depuis près d'une décennie et qui assimilait la déclaration tardive à un défaut de déclaration (56).

Cependant, force est de constater que la condamnation au paiement des causes de la saisie sanctionne beaucoup plus l'attitude du tiers saisi qui s'est abstenu d'apporter son concours à la saisie ou qui a refusé de faire la déclaration exigée par la loi. Pour la jurisprudence en effet "cette sanction du défaut de renseignement participe de l'interdiction faite aux tiers saisis de faire obstacle à la procédure en vue de l'exécution ou de la conservation des créances" (57).

La condamnation au paiement des causes de la saisie, quand elle doit être prononcée, opère de manière automatique et n'est subordonnée à la preuve d'aucun préjudice. C'est du moins la substance d'une récente décision de la Cour aux termes de laquelle "[...] les dispositions de l'article 156 de l'AUPSRVE ne subordonnent pas la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie à la démonstration d'un préjudice qu'aurait subi le créancier saisissant du fait de la déclaration inexacte du tiers-saisi [...]" (58). Toutefois, encourt la cassation l'arrêt d'une cour d'appel qui, pour condamner le tiers saisi au paiement des causes de la saisie, s'est bornée à relever que ledit tiers saisi a fait une déclaration "inexacte ou incomplète", sans dire en quoi cette déclaration est inexacte ou incomplète, toute chose qui met la Cour de céans dans l'impossibilité d'exercer son contrôle sur la décision ainsi rendue (59).

Il est tout de même intéressant de relever que la jurisprudence française fait une distinction nette entre le tiers saisi qui s'abstient carrément de faire la déclaration prévue par la loi et le tiers saisi qui ne fait qu'une déclaration inexacte ou incomplète. Dans ce deuxième cas le principe est la condamnation au paiement des dommages-intérêts.

3.2 - La condamnation au paiement des dommages-intérêts

Le tiers saisi qui a fait une déclaration incomplète ou inexacte peut être condamné à payer au créancier saisissant des dommages-intérêts. Telle est la position constante de la Cour de cassation (60). Cette condamnation au paiement des dommages-intérêts vise à réparer le préjudice subi par le créancier saisissant du fait du tiers saisi. Il faudra tout de même que le tiers saisi ait eu un comportement fautif et qu'il en ait résulté un préjudice pour le saisissant. Cette demande doit respecter le principe du double degré de juridiction et ne saurait être présentée pour la première fois en appel, même si elle a pour fondement la condamnation au paiement des causes de la saisie (61).

La Cour commune de justice a indiqué dans une espèce que le fait pour le tiers saisi de ne pas faire sa déclaration dans le délai qui avait empêché au créancier saisissant de poursuivre en connaissance de cause la saisie lui a causé "un préjudice certain". Pour revenir à la question de savoir si les sanctions prévues par l'article 156, alinéa 2, sont cumulables ou alors si le prononcé de l'une exclut l'autre, on peut dire que la Cour commune de justice paraît avoir répondu à cette préoccupation en optant pour un cumul de sanctions "attendu qu'il ressort de l'analyse des dispositions de 156 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution qu'en matière de saisie attribution, le tiers saisi qui fait des déclarations inexactes, incomplètes ou tardives s'expose à être condamné non seulement au paiement des causes de la saisie mais également au paiement des dommages-intérêts ; que lesdits dommages-intérêts doivent être considérés [...] comme distincts des intérêts moratoires, ces derniers étant les intérêts légaux produits par la créance, cause de la saisie" (63).

Ainsi, un tiers saisi, dont les agissement tombent sous le coup aussi bien de l'article 38 que de l'article 156 peut se voir condamné au paiement des causes de la saisie-attribution et des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'entrave au bon déroulement de la saisie "[...] qu'il ressort des pièces du dossier qu'avant la saisie du 11 décembre 2013, à la diligence de M. M. une autre du 25 octobre 2013 était déjà en cours ; qu'à l'occasion de cette saisie, la BCN SA avait déclaré que le compte de la Carte Brune était créditeur de 67 082 403 F CFA ; qu'elle ne pourrait donc moins de deux mois après déclarer que ce même compte était débiteur sans apporter la preuve d'une opération entre les deux ; que la saisie du 25 octobre 2013 portant sur un montant de 3 085 320 F CFA n'ayant été levée que le 13 décembre 2013, la BCN SA avait l'obligation de signaler, le 11 décembre 2013, le reliquat, soit 63 997 083 F CFA ; qu'en le faisant pas, sa déclaration est manifestement inexacte ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la requête de M. M. en ramenant les dommages intérêts à une juste proportion, conformément à l'article 138 de l'AUPSVE" (64).

La spécificité d'une telle sanction est que le tiers saisi est doublement sanctionné et pourrait même se retrouver en train de payer deux fois ou plus le montant des sommes saisies entre ses mains, alors que par hypothèse le ou les comptes saisis n'étai(en)t pas crédité(s) du montant de sa condamnation.

Il est important de souligner que la qualité de tiers saisi lui impose un devoir de prudence pour l'observation duquel il doit, à tout moment, pouvoir être fixé sur la querelle opposant les parties, bien qu'il n'y prend pas, par principe, part. Toute légèreté ou imprudence de nature à causer un préjudice à une partie, peut engager sa responsabilité.

C'est ainsi que dans une cause où le banquier tiers saisi avait précipitamment payé le saisissant sans attendre s'écouler le délai des voies de recours, ce dernier avait été condamné à restituer les sommes payées, notamment par le recréditement du compte du débiteur saisi. La Cour avait motivé sa décision en ces termes : "que la BNI qui savait que le juge saisi de la contestation avait déclaré irrecevable comme tardive la contestation élevée par M. T. par ordonnance du 30 août 2006, était tenue de respecter les délais légaux d'appel avant de libérer les sommes saisies ; qu'en effectuant le paiement dès le lendemain de la décision, soit le 31 août 2006, la banque qui ne s'est pas ravisée, a manqué à ses obligations de prudence que ses règles professionnelles lui imposent, commettant ainsi une faute qui concourt au dommage subi par M. T. qui ne peut disposer librement des sommes de son compte pour lequel il demande recréditement ou mieux réparation en remettant son compte en l'état où il serait si le dommage n'avait pas eu lieu [...]" (65).

La décision rendue par la Haute juridiction de cassation communautaire l'a été à juste titre dans la mesure où l'article 34 de l'AUPSRVE exige que lorsqu'une décision juridictionnelle invoquée à l'égard d'un tiers, en l'occurrence un tiers saisi comme en l'espèce, il soit produit un certificat de non-appel et de non-opposition émanant du greffier de la juridiction qui a rendu la décision. Ces documents permettent de savoir si une voie de recours a été exercée, celle-ci entraînant ou empêchant toute exécution. Dès lors, tout tiers saisi qui ne prend pas cette précaution élémentaire s'expose à devoir payer deux fois.

D'aucuns ont estimé que de par les sanctions édictées et appliquées à l'endroit des tiers saisis, "bien que contraignantes et pénalisantes pour ceux-ci, mais légitime pour les créanciers saisissants, leur attention ne peut être qu'attirée afin qu'ils redoublent de vigilance de sorte à ne pas devoir payer trop souvent à la place des débiteurs" (66).

Cependant, l'obligation faite au tiers saisi d'exiger un certificat de non-appel et de non-opposition n'implique pas un devoir de vérification de l'effectivité de la signification de la décision, ce dernier devant se contenter du certificat à lui délivré et "mentionnant la date de la signification de la décision à la partie condamnée" (67). Dès lors, martèle la Cour, on ne saurait se fonder sur une disposition d'une loi nationale non applicable à la saisie-attribution pour imposer au tiers saisi une obligation qui ne lui incombe pas "[...] les articles 34 et 164 ne font nullement obligation au tiers saisi de vérifier la présence sur le certificat de non appel ou de non opposition des mentions qu'ils prescrivent ou même d'en apprécier la régularité ; qu'ainsi en appliquant les dispositions du code de procédure civile ivoirien à une matière régie par ledit acte uniforme, et en faisant peser sur le tiers saisi l'obligation relevée ci-haut, alors même qu'il est constant comme résultant des pièces du dossier de la procédure que c'est sur présentation du certificat de non appel ou de non opposition délivré à Maître Y. par le greffier en chef du Tribunal de première instance d'Abidjan, attestant qu'après vérification du registre des appels et oppositions tenus au greffe, il n'existe aucune mention d'appel à l'encontre de l'ordonnance de référé n° 359 rendue le 11/03/2011 qu'elle avait procédé à la mainlevée de la saisie du 20 janvier 2011, l'arrêt attaqué a violé les articles 336, 34 et 164 de l'Acte uniforme susvisé et encourt de ce fait cassation [...]" (68).

Un fait est remarquable tout de même : c'est que même si l'article 156 ne l'a pas dit, la jurisprudence considère que le tiers saisi peut échapper aux sanctions.

B - L'exonération du tiers saisi

Les articles 80 et 81 de l'AUPSRVE qui traitent des obligations du tiers saisi en matière de saisie conservatoire, astreignent ce dernier au respect des prescriptions de l'article 156. En effet, l'article 81 dispose "le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus, s'expose à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si celle-ci est convertie en saisie attribution, sauf recours contre le débiteur". Cependant, l'article 156 ne fait nullement allusion à la possibilité pour le tiers saisi de justifier son manquement.

S'il est vrai que la jurisprudence communautaire avait déjà suppléé à cette carence en précisant que le tiers saisi ne peut s'exonérer qu'en excipant d'un motif légitime "considérant qu'il s'agit d'une obligation de renseignement qui s'impose impérativement au tiers saisi et à laquelle il ne peut se départir que pour un motif légitime, faute de quoi il s'expose au paiement des causes de la saisie sans préjudice de sa condamnation au paiement des dommages-intérêts" (69), il demeure indiscutable qu'en vertu des principes généraux du droit, certains faits telle que la force majeure sont toujours exonératoires, dès lors que les conditions de leur application sont réunies. En considérant, cependant, que la force majeure est toujours sous entendue, nous ne trouvons pas utile de nous y attarder. Par contre, il convient de s'interroger sur la notion de motif légitime.

La jurisprudence ne donne pas une définition du motif légitime. Elle se réserve cependant d'apprécier souverainement si tel ou tel motif dont se prévaut le tiers saisi peut constituer un motif légitime pouvant justifier son manquement, le juge suprême se réservant le droit d'exercer son contrôle.

Ainsi, a-t-il été jugé que le tiers saisi est légitimement fondé à ne pas répondre sur le champ à l'huissier ou à lui répondre avec retard si ce dernier n'apporte pas un soin particulier dans la conduite de son interpellation : "mais attendu que la cour d'appel énonce exactement que la sanction rigoureuse qui frappe le tiers saisi négligent appelle en contrepartie de la part de l'huissier de justice instrumentaire un soin particulier dans la conduite de son interpellation, qu'à défaut, le tiers saisi a un motif légitime à ne pas répondre ou à répondre avec un certain retard" (70). De même, il a été jugé légitime le fait pour le tiers saisi de différer sa déclaration parce que l'acte de saisi a été signifié à une hôtesse d'accueil, cette dernière ne pouvant pas valablement lui répondre.

Par ailleurs, la jurisprudence a souvent exonéré le tiers saisi sans forcément invoquer un motif légitime. Elle a par exemple indiqué que "lorsqu'au cours d'une saisie attribution, la banque tiers saisi commet de bonne foi une erreur sur l'identité du débiteur, elle ne fait pas une déclaration inexacte, incomplète ou tardive susceptible d'engager sa responsabilité" (71). Quoi qu'il en soit, les juges apprécient in concreto, en tirant les conséquences de chaque situation précise.

En somme, on peut constater que bien que des circonstances particulières permettent au tiers saisi de s'exonérer, le caractère automatique de la sanction de tout manquement est presque intact, de sorte que l'on peut dire aujourd'hui que beaucoup de tiers saisis potentiels, en particulier les professionnels de banques, s'y sont accommodés.


(27) CCJA, 24 avril 2016, n° 036/2016, Recueil de jurisprudence CCJA n° 23, Vol.1, p. 245 & s..
(28) CCJA, 30 mars 2006, n° 006/2006, Recueil n° 7, p. 28 (voir l'intégralité de l'arrêt en annexe).
(29) CCJA, 29 avril 2010, n° 029/2010, Recueil de jurisprudence CCJA n° 15, p. 151.
(30) CCJA, 7 juin 2012, n° 061/2012 (N° Lexbase : A3717WQQ), Recueil de jurisprudence CCJA n° 18, p. 170.
(31) CCJA, 15 mars 2007, n° 10/2007, Recueil n° 9, p. 75 "[...] qu'en statuant ainsi alors que l'article 81, alinéa 1, sus énoncé de l'Acte uniforme susvisé soumet la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie à la condition préalable d'une conversion de la saisie conservatoire de créances en saisie-attribution et qu'en l'espèce, le créancier saisissant n'ayant pas requis et fait opérer cette conversion conformément aux prescriptions procédurales énoncées par ailleurs aux articles 82, 83 et 84 du même Acte uniforme, desquels il ressort que seule cette conversion, en permettant l'attribution immédiate de la créance au créancier saisissant, lui ouvrait droit au paiement ultérieur et éventuel des causes de la saisie conservatoire de créances, l'arrêt confirmatif attaqué encourt les reproches visés au moyen [...] il échet d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de déclarer la demande de paiement des causes de la saisie formulée par l'intimée, la société D., à l'encontre du tiers saisi, la sociétéE., appelante, irrecevable".
(32) Cass. avis, 21 juin 1999, n° 09-90.008 (N° Lexbase : A6738AXT), Bull. n° 5, p. 7.
(33) Cass. civ. 2, 5 juillet 2000, n° 97-20.403 (N° Lexbase : A9081AGG), Bull. civ. II, n° 111, p. 77. Dans le même sens, voir : Cass. civ. 2, 3 mai 2001, n° 99-13.592 ([LXB=A3546ATI ]), Bull. civ. II, n° 89, p. 60 ; Cass. civ. 2, 23 novembre 2000, n° 98-22.795 (N° Lexbase : A9407AHU ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" ), Bull. civ. II, n° 155.
(34) CCJA, 22 mai 2014, n° 084/2014 (N° Lexbase : A8380WQG), Recueil CCJA n° 21, vol. 1, p. 261 ; CCJA, 23 avril 2014, n° 046/2014 (N° Lexbase : A9407AHU), Recueil de jurisprudence CCJA n° 21, vol. 1, p. 221.
(35) CCJA, 9 juin 2016, n° 111/2016, inédit.
(36) CCJA, 23 juin 2016, n°120/2016, inédit.
(37) CCJA, 19 novembre 2015, n° 144/2015, inédit.
(38) CCJA, 2 mai 2013, n° 033/2013 (N° Lexbase : A6940WQ4), Recueil n° 20, vol. 1, p. 89.
(39) CCJA, 24 avril 2015, n° 036/2016, inédit.
(40) CCJA, 21 avril 2016, n° 057/2016, inédit.
(41) CCJA, 26 février 2015, n° 006/2015 (N° Lexbase : A4881WGU), Recueil de jurisprudence CCJA n° 23, vol. 1, pp.197 & s.
(42) CCJA, 1er août 2014, n° 094/2014 (N° Lexbase : A8390WQS), Recueil de jurisprudence CCJA, n° 22, p.157.
(43) CCJA, 17 décembre 2015, n° 163, inédit.
(44) Cass. civ. 2, 5 juillet 2000 précité.
(45) CCJA, 8 décembre 2011, n° 040/2011 (N° Lexbase : A3656WQH) ; CCJA, 27 janvier 2005, n° 009/2005, précité.
(46) CCJA, 25 avril 2014, n° 062/2014 (N° Lexbase : A8359WQN), Recueil de jurisprudence CCJA, n° 21, vol. 1, p. 246.
(47) B. Diallo op. cit..
(48) CCJA, 8 juillet 2015, n° 088/2015, inédit.
(49) CCJA, 27 avril 2015, n° 055/2015 (N° Lexbase : A7227WGR), Recueil de jurisprudence CCJA, n° 23, vol.1, p. 251 & s.
(50) "Le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier, sans préjudice de son recours contre le débiteur. Il peut aussi être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère".
(51) CA Douala, 14 Janvier 2009, précité.
(52) CCJA, 23 juin 2016, n° 120/2016, inédit.
(53) CCJA, 24 avril 2008, n° 019/2008, Recueil de jurisprudence CCJA n°11, p. 54.
(54) CCJA, 16 avril 2009, n° 015/2009, précité.
(55) Cass. civ. 2, 5 juillet 2001, n° 99-20.616 (N° Lexbase : A1388AUX ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" ), Bull. civ. II, n° 133.
(56) L'huissier s'était présenté chez le tiers saisi à deux reprises le même jour et n'avait pu recueillir sa déclaration que le lendemain.
(57) Idem.
(58) CCJA, 17 décembre 2015, n° 163, inédit.
(59) CCJA, 19 mai 2016, n° 092/2016, inédit.
(60) Cass. civ. 2, 5 Juillet 2000, Bull. civ II, n° 116.
(61) CCJA, 23 juin 2016, n° 120/2016, inédit : "[...] la condamnation aux dommages -intérêts, même si elle a le même fondement que le paiement des causes de la saisie, doit être présentée dès la première instance ; que cela n'étant pas fait, c'est à juste raison qu'elle a été considérée comme demande nouvelle".
(62) CCJA, arrêt n° 013/2006 précité.
(63) Idem.
(64) CCJA, 19 mai 2016, n° 092/2016, inédit
(65) CCJA, 22 mars 2012, n° 031/2012 (N° Lexbase : A3683WQH), Recueil de jurisprudence CCJA n° 18, p.156.
(66) CCJA, 16 avril 2009, n° 015/2009, Revue de l'Ersuma, numéro spécial novembre /décembre 2011, p. 129 et s., obs. A. Boccovi.
(67) AUPSRVE, art. 34 in fine.
(68) CCJA, 26 mai 2015, n° 95/2016, inédit.
(69) CA Douala, 14 janvier 2009, précité.
(70) Cass. civ. 2, 4 octobre 2001, n° 99-20.653 (N° Lexbase : A1580AWG ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" ), Bull. civ II, n° 152.
(71) CA Abidjan, n° 584, 3 mai 2002, Ohadata J-03-17.

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